Éditorial
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Face à la pandémie, ne laisser tomber personne alors que les inégalités s’aggravent !
Gésine STURM
Gesine Sturm est psychologue clinicienne, MCF en psychologie clinique interculturelle, LCPI - EA 459, Université Jean Jaurès, Toulouse, membre du comité de rédaction de la revue L’autre.
Andrea TORTELLI
Andrea Tortelli est Praticien Hospitalier, Pôle GHU Psychiatrie Précarité Paris.
Valériane LEROY
Valériane Leroy est médecin épidémiologiste, Directrice de recherche 2, Inserm, UMR 1027, Université Paul Sabatier Toulouse 3.
Marie Rose MORO
Marie Rose Moro est pédopsychiatre, professeure de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent, cheffe de service de la Maison de Solenn – Maison des Adolescents, CESP, Inserm U1178, Université de Paris, APHP, Hôpital Cochin, directrice scientifique de la revue L’autre.
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Lien vers cet article : https://revuelautre.com/editoriaux/face-a-la-pandemie-ne-laisser-tomber-personne-alors-que-les-inegalites-saggravent/
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« La seule façon de lutter contre l’épidémie c’est l’honnêteté. » Telles sont les paroles du Dr Rieux, le médecin de La Peste de Camus paru en 1947. Et on pourrait l’appliquer à la pandémie mondiale d’aujourd’hui et ne laisser tomber personne.
Depuis les premières nouvelles concernant le COVID-19 en décembre 2019, puis l’arrivée des premiers cas détectés en Europe dès janvier 2020, notre quotidien est brutalement modifié deux mois après dans l’incrédulité pour la plupart : représentations, attentes, habitudes totalement modifiées par le temps et l’expérience du confinement pour ceux qui sont invités à rester à la maison.
Difficile de penser, difficile de faire face, d’apprendre à s’adapter, tant au niveau personnel, que celui de nos pratiques professionnelles. Comme l’avait énoncé le comité d’éthique de l’état allemand dans sa déclaration au sujet de « solidarité et responsabilité »1 la situation nous met devant des choix, dans un cadre qui nous impose d’agir, face à nos valeurs profondes et nos priorités. Si ce nouveau virus nous met face à nos limites, la crise sanitaire provoquée par la pandémie du COVID-19 nous montre aussi qu’il y a une possibilité d’agir et une nécessité à penser globalement, humblement et avec solidarité.
Si les mesures de confinement s’imposent, pour gagner du temps, permettre au système de santé de mieux assurer la prise en charge des cas graves de COVID-19, la question de savoir comment prévenir les conséquences néfastes de ces mesures s’impose également.
Or, l’épidémie de COVID-19 révèle et aggrave, en Europe comme dans le monde entier, les inégalités devant la maladie, les soins et les ressources. Parmi les personnes les plus vulnérables se trouvent les migrants, les réfugiés, tous ceux qui sont aux marges et subissent de plein fouet, discriminations, oubli voir rejet. Si la crise COVID-19 a mobilisé la solidarité, on ne peut qu’être alerté sur les « oubliés » de la crise, dont font partie les plus vulnérables de notre société, tel que les mineurs non accompagnés hors institutions, les demandeurs d’asile attendant le traitement de leur demande, les exilés qui essayent d’échapper à tout contrôle pour éviter une invitation de quitter le territoire.
Ainsi on peut lire dans un article récent dans Le Guardian2 que certains d’entre les jeunes qui se trouvent à Calais cherchent à tout prix à passer la frontière pour le Royaume-Uni afin d’éviter d’être enfermés, par peur des conséquences administratives, mais aussi par manque de confiance dans un système qu’ils perçoivent plus répressif que protecteur. Et pourtant, comme l’on peut le lire dans la récente déclaration de L’EUPHA3 « la chaine des mesures préventives ne peut être plus solide que son maillon le plus faible, ignorer cela pourrait avoir des conséquences catastrophiques. Ignorer ou oublier ces populations [les migrants en situation de vulnérabilité] pourrait non seulement leur coûter leur vie, mais aurait sans aucun doute un impact sur le contrôle de la pandémie ».
Sur le plan de la prévention des décompensations psychiques, il sera indispensable d’avoir une attention toute particulière pour les populations dont les conditions de vie rendent le confinement particulièrement difficile, notamment ceux qui sont dans la rue ou ceux qui sont abrités d’« urgence », en fait déjà confinés depuis des mois voire des années à cause de leur statut administratif. Ceux dans des centres de rétention en premier lieu, mais aussi des milliers des familles en attente de régularisation ou déboutés qui vivent dans une seule chambre, avec des toilettes et cuisines communes. Avant la pandémie, les conditions de vie étaient déjà une grande source de détresse psychologique… Maintenant à cause des mesures de confinement, l’aide psychologique ne peut arriver qu’en urgence.
Il est impératif de penser l’accès aux soins et à l’information (traduite, si besoin et dans toutes les langues) pour ces populations, mais aussi d’envisager des mesures qui pourront favoriser la résilience pour les plus fragiles dans cette période de confinement.
Nous appelons donc à une position pragmatique, sanitaire, éthique et politique pour ne laisser tomber personne !
- https://www.ethikrat.org/mitteilungen/2020/solidaritaet-und-verantwortung-in-der-corona-krise/
- https://www.theguardian.com/world/2020/mar/29/calais-refugees-uk-bid-to-escape-coronavirus-lockdown
- Européenne Public Health Association. https://eupha.org/advocacy.php#item1 https://eupha.org/repository/advocacy/MIG_statement_on_COVID19.pdf