Note de recherche

© ...Lea... Morning hug 26/01/2014. Source (CC BY 2.0)

La dimension de l’intime dans la relation tatoueur-tatoué

Terrain ethnographique dans des salons de tatouages parisiens


Clara SIMILOWSKI

Clara Similowski est titulaire d’une licence d’anthropologie sociale et culturelle et d’un Master 1 de psychologie du travail. Elle est actuellement étudiante en Master 2 d’ergonomie et santé au travail, Université Paris X, Nanterre.

Durão S, Roman P. Le côté sensible du travail : trois micro-ethnographies à Lisbonne. Recherches en anthropologie au Portugal 2001 ; 7(1) : 85-102.

Héas S. Valérie Rolle, L’art de tatouer. Lectures. Les comptes rendus 2013.

Le Breton D. Signes d’identité : tatouages, piercings, etc. Journal français de psychiatrie 2006 ; 24(1) : 17-9.

Le Breton D. Se reconstruire par la peau. Marques corporelles et processus initiatique. Revue française de psychosomatique 2010 ; 38(2) : 85-95.

Martin L. Tatouages et tabous. Societes Representations 2016 ; 42(2) : 201-3.

Rioult C. Le tatouage : un certain regard sur le corps. Journal français de psychiatrie 2006 ; 24(1) : 40-4.

Rolle V. L’art de tatouer. Des qualités du travail aux qualifications de l’exécutant. Sociologie de l’Art 2012 ; 21(3) : 65-83.

Rolle V. L’art de tatouer, La pratique d’un métier créatif. Paris : Maison des Sciences de l’Homme ; 2013.

Sardo SL. De chair, d’encre et de quotidien. Une ethnographie du corps tatoué. Techniques & Culture. Revue semestrielle d’anthropologie des techniques 2009 ; (52-53) : 282-305.

Van Gennep A. Les rites de passages. Paris : Picard ; 1991.

Pour citer cet article :

Similowski C. La dimension de l’intime dans la relation tatoueur-tatoué. Terrain ethnographique dans des salons de tatouages parisiens. L’autre, cliniques, cultures et sociétés, 2019, volume 20, n°3, pp. 323-329


Lien vers cet article : https://revuelautre.com/notes-de-recherche/la-dimension-de-lintime-dans-la-relation-tatoueur-tatoue/

La dimension de l’intime dans la relation tatoueur-tatoué. Terrain ethnographique dans des salons de tatouages parisiens

Cette note de recherche dévoile les spécificités de la relation clientèle du tatouage et ses rapports à l’intime. L’encrage comme rite de passage représente une intrusion dans l’intimité physique et sociale de l’individu. Ainsi, l’enjeu de la relation tatoueur-tatoué est d’installer un climat de confiance propice aux négociations des modalités d’encrage. Pour ce faire, les professionnels aménagent l’espace des salons ainsi que leur décoration et ont recours à différentes stratégies d’approche. Celles-ci témoignent du jeu ambigu auquel se livre le tatoueur pour se donner une double image: celle de l’expert qui se conforme aux règlementations de sa profession et celle d’un artiste singulier et rebelle qui exerce une pratique marginale. La combinaison de ces deux aspects paradoxaux du tatoueur offre la confiance nécessaire à l’établissement de sa relation avec le client. Les projets d’encrage sont confrontés à des normes plus ou moins implicites selon le degré d’appartenance du client à la communauté des tatoués. Les négociations quant aux modalités d’encrage s’exercent à plusieurs niveaux. D’une part, au niveau du motif avec la recherche d’originalité et l’empreinte du tatoueur et, d’autre part, à celui de la séance d’encrage avec la gestion de la douleur et des postures. Enfin, les traces de la relation tatoueur-tatoué perdurent, au-delà de la séance d’encrage, à travers les implications quotidiennes du tatouage.

Mots clés : ethnographie, groupe d’appartenance, intimité, marquage corporel, relation interpersonnelle, rite initiatique, tatouage.

