0,00  0

Panier

Votre panier est vide.

Se connecter

Editorial

© Pressmaster Source D.G.

Ce qui se passe à Gaza est insupportable !

Administrateur

Nos réactions émotionnelles face à la catastrophe du 7 octobre 2023, aussi violente qu’un 11 septembre 2001 à New York, ou qu’un 13 novembre 2015 à Paris, ont été de nous rassembler pour conjurer la division possible en rapport avec nos filiations, nos affiliations et nos histoires collectives. Ainsi que le rappelait Marie Rose Moro, nombre d’entre nous membres du comité de rédaction de la revue L’autre avons travaillé dans cette partie du monde, nombre d’entre nous sommes attachés à cette région et sensibles à sa douleur. Nous écrivions alors « double traumatisme israélo-palestinien »[ref]https://revuelautre.com/actualites/le-double-trauma-israelo-palestinien/[/ref], signifiant que nous avions conscience d’une histoire emmêlée aux racines longues s’inscrivant dans notre vieille Europe. Nos réactions se voulaient réfléchies en évitant les amalgames.

C’était il y a presque deux ans.

Depuis, la guerre s’est amplifiée. Et les prises de paroles, prudentes, n’osaient toutefois pas murmurer ce que d’autres criaient déjà… crimes de guerre, génocide… Allait-on être jugé comme antisémite ? Fallait-il contenir ce risque en se taisant ? Des instances internationales ont pourtant tranché, des voix politiques mais aussi d’historiens, de philosophes, de médecins et d’humanitaires largement reconnues se sont affirmées publiquement. Malgré l’interdiction des journalistes dans la bande de Gaza, les doutes se sont effondrés : on assistait bien à un nettoyage ethnique. Le silence n’est désormais plus de mise. Les premiers chiffres des victimes de guerre s’alourdissent désormais de ceux de la faim.

Entre le 7 octobre 2023 et le 23 juillet 2025, le ministère de la Santé de Gaza a signalé qu’au moins 59 219 Palestiniens ont été tués et 143 045 blessés. Ce chiffre comprend 8 363 personnes tuées et 31 004 blessées depuis la reprise des hostilités le 18 mars 2025, selon le ministère de la Santé. Il a en outre noté que le nombre de victimes parmi les personnes tentant d’accéder à des vivres est passé à 1 060 morts et plus de 7 207 blessés depuis le 27 mai 2025[ref]https://www.ochaopt.org/content/humanitarian-situation-update-307-gaza-strip[/ref].

En tant que soignants, nos yeux sont rivés sur les plus vulnérables, les femmes et surtout les enfants : leur mort, leurs atroces mutilations, leurs pleurs et désormais leurs supplications nous bouleversent. Comment croire qu’un tel inhumain carnage soit justifié ? Les chiffres gonflent dans une insupportable réalité.

Au cours des 21 derniers mois de guerre, plus de 17 000 enfants auraient été tués et 33 000 blessés à Gaza. En moyenne, 28 enfants ont été tués chaque jour, soit l’équivalent d’une classe entière[ref]https://www.unicef.org/press-releases/unicef-executive-director-catherine-russells-remarks-humanitarian-situation-children[/ref].

Ceux qui les soignent comme le Dr Hussam Abu Safiya ont été arrêtés. Ce médecin pédiatre, quel a été son tort ? Pourquoi a-t-il été torturé[ref]https://www.amnesty.be/veux-agir/agir-ligne/petitions/hussam-abu-safiya[/ref] ?

Notre colère, aujourd’hui, peut s’exprimer devant l’urgence de la situation.

La fascisation progressive de Nétanyahou provoque de sombres réminiscences : la guerre à tout crin, l’espace vital à conquérir, en annexant Gaza et la Cisjordanie pour donner toujours plus de terres aux ministres suprémacistes et aux colons messianiques, le massacre et la chasse des Palestiniens par la terreur. Avec son gouvernement et ses affidés, le premier ministre partage le fanatisme mais aussi un horrible cynisme qui fait de lui un criminel hors normes. Malgré de minces protestations et de molles condamnations, aucune réaction très significative, aucune sanction d’une Europe qui peine à se réveiller. Le silence et l’inaction des Occidentaux qui ont prévalu jusqu’ici nous rappellent de plus anciennes lâchetés.

Plus qu’un sacrifice politique des Palestiniens qui avait prévalu jusqu’ici, il s’agit maintenant d’accepter le carnage et d’y perdre son âme. Répétons-le, s’il le faut : des dizaines de milliers de Palestiniens tués, des meurtres de masse sans discriminations, des millions de déplacés, des milliers de morts sous les décombres, bientôt des centaines à mourir de faim. Certains pays européens comme l’Espagne ont reconnu l’État Palestinien, la France dit qu’elle s’apprête à le faire à l’automne mais le temps presse car le massacre continue, la population a faim, les humanitaires ne peuvent faire leur travail et les journalistes non plus…

Dans cette dictature rampante, des signaux alarmants s’allument : mise à mal des contre-pouvoirs, manipulation de l’opinion, lois d’exception pour les Palestiniens, permis de tuer pour les soldats et les colons. Depuis le massacre terroriste inimaginable du 7 octobre 2023 qui laisse les traces incommensurables des morts, des blessés, des otages agonisants dans une société qui se croyait protégée, s’agit-il maintenant de tolérer d’autres massacres et d’y perdre son âme ?

Et les enfants ? Morts, blessés, orphelins, horrifiés avec des traumatismes extrêmes sur plusieurs générations. Oserons nous regarder sans réagir les mères berçant leurs enfants squelettiques pour anesthésier la faim, et celles qui déjà serrent dans leur bras des petits linceuls blancs ? Ces images, ces morts, pendant combien de générations nous hanteront-ils ? Les soldats qui participent à cette mortelle besogne, combien reviendront à une vie normale ?

Parmi les contestations qui s’accumulent, en ce mois de juillet 2025 à Tel Aviv, en plus des manifestants israéliens hostiles à la guerre qui exigent le retour des otages vivants et morts, d’autres portent sur leurs pancartes les photos des enfants palestiniens tués.

Et nous, que faisons-nous de notre impuissance ?

Marie Rose MORO, Yoram MOUCHENIK, Sevan MINASSIAN, Christian LACHAL, Hélène ASENSI, Malika MANSOURI, Alice Titia RIZZI, Yann ZOLDAN (Québec), Alia MAHERZI, Daniel DERIVOIS, Malika BENNABI BENSEKHAR, Bleuenn LABBE, Gabriel INTICHER BINKOWSKI (Brésil), Véronique MELOCHE, Sophie MALEY, Gesine STURM, Thierry BAUBET, Daniel DELANOË, Olivier TAÏEB, Silvina TESTA, Benoît QUIROT, Fatima TOUHAMI, Mouffok KERROUM (Algérie), Jean-Baptiste LOUBEYRE, Agathe BENOIT DE COIGNAC, Myriam LARGUECHE, Serge BOUZNAH, Charles DI, Khadija CHAHRAOUI et Claire MESTRE, pour la rédaction de la revue L’autre.

Paris, Bordeaux, le 28 juillet 2025

Autres éditoriaux

© 2025 Editions La pensée sauvage - Tous droits réservés - ISSN 2259-4566 • Conception Label Indigo

CONNEXION