En Ukraine, l’armée russe et son président sont en train de détruire un pays et de massacrer sa population, mais jusqu’où nous conduira notre lâcheté collective ? Habituellement à distance des guerres et des différentes catastrophes humanitaires, nous pouvons facilement ne pas nous sentir concernés ou très peu. Après l’omniprésence de la pandémie du Covid, nous commençons à l’apprivoiser et à apprendre à vivre avec. Voilà maintenant les images de crimes, de morts et de destruction qui envahissent nos écrans, nos radios, nos journaux et nos conversations. Un sentiment d’effroi, d’impuissance et de culpabilité nous traverse de plus en plus, avec peu d’effets sur nos gouvernements. Dans la fausse surprise de cette guerre, les diplomates et commentateurs nous expliquent à longueur de journaux télévisés et d’émissions politiques combien il est sage d’en rester à une dissuasion molle, à une diplomatie utopique et de regarder ce spectacle apocalyptique avec froideur, sans bouger, en justifiant notre paralysie malgré les gesticulations des gouvernements. Un regard rétrospectif sera en mesure de décrire les différentes étapes des guerres de Poutine : Tchétchénie, Crimée, Donbass, Géorgie, etc., avec nos attentismes complices qui lui ont permis de croire que le moment était venu de montrer, à grande échelle, son pouvoir et sa puissance, et qu’il était temps de défier l’Europe et les États-Unis. Les différentes interprétations, un projet de rétablir une Union Soviétique, la Russie des Tsars ou des hypothèses psychopathologiques ne changent rien aux spectacles de destructions et aux massacres que nous pouvons voir en direct, dans l’ici et maintenant. Notre reddition sans conditions et une ligne rouge à ne pas franchir ont donné toute latitude à Poutine, « s’il s’en tient à la destruction de l’Ukraine et de ses habitants ». Plutôt craindre Monsieur Poutine dont les menaces de danger nucléaire pourraient justifier une non-intervention comme si à l’image de Tchernobyl, la guerre ne pouvait franchir les frontières. Presque en catimini jusqu’ici et avec beaucoup de retenue, des états fournissent des armes aux combattants ukrainiens, avec les longs délais nécessaires dans chaque pays à un consensus. En vérité, plutôt que de s’impliquer davantage, plutôt que d’avoir au minimum fermé l’espace aérien aux avions russes, il s’agirait de se convaincre d’une Ukraine en mesure de combattre et de vaincre l’armée russe malgré les bombes, les missiles et les rapports de force. Et plutôt que d’un cauchemar, il s’agirait de rêver en bonne conscience d’un enlisement et d’une défaite comme celles des armées napoléoniennes ou bien d’une bataille de Stalingrad à Kiev ou à Marioupol. Le pays est détruit, les familles sont brisées, anéanties, assassinées ; côté vie pour ceux des femmes, des vieux, des enfants qui parviennent à fuir vers l’Europe, et côté mort pour des hommes qui restent. En bénéfice secondaire, l’Europe qui construit des murs anti-migrants pour d’autres réfugiés provenant de contrées plus lointaines, se découvre un cœur par une mobilisation exceptionnelle de la société civile pour plusieurs millions de réfugiés ukrainiens quand la France se prévaut très sobrement d’en accueillir 100 000. Cette lâcheté en renvoie à d’autres comme en Syrie pour des millions de victimes civiles, où malgré les règles du droit international et les pires atrocités, les USA et l’Europe moins émus, se sont voilés la face sans intervenir. Les références omniprésentes à un passé plus lointain seraient malvenues, nous dit-on. Attendons les catastrophes à venir, faiblesse et aveuglement ne nous sont pas inconnus.
Paris, le 10 avril 2022
Yoram Mouchenik, Christian Lachal, Betty Goguikian, Daniel Delanoé, Agathe de Coignac, Hélène Asensi, Julie Azoulay-Samuel, Malika Bennabi, Stéphane Boussat, Daniel Derivois, Najib Djaziri, Marion Feldman, Michèle Fiéloux, Marion Gery, Jacques Lombard, Malika Mansouri, Héloïse Marichez, Véronique Méloche, Sevan Minassian, Brigitte Moïse Durand, Alice Titia Rizzi, Laetitia Solis, Gesine Sturm, Silvina Testa, Marie Rose Moro.
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