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Françoise Héritier : leçons apprises

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La pensée de Françoise Héritier n’a rien à voir avec la psychologie et la psychanalyse : elle s’en tenait à distance revendiquant d’utiliser ses propres outils pour penser la différence des sexes et l’organisation de la parenté. Ce qu’elle disait de l’inceste : »S’il n’y avait pas de délectation à vivre l’inceste (dans le fantasme ou dans la réalité), de désir, l’inceste ne se produirait pas ; or, il se produit. Il y a un rapport évident entre l’observation anthropologique et l’observation psychanalytique, même si je ne me suis jamais consacrée à mettre en évidence les liens existants. La psychanalyse parle en termes de désir, de relation fusionnelle. L’anthropologie sociale en reconnaît l’importance pour les individus, mais s’intéresse aux représentations partagées touchant à l’acte, aux substances, à la naissance du lien naturel qui unit ceux qui partagent une même consanguinité, à la nature du rapport sexuel, à celle des substances impliquées dans cet acte. C’est la façon anthropologique de voir les choses… ». Ainsi, la différence sexuelle est avant tout une expérience vécue par le corps et dans le corps, les qualités dites féminines et masculines sont des constructions culturelles et ne sont donc pas essentielles. Le long interview que nous avons fait d’elle (https://revuelautre.com/lire-voir-ecouter/sons/entretien-francoise-heritier/) témoigne de cette position ferme qui n’excluait pas l’articulation complémentariste de la méthodologie de Georges Devereux.

L’héritage de Françoise Héritier n’est pas à démontrer dans les domaines des sciences humaines et sociales ; il trouve également sa place dans un discours féministe »matérialiste ». La valence différentielle des sexes, l’inceste de deuxième type sont des concepts qui donnent sens à la hiérarchie des sexes et aux interdits qui s’immiscent dans les relations sexuelles. Ses positions anthropologiques sur les sujets de société ont eu également un poids évident pour les hommes et femmes politiques qui lui ont demandé son avis.

Nous voudrions interroger dans ce dossier l’influence de la pensée de Françoise Héritier sur nous, clinicien(ne)s et chercheur(e)s : la notion d’invariant comme logique sous-jacente de la pensée et mise en relations des faits, quelle influence a-t-elle sur le soin ? Comment l’inégalité homme/femme, les contextes organisant le féminin et le masculin, ou bien les relations de parenté infléchissent-ils notre écoute, notre compréhension du monde social et intime ? Comment la vie psychique s’arrime-t-elle à la valence différentielle des sexes ? Comment des désordres prennent-ils sens à la lumière du concept de l’inceste de deuxième type ? Comment sa pensée, mais aussi son écriture traversée par sa présence et sa sensibilité nous influencent-elles et nous donnent matière à réfléchir ? Nous souhaitons ainsi récolter les retombées fécondes pour la clinique transculturelle de sa pensée érudite et novatrice.