Les entretiens

Robert Neuberger D.G.

Robert NEUBURGER : un thérapeute de la relation et de l’appartenance


Marion FELDMAN

Marion FELDMAN est maître de conférences en psychologie clinique – Université Paris Descartes, psychologue-clinicienne à l’O.S.E, Chercheure au laboratoire PCPP EA 4056 Sorbonne Paris Cité, Institut de Psychologie.

Neuburger, R. (1984). L’autre demande, psychanalyse et thérapie familiale. Payot.

Neuburger, R. (2005). Les familles qui ont la tête à l’envers. Revivre après un traumatisme familial. Odile Jacob.

Neuburger, R. (2014). Exister. Le plus intime et fragile des sentiments. Payot.

Neuburger, R. (2018). L’enfant, le racisme et le thérapeute. Cahiers critiques de thérapie familiale et de pratiques de réseaux, 1(60), 165-180.

Neuburger, R. (2019). Thérapie de couple. Manuel pratique. Préface de Siegi Hirsch. Payot.

Neuburger, R. (2023). Emergence. Cahiers critiques de thérapie familiale et de pratiques de réseaux, 1(70), 75-84.

Pour citer cet article :

Feldman M. Robert NEUBURGER : de la relation et de l’appartenance. L’autre, cliniques, cultures et sociétés, 2024, volume 25, n°2, pp. 135-146


Lien vers cet article : https://revuelautre.com/entretiens/robert-neuburger-un-therapeute-de-la-relation-et-de-lappartenance/

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Rencontré le 16 septembre 2023 à Genève, Robert Neuburger, psychiatre, psychanalyste, psychothérapeute de couple et de la famille, est auteur d’une douzaine d’ouvrages, certains plus professionnels comme Le mythe familial ou Thérapie de couple, manuel pratique, d’autres pour grand public tels L’art de culpabiliser ou Paroles perverses. Il est aussi celui par lequel l’article de Georges Devereux « Renonciation à l’identité. Défense contre l’anéantissement », publié en 1967 dans la Revue française de psychanalyse, a été davantage connu, on lui doit sa réédition en 2009 aux éditions Payot. Il en a d’ailleurs écrit une magnifique préface.
Né en 1939, de parents juifs allemands, Robert Neuburger nous parle de son parcours singulier et douloureux d’enfant juif, « pourchassé » en France durant la Seconde Guerre mondiale.

Son vécu est marqué par l’identité juive allemande de ses parents, par le passage dans la clandestinité et ses différents lieux de cache, la séparation d’avec sa mère, et une période d’après-guerre marquée par des lourds silences, dont il découvrira certains secrets très tard, et d’autres récemment. Il garde encore aujourd’hui une trace profonde de ce passé infantile.

C’est à l’âge de 14 ans, que Robert Neuburger décidera de devenir médecin puis psychanalyste, notamment grâce à sa découverte du texte de Freud, L’interprétation des rêves.

À l’âge de 48 ans, sa rencontre avec Siegi Hirsch1 modifiera profondément sa pratique de psychanalyste puisqu’il s’intéressera désormais au couple et à la famille, selon une approche systémique.

Sa trajectoire montre à quel point il a dû renoncer à certaines de ses identités mais sans les avoir jamais perdues…

L’autre : Quand et où es-tu né ?

Robert Neuburger : Je suis né le 30 décembre 1939, à Paris. Mes parents venaient d’Allemagne.

L’autre : En quelle année sont-ils arrivés en France ?

R. Neuburger : Alors c’est un peu compliqué parce que ma mère a quitté l’Allemagne en 1932, au début du nazisme parce qu’elle avait tendance à dire ce qu’elle pensait et elle a eu des problèmes.

L’autre : 1932, c’est donc sept ans avant que tu naisses ?

R. Neuburger : Elle devait avoir une vingtaine d’années. À ce moment-là, elle est d’abord partie en Suède, car on y avait de la famille. Puis, je ne sais vraiment pas pourquoi elle est venue à Bruxelles où il y avait là nombre de réfugiés juifs allemands. C’est là que mes parents se sont connus. Puis, ils ont migré en France à Paris, où ils se sont mariés civilement. Ils se sont mariés religieusement au Luxembourg en 1937. C’est d’ailleurs là que mon père a revu pour la dernière fois ses parents. Ils étaient sortis d’Allemagne pour l’occasion. C’est la seule photo que j’aie de mes grands-parents paternels. Ils pouvaient encore voyager dans les années 1936-1937. Mon père avait d’ailleurs insisté pour qu’ils ne retournent pas en Allemagne, mais mes grands-parents ont refusé. En fait c’est à partir de ce moment-là que les problèmes ont commencé. La sœur aînée de mon père, qui voulait s’occuper de ses parents vieillissants, a également refusé de quitter l’Allemagne mais elle a confié ses deux enfants Jean et Lothar qui avaient à l’époque 14 et 16 ans à mon père. Ils ont vécu avec mes parents avant-guerre à Paris. C’était deux ans avant ma naissance. Puis il y a eu la guerre et il a été imposé à ma mère une résidence en-dehors de Paris. Mon père avait le choix suivant : soit d’être interné dans un camp car il était apatride pour les Allemands, mais allemand pour les Français, donc un ennemi, soit s’engager dans la Légion étrangère. Il a opté pour la Légion étrangère et il a été envoyé en Afrique du Nord. Ma mère s’est alors retrouvée seule enceinte avec les deux enfants à Paris. Lothar était assez grand, donc il s’est débrouillé, il a trouvé une place d’apprenti. Jean était nettement plus jeune et ma mère ne savait que faire avec lui alors qu’elle était seule à Paris et enceinte de moi. On lui a conseillé de le confier à une association juive d’aide aux enfants, l’OSE, qui l’a placé dans un foyer en zone libre. Jean a été victime de l’unique rafle opérée par la gendarmerie française en zone libre, a été envoyé à Drancy puis déporté à Auschwitz où il a été gazé à 15 ans à l’arrivée, de même que ma tante, sa mère. Et aussi mon oncle, Salomon et son épouse, Ilse. À propos de l’histoire de Jean, j’ai commencé à avoir des informations à l’âge de 40 ans passés. Du côté de mon père… Ce fût un silence pendant longtemps…

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  1. Voir Feldman, M., & Duret, I. (2023). Siegi Hirsch : artisan des relations humaines et de la « résilience ». L’autre, 1(24), 147‑157. DOI.org/10.3917/lautr.071.0147