Article de dossier

© Powderruns Twins... 11/11/2007 Source (CC BY 2.0)

Quand la valence différentielle des sexes renouvelle le regard sur l’anorexie


Karine TINAT

Karine Tinat est professeure-chercheure en Etudes de genre et Sociologie, Centro de Estudios Sociológicos y Programa Interdisciplinario de Estudios de Género, El Colegio de México, Mexique.

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Tinat K. Le dernier entretien de Françoise Héritier. Socio [En ligne], 2017; 9, mis en ligne le 19 décembre 2017. URL: http://journals.openedition.org/socio/2995; DOI: 10.4000/socio.2995

Tinat K. Le poids du féminin et du masculin dans le corps anorexique. Corps/revue interdisciplinaire 2008; 4: 41-48.

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Vigarello G. Histoire de la beauté. Le corps et l’art d’embellir de la Renaissance à nos jours. Paris: Seuil; 2004.

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Pour citer cet article :

Tinat K. Quand la valence différentielle des sexes renouvelle le regard sur l’anorexie. L’autre, cliniques, cultures et sociétés, 2019, volume 20, n°1, pp. 32-40


Lien vers cet article : https://revuelautre.com/articles-dossier/quand-la-valence-differentielle-des-sexes-renouvelle-le-regard-sur-lanorexie/

Quand la valence différentielle des sexes renouvelle le regard sur l’anorexie…

Cet article aborde l’expérience anorexique depuis la pensée théorique de Françoise Héritier et plus particulièrement depuis le concept de valence différentielle des sexes, développé originellement dans L’exercice de la parenté (1981), puis dans Masculin/Féminin. La pensée de la différence (1996). L’étude, qui a pour référentiel empirique un groupe de huit jeunes filles mexicaines (13-24 ans) de la ville de Mexico, s’organise autour de deux thématiques –le corps et les relations familiales– pour observer comment la valence différentielle des sexes peut offrir un éclairage original de l’anorexie. L’article discute aussi pourquoi privilégier le concept de valence différentielle de sexes au lieu de celui de genre, qui connaît tant de succès parmi les chercheur(e)s en sciences sociales et humaines, ces dernières décennies au Mexique.

Mots clés : anorexie, anthropologie, corps, fille, identité de genre, Mexique, relation dominant dominé, relation familiale.

When the differential valency of gender redefines our view of anorexia

This article addresses the issue of anorexia based on the theoretical thinking of Françoise Héritier and more particularly since the concept of the differential valency of gender originally developed in L’exercice de la parenté (1981), and then in Masculin/Féminin. La pensée de la différence (1996). The empirical frame of reference in this study is based on a group of 8 young Mexican females (age 13 to 24) in Mexico City, concentrated in 2 main areas: –the body and family relations- to observe how the differential valency of gender can shed light on anorexia. The article also discusses why the concept of differential valency of gender should be privileged. Social science and humanities researchers have grown great interest in this approach over the last couple decades in Mexico.

Keywords: anorexia, anthropology, body, dominant dominated relationship, family relation, gender identity, girl, Mexico.

Cuando la valencia diferencial de los sexos renueva la mirada sobre la anorexia…

Este artículo trata de la experiencia anoréxica desde el pensamiento teórico de Françoise Héritier y más particularmente desde el concepto de valencia diferencial de los sexos, desarrollada originalmente en el ejercicio de la parentalidad (1981), y en Masculino/Femenino. El pensamiento de la diferencia (1996). El estudio, que tiene como referencia empírica un grupo de ocho chicas (13 a 24 años) de la ciudad de México, se organiza alrededor de dos temáticas -el cuerpo y las relaciones familiares- para observar como la valencia diferencial de los sexos puede proporcionar una comprensión original de la anorexia. El artículo también cuestiona el hecho de privilegiar el concepto de valencia diferencial de sexos en vez del de género, que es tan popular en la investigación en ciencias sociales y humanas, en las últimas décadas en México.

Palabras claves: anorexia, antropología, cuerpo, identidad de género, México, mujer joven, relación dominante-dominado, relación familiar.

C’est un après-midi de janvier 2003, dans un bureau du Laboratoire d’Anthropologie Sociale, qu’a germé, avant de fleurir, mon projet de recherche sur l’anorexie. Cet instant précis a laissé une trace indélébile dans ma mémoire. Toute frémissante, je frappai timidement à la porte du bureau, quand une voix très douce m’autorisa à y pénétrer en toute confiance. Dans un espace confiné et feutré, assise derrière une grande table encombrée de dossiers et où fumait une tasse de thé accompagnée d’une viennoiserie, Françoise Héritier m’accueillit avec un sourire empli de gentillesse. Cet après-midi-là, l’oreille tendue et la main griffonnant des notes détaillées, l’anthropologue m’offrit non seulement généreusement de son temps, mais encore une grande écoute et les meilleurs conseils académiques que j’ai pu recevoir jusqu’à ce jour, en ce début de carrière. Il est vrai qu’à ce moment-là, mes idées étaient nébuleuses et j’étais particulièrement à l’affut de toute orientation conceptuelle, théorique ou autre. Je lui présentai un projet de recherche postdoctoral sur les représentations sociales de la féminité dans l’anorexie et j’essayai surtout de lui communiquer ma forte intuition – ou plutôt mon hypothèse – selon laquelle la valence différentielle des sexes pouvait éclairer quelques facettes de l’expérience anorexique.

Cet instant précis a marqué le début d’un échange toujours fécond, qui s’est prolongé au fil des mois et des années1. Cet après-midi-là, Françoise Héritier me proposa de rejoindre son séminaire de recherche à l’époque intitulé « Corps et affects », qu’elle dirigeait au Laboratoire d’Anthropologie Sociale ; et quelques semaines plus tard, je reçus l’obtention d’un financement qui m’autorisait à commencer ma recherche dans le contexte mexicain, comme je l’avais sollicité. J’arrivai donc à Mexico le 12 octobre 2003 pour réaliser un travail de terrain dans deux institutions médicales de la ville, une clinique privée et un hôpital public, auprès de spécialistes des troubles de la conduite alimentaire et avec huit jeunes filles, âgées de 13 à 24 ans, qui souffraient d’anorexie. Ce séjour postdoctoral qui s’est étendu sur 15 mois, a débouché sur l’obtention d’un poste de professeure-chercheure, d’abord au Colegio de Michoacán, puis au Colegio de Mexico où je travaille depuis l’année 2007.

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  1. La dernière fois que j’ai eu le plaisir de rendre visite à Françoise Héritier chez elle, était le 2 juillet 2017. Quelques mois auparavant, en mars, nous avions fait un entretien qui a été publié dans le numéro 9 de Socio la nouvelle revue des sciences sociales, Fondation de la Maison des Sciences de l’Homme, en décembre 2017.

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