Les entretiens

© Karima Lazali D.G.

Karima LAZALI : le choix de la littérature pour penser le traumatisme colonial

et


Malika MANSOURI

Malika Mansouri est Psychologue-clinicienne, doctorante en psychologie - Université Paris 13 (Unité Transversale de Recherches Psychogenèse et Psychopathologie, Psychanalyse et Anthropologie, EA3413).

Daniel DELANOË

Daniel Delanoë est psychiatre, psychothérapeute, anthropologue, responsable de l’Unité Mobile Trans-Culturelle, EPS Barthélemy Durand, 91152 Étampes, Chercheur associé INSERM Unité 1018, Fellow Institut Convergences Migrations (2021-2025) Maison de Solenn, Maison des Adolescents, Cochin, Paris.

Branche, R. (2020). L’embuscade de Palestro – Algérie 1956. Armand Colin.

Cherki, A. (2007). La Frontière invisible, violences de l’immigration. Elema.

Freud, S. (1930). Malaise dans la civilisation (Das Unbehagen in der Kultur). Internationaler Psychoanalytischer Verlag.

Lazali, K. (2015). La parole oubliée. Érès.

Lazali, K. (2018). Le trauma colonial. Une enquête sur les effets psychiques et politiques contemporains de l’oppression coloniale en Algérie. La Découverte.

Mimouni, R. (1993). La Malédiction. Stock.

Safouan, M. (2017). La psychanalyse : Science, thérapie – et cause. Gallimard.

Winnicott, D. (2004). Les enfants et la guerre. Payot.

Pour citer cet article :

Mansouri M, Delanoë D. Karima Lazali : le choix de la littérature pour penser le traumatisme colonial. L’autre, cliniques, cultures et sociétés, 2024, volume 25, n°3, pp. 265-271

DOI : https://doi.org/10.3917/lautr.075.0265

Lien vers cet article : https://revuelautre.com/entretiens/karima-lazali-le-choix-de-la-litterature-pour-penser-le-traumatisme-colonial/

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Karima Lazali est psychologue clinicienne et psychanalyste. Elle exerce à Paris depuis 2002 et à Alger depuis 2006. Dans son livre Le trauma colonial. Une enquête sur les effets psychiques et politiques contemporains de l’oppression coloniale en Algérie (2018), elle a fait le choix de partir des œuvres littéraires des écrivains algériens, de rester dans le domaine de la littérature, sans faire un livre de psychanalyse. Ce qui l’a conduite à reformuler en langage courant un certain nombre de concepts psychanalytiques. Nous l’avons rencontrée dans son cabinet en région parisienne, en 2022, peu avant qu’elle aille présenter son livre dans des universités américaines.

L’autre : C’est la première question que nous posons dans les entretiens pour L’autre. Qu’est-ce qui dans votre parcours personnel a pu être à l’origine de votre recherche ?

Karima Lazali : J’ai passé mon adolescence pendant la guerre civile en Algérie, cette période que certains appellent la « décennie noire ». Quant à moi, je l’appelle la « guerre intérieure », parce que dans ce climat de terreur, je crois qu’il m’est resté quelque chose de l’ordre de l’insensé. Je n’ai pas compris comment une société pouvait basculer comme ça. Je suis passée d’une enfance plutôt sécurisante à une adolescence où il y a des bombes et où la menace est permanente. Cette guerre intérieure, là j’en livre le secret, a été quelque chose de déterminant.

Assez jeune, je voulais être psychiatre, la folie me fascinait. Il y a eu une rencontre entre cet intérêt enfantin et l’insécurité liée à la guerre, le fait de ne pas savoir ce qui se passe, comment ça s’est déclenché, ni même vers quel destin on se dirige, le fait que le quotidien pouvait à tout moment basculer. C’est assez particulier la guerre civile parce que la menace est intérieure. Le voisin ou un membre de la famille peut tuer, le père, la mère, les enfants. Des familles ont été décimées quand il y avait deux enfants, l’un étant policier et l’autre étant islamiste. Dans La malédiction (1993), Rachid Mimouni raconte cette mise à mort terrible dans la fratrie. Dans la guerre civile, il n’y a plus de différence entre le familier et l’ennemi, alors que cette distinction est nécessaire dans la vie psychique de tout un chacun, peut-être encore plus pour un enfant ou un adolescent. Voilà d’où je suis partie.

Je suis venue en France, pour des raisons inscrites dans le familial, ma mère étant issue de l’immigration algérienne en France, ce qui n’est pas le cas de mon père. J’aurais rêvé d’aller vivre en Italie mais je ne parlais pas italien, c’était donc plus simple de venir en France, avec la possibilité d’être dans un va-et-vient entre les deux pays. J’ai fait des études de psychologie à Paris VII, et j’ai été en analyse très tôt si on peut dire ça comme ça. Je n’ai pas fait de trajet d’universitaire, car ce qui m’intéressait plutôt, c’était l’écriture et la clinique. J’ai travaillé presque 25 ans dans la protection de l’enfance. On pourrait dire que c’est un domaine éloigné de la guerre mais c’est quand même la question des graves insécurités durant l’enfance. Quand j’ai commencé à écrire, me sont revenues les questions qui se posaient à moi au moment de quitter l’Algérie.

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Entretien avec Jacqueline BILLIEZ

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