The intimate dimension of the tattoo artist and the tattooed person. Ethnographical fieldwork in Parisian tattoo shops

This research note reveals the specificities of the tattoo client relationship and his/her intimacy. Inking as a rite of passage represents an intrusion into the physical and social intimacy of the individual. As such, the challenge of the relationship between the tattoo artist and the tattooed person is to install a climate of trust conducive to inking aims and procedures negotiations. To do so, professionals design their exhibition space and its decorations and use different approach strategies. These testify to the ambiguous game of the tattoo artist giving him/herself a double image: that of the expert who complies with the regulations of his/her profession and that of a singular and rebellious artist who practices what can be socially qualified as a marginal art. The combination of these two paradoxical aspects forms the basis of a trusting relationship between the artist and the customer. Inking projects are faced with more or less implicit standards depending on how deeply the client belongs to the tattooed community. Negotiations on inking procedures take place on several levels, including that of the motif (with the quest for originality but also the need for the tattoo artist to conform with his or her personal and recognizable imprint), and also that of the inking session with the management of pain and postures. Finally, the traces of the relationship between the tattooed person and the tattoo artist persist, beyond the inking session, through the daily implications of tattooing.

Keywords: body marking, ethnography, group of belonging, initiation rite, interpersonal relationship, intimacy, tattooing.

La dimensión de la intimidad en la relación tatuador-tatuado. Campo etnográfico en salones de tatuajes de París

Esta nota de investigación revela las especificidades de la relación con el cliente del acto del tatuaje y de la intimidad de este mismo. El tatuaje como rito de iniciación representa una intrusión en la intimidad física y social del individuo. Por lo tanto, el desafío de la relación tatuador-tatuado es instalar un clima de confianza propicio para la negociación de los procedimientos de entintado. Para ello, los profesionales preparan el espacio físico de su taller, incluyendo la decoración y utilizan diferentes estrategias de abordaje que testimonian el juego ambiguo del artista del tatuaje para darse una doble imagen: la del experto que cumple con las regulaciones de su profesión y la de un artista singular y rebelde que ejerce una práctica marginal. La combinación de estos dos aspectos paradójicos del artista del tatuaje proporciona la confianza necesaria para establecer su relación con el cliente. Los proyectos de entintado enfrentan estándares más o menos implícitos dependiendo del grado de pertenencia del cliente a la comunidad de los tatuados. Las negociaciones sobre los procedimientos del tatuaje tienen lugar en varios niveles. Por un lado, a nivel del motivo con la búsqueda de la originalidad y la impronta del artista del tatuaje y, por otro lado, el de la sesión de entintado con el manejo del dolor y las posturas. Finalmente, las huellas de la relación tatuaje-tatuado persisten, más allá de la sesión de tinta, a través de las implicaciones diarias del tatuaje.

Palabras claves: etnografía, grupo de pertenencia, intimidad, marca corporal, relación interpersonal, ritual de inciciación, tatuaje.

Le tatouage est le résultat d’une injection d’encre dans la peau produisant un motif indélébile et aussi, le plus souvent, le résultat d’une interaction entre un tatoueur et un tatoué. Les motivations qui président à cette modification corporelle permanente peuvent être esthétique, symbolique, identitaire, religieuse ou initiatique. Selon les époques et les endroits du monde, le sens conféré au tatouage varie. Le tatouage traditionnel japonais est négativement connoté car il servait de sanction aux criminels et mafieux Yakuza qui se sont appropriés cette pratique, devenue rite initiatique et symbole de fierté, pour se reconnaître.

Le mot tatouage vient de « tatau », frapper en polynésien : le préfixe « ta » signifie « dessin inscrit dans la peau », et le mot « atua », esprit. Traditionnellement réservé aux chefs et guerriers, le tatouage Polynésien a une origine divine tandis qu’en Orient et Occident, les religions du livre le condamnent. En 787, le Pape Adrien 1er interdit la pratique du tatouage et il faudra attendre que les voyageurs du XVIIIème, comme James Cook, les ramènent du bout du monde comme souvenir sur leur chair. Aujourd’hui présent dans les musées1, les médias, sur le corps des célébrités, le tatouage touche de plus en plus de peaux et d’esprits (Martin, 2016).

Cette diffusion du tatouage entraîne l’essor d’un nouveau commerce. Le candidat au tatouage devient un client et le tatoueur un commerçant. Le montant de la transaction commerciale dont le tatouage est l’aboutissement peut varier selon les caractéristiques du dessin, des conditions de sa réalisation, de la réputation du tatoueur (Rolle, 2012).

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  1. Exposition « tatoueurs-tatoués » au musée du quai Branly Jacques Chirac en 2014-2015.

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Entretien avec Yvonne Knibiehler

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