Marie-Pierre Ulloa par Sabrina Biot Source D.G.
Publié dans : L’autre 2018, Vol. 19, n°3
Articles
Le Nouveau rêve américain : Du Maghreb à la Californie, Paris : CNRS éditions ; 2018 (à paraître).
Francis Jeanson, un intellectuel en dissidence. De la Résistance à la guerre d’Algérie. Paris : Berg International ; 2001. En anglais, Stanford : Stanford University Press ; 2008. En arabe, Alger : Casbah Editions ; 2009.
Livres
Fi Rassi / Dans ma Tête un Rond-point [Roundabout in my Head] de Hassen Ferhani. Journal of Islamic and Muslim Studies 2016 ; 1(2).
Lost in Fire, Lost in Letters : Archives of the Algerian War, Arcade/Dibur, Issue 3, automne 2016 (rédactrice-invitée du numéro spécial sur les archives)
Camus en Amérique, conversation avec Alice Kaplan et Tobias Wolff, Books and Ideas, octobre 2016.
Le cinéma est plus autoritaire que la littérature, entretien avec Amos Gitai, La Vie des Idées, janvier 2016.
Des Ballerines de papicha à L’Envers des autres de Kaouther Adimi : Veillée d’armes mascunine fémiline, Expressions Maghrébines ; 14(2), numéro spécial « Sexte et révolutions », décembre 2015.
Ecrans américains, écrin maghrébin : le corps féminin maghrébin au cinéma à travers la réception de Satin Rouge, Viva Laldjérie et Rachida en Amérique du Nord in REMMM 135, Revue des Mondes Musulmans et de la Méditerranée, décembre 2013.
Les intellectuels et la guerre d’Algérie : entre Sartre et Mounier, Esprit, mars 2012.
Désaccords sur les stratégies anticoloniales : Francis Jeanson et Esprit. Esprit, mars 2012.
Francis Jeanson, in Le Maitron, dictionnaire biographique : mouvement ouvrier, mouvement social, de 1940 à 1968 (Gh-Je), tome VI. Dir. Claude Pennetier. Editions de l’Atelier ; 2010.
Memory and Continuity : the Resistance, the Algerian War and the Jeanson Network. In : Alec G. Hargreaves, ed. Memory, Empire, and Postcolonialism : Legacies of French Colonialism. After the Empire : The Francophone World and Postcolonial France, Lanham, Md. : Lexington Books ; 2005.
Mock K. Le Maghreb en Californie, le nouveau rêve américain. Entretien avec Marie-Pierre Ulloa. L’autre, cliniques, cultures et sociétés, 2018, volume 19, n°3, pp. 344-354
Enseignante et chercheuse en études francophones à l’université de Stanford de Californie, Marie-Pierre Ulloa privilégie une approche transdiciplinaire ancrée en sciences humaines et sociales. Son aire principale de recherche est l’Afrique du Nord et ses ramifications à l’ère contemporaine. Elle a introduit à Stanford un cours sur Camus l’Algérien qui rencontre un bel écho auprès de ses étudiants originaires des quatre coins de la planète (Ile Maurice, Japon, Pondichéry, Algérie, Congo, Sénégal, Haïti, Egypte, Amériques, Europe…) ainsi que sur l’histoire des guerres d’Algérie, de 1830 aux années 1990. Elle fut aussi la directrice adjointe du Abbasi Program in Islamic Studies, du Mediterranean Studies Forum et du Taube Center for Jewish Studies de Stanford, centres où elle est affiliée en tant que chercheuse associée.
Ancienne élève de Michel Winock à Sciences Po, sous la direction duquel elle a fait son DEA d’histoire intellectuelle sur l’itinéraire politique du philosophe Francis Jeanson, sa recherche s’inscrit dans le cadre de l’histoire culturelle de la subjectivité des acteurs sociaux. Elle cultive un vif intérêt pour les récits d’histoire subjective et explore la notion d’objectivation autour de thèmes aussi divers qu’universels: la migration, l’exil, la langue, le territoire, l’histoire des minorités et les questions d’acculturation, le rapport au politique. Elle travaille également sur l’histoire culturelle du cinéma, cinéma pour lequel elle nourrit une passion depuis son plus jeune âge.
Dans cet entretien, Marie-Pierre Ulloa présente les grandes lignes de son livre sur l’histoire des migrations maghrébines en Californie intitulé Le Nouveau rêve américain: Du Maghreb à la Californie (Ulloa, 2018). C’est une monographie socioculturelle fondée sur les récits de migrants maghrébins, installés principalement à San Francisco et dans la Silicon Valley, mais aussi à Los Angeles et San Diego, naviguant entre trois cultures, maghrébine, française et californienne. Cette recherche se concentre sur trois générations: la génération des baby-boomers, née dans les années 1950, la génération X, née dans les années 1970, et la génération des millénnials, dite génération des digital natives, née entre 1980 et 2000.
En préalable, Marie-Pierre Ulloa revient sur la délimitation de son sujet et sur la méthodologie adoptée pour le travail de terrain. Le socle méthodologique de sa recherche s’est bâti autour de l’histoire orale: elle a interviewé 92 personnes sur une période de quatre ans, dont certaines à plusieurs reprises, et a ainsi créé un nouvel objet de la sociologie des migrations, celui des Maghrébins de Californie. Son travail se présente à la fois comme une mise en mots contextualisée de leurs récits et une analyse des articulations subjectives et des ressorts émotionnels qui les relient au Maghreb depuis la Californie. Elle revient également dans cet entretien sur sa devise de « faire flèche archivistique de tout bois » pour analyser la construction et la déconstruction d’une certaine maghrébinité en Californie, chez des Maghrébins d’origines ethniques, religieuses, et sociales multiples (musulmans, juifs, berbères, pieds-noirs, harkis, etc). Elle inclut également les juifs maghrébins dans sa recherche; ils sont minoritaires dans son échantillon mais bel et bien présents car si l’histoire récente est marquée par de profondes fractures dans les destins des juifs et des musulmans originaires du Maghreb, ces deux groupes ont en partage la mémoire d’un territoire, d’un passé, d’une culture, d’un vécu. Les trajectoires qui les mènent en Californie, dans la baie de San Francisco notamment, comportent de profondes similarités. Cependant, le désir de chaque groupe de narrer une histoire passée, réelle ou fantasmée, de coexistence pacifique, voire d’harmonie interethnique, occulte un fait central: un des deux groupes a dû quitter l’Afrique du Nord après la Seconde guerre mondiale par crainte des conséquences de la décolonisation tandis que l’autre groupe s’est retrouvé au pouvoir. Marie-Pierre Ulloa expose ainsi la palette graduelle de marqueurs culturels de la maghrébinité qu’elle a identifiés, de la gastronomie aux langues maternelles et parallèles, de la mémoire du passé colonial commun à la pratique du football, de la présence visuelle de la khamsa1 à celle de l’absence du hammam, de la musique aux bibliothèques comme vecteurs mémoriels, qui permettent de constituer une identité plurielle et fédératrice, sans oublier la création d’associations locales et de lieux de culte qui fédèrent une communauté.
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