Les entretiens

D.G.

« Ce pays qui aurait pu être le mien »

Entretien avec Janine ALTOUNIAN

et


Marie Rose MORO

Marie Rose Moro est pédopsychiatre, professeure de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent, cheffe de service de la Maison de Solenn – Maison des Adolescents, CESP, Inserm U1178, Université de Paris, APHP, Hôpital Cochin, directrice scientifique de la revue L’autre.

Marion GÉRY

Marion GÉRY est psychologue clinicienne à Marseille.

Janine Altounian a un site: janinealtounian.com. Elle a publié de nombreux articles sur la langue de Freud, la transmission traumatique ainsi que les ouvrages suivants:

« Ouvrez-moi seulement les chemins d’Arménie » Un génocide aux déserts de l’inconscient (Préface de René Kaës), Les Belles Lettres/Confluents psychanalytiques, 1990, 2003 (2° éd.).1

La Survivance/Traduire le trauma collectif (Préface de Pierre Fédida, Postface de René Kaës), Dunod/Inconscient et Culture, 2000, 2003 (réimp.).

L’écriture de Freud/Traversée traumatique et traduction, PUF/bibliothèque de psychanalyse, 2003.

L’intraduisible/Deuil, mémoire, transmission, Dunod/Psychismes, 2005, 2008 (réimp.).

Ricordare per Dimenticare. Il genocidio armeno nel diario di un padre e nella memoria di una figlia, Janine e Vahram Altounian, con un saggio di Manuela Fraire, Donzelli Editore, Saggine/107, 2007.

Mémoires du Génocide arménien. Héritage traumatique et travail analytique, Vahram et Janine Altounian, avec les contributions de K. Beledian, J.F. Chiantaretto, M. Fraire, Y. Gampel, R. Kaës, R. Waintrater, PUF, 2009.

De la cure à l’écriture/L’élaboration d’un héritage traumatique, PUF, 2012.

GERİ DÖNÜŞÜ YOK/Bir Babanın Güncesinde ve Kızının Belleğinde Ermeni Soykırımı, Vahram ve Janine Altounian (Sans retour possible/Le génocide arménien dans le journal d’un père et la mémoire de sa fille), avec les contributions de K. Beledian, R. Kaës, R. Waintrater. Traduit du turc par Renan Akman, préfacé par Bella Habip, psychanalyste. ARAS YAYINCILIK, İstanbul, 2015

Pour citer cet article :

Moro MR, Géry M. « Ce pays qui aurait pu être le mien » Entretien avec Janine Altounian. L’autre, cliniques, cultures et sociétés, 2017, volume 18, n°3, pp. 369-378


Lien vers cet article : https://revuelautre.com/entretiens/pays-aurait-pu-etre-mien/

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Janine Altounian essayiste, a été, de 1970 à 2012 , co-traductrice des Œuvres Complètes de Freud aux PUF sous la direction de Jean Laplanche et responsable de l’harmonisation dans l’équipe éditoriale. Née à Paris de parents arméniens rescapés du génocide de 1915, elle travaille sur la « traduction » de ce qui se transmet d’un trauma collectif aux héritiers des survivants. Elle est un des membres fondateurs d’AIRCRIGE.

Découvrez un extrait vidéo de l’entretien ICI

L’autre : Bonjour, nous sommes à Bordeaux, le 9 décembre 20161, et avec l’aide de Marion Géry, de Sophie Maley, et de Yoram Mouchenik, Janine Altounian, nous allons vous interviewer. C’est un grand honneur pour la revue L’autre, Cliniques, Cultures et Sociétés, d’avoir ainsi l’occasion de retracer avec vous votre parcours intellectuel mais de parler aussi des choses qui vous animent et qui ont contribué à votre créativité.

Commençons si vous le voulez bien par votre enfance. Où s’est-elle située, et que reste-t-il comme éléments importants de celle-ci ?

J. A : Je suis née à Paris et mes parents, qui sont arrivés dans les années 20 en France, sont des survivants du génocide arménien. Quand je me suis mise à écrire sur la transmission – mon premier article date de 1975 – beaucoup de gens m’ont dit que j’étais revenue à mes origines. Pour ma part, je ne pense pas y être revenue car elles étaient toujours là, dans mon enfance, alors que j’évoluais au sein d’une famille arménienne traditionnelle avec un père tailleur et une mère qui, tout en exécutant les travaux ménagers, l’aidait aussi en faisant les finitions. Je vivais dans deux mondes : à la maison j’étais arménienne et je grandissais dans un monde qui dégageait de la chaleur ; au dehors, il y avait l’école où je respirais, où j’apprenais des choses avec mes amies et il où y avait une joie de vivre… Je ne peux pas dire pour autant que dans ma famille il n’y avait pas de joie de vivre, mais plutôt que, lorsque celle-ci apparaissait dans des festivités par exemple, enfant, je la vivais comme une joie de vivre référée à quelque chose qui avait été perdu.

Je ne peux pas dire pour autant que dans ma famille il n’y avait pas de joie de vivre, mais plutôt que, lorsque celle-ci apparaissait dans des festivités par exemple, enfant, je la vivais comme une joie de vivre référée à quelque chose qui avait été perdu

L’autre : Quelque chose de l’ordre de la nostalgie ?

J. A : Oui, ils célébraient quelque chose d’un monde perdu et cette joie de vivre ne me concernait pas. Mon enfance s’est passée dans un monde artisanal, les amis venaient les voir, la socialité et le travail n’étaient alors pas séparés, comme aussi en France je suppose dans ces mêmes années.

L’autre : C’était à Paris ?

J. A : Oui, dans le quartier du Sentier. Ce n’était pas un quartier où il y avait beaucoup d’Arméniens comme à Alfortville ou Issy les Moulineaux, ainsi, j’étais d’emblée plongée dans le monde extérieur d’ici, en France.

Mes petites amies étaient françaises, je n’ai jamais connu une vie communautaire, ce qui m’arrangeait bien car je n’aime pas du tout la vie communautaire.

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  1. 3 Version traduite en arménien par Krikor Chahinian et Garine Zorabian, 2001, Antelias, Liban, disponible auprès de Suzy Ohannessian, libraire du Catholicossat d’Antelias/ Beyrouth, bookstore@armenienorthodoxchurch.org