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Travail transculturel et complementarité inter-institutionnelle
Geneviève DEROY-ANDRÉ
Geneviève Deroy-André est psychologue clinicienne retraitée du CMPEA des Courlis (Nevers).
Bezes, P. (2020). Le nouveau phénomène bureaucratique. Le gouvernement par la performance entre bureaucratisation, marché et politique. In : Revue française de science politique, Vol. 70(1), 21-47.
Biland-Curinier, E. (2011). Les cultures d’institution. In Lagroye, J. et Offerlé, M. (dir.), La sociologie de l’institution, Editions Belin.
Crozier, M. (1964). Le phénomène bureaucratique. Essai sur les tendances bureaucratiques des systèmes d’organisation modernes et sur leurs relations en France avec le système social et culturel. In: Revue française de science politique, 14ᵉ année, n°5, 991-997.
Devereux, G. (1967). De l’angoisse à la méthode dans les sciences du comportement. Paris : Flammarion.
Kaes, R. (1988). Réalité psychique et souffrance dans les institutions, in L’institution et les institutions : Études psychanalytiques, Editions Dunod, 1-46.
Lapassade, G. (1971). L’analyse institutionnelle. In: L’Homme et la société, N. 19, 185-192.
Moro, M. (2020). Guide de psychothérapie transculturelle Soigner les enfants et les adolescents. Editions InPress.
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La nécessité d’une approche transculturelle dans le soin psychique n’est plus à démontrer ici, et nous ne reviendrons pas sur les motivations générales qui ont pu porter certains professionnels de différents services de la Nièvre : inter-secteur de pédo-psychiatrie (dépendant de l’hôpital général), secteur de psychiatrie adulte (dépendant d’un CHS), Aide Sociale à l’Enfance, CADA… et de formations diverses, à concevoir, initier, puis organiser un dispositif adapté aux besoins locaux et actuels. Ce dispositif s’appelle aujourd’hui « Dispositif d’Approche Transculturelle », et comporte trois volets : deux groupes de réflexion et d’élaboration destinés à tout professionnel désireux de se former ou présenter une étude de cas, une consultation transculturelle proprement dite, et un volet inter-institutionnel pour l’interface administrative, et l’organisation de colloques.
Nous verrons, dans les lignes qui suivent, comment, partant des difficultés de terrain, nous pouvons dégager les problématiques théoriques qui nourrissent notre réflexion et nous permettent de progresser.
D’emblée, il nous parut indispensable de coupler le travail transculturel et la collaboration trans-institutionnelle, pour plusieurs raisons qui s’imposèrent à nous :
- La mosaïque foisonnante de services, structures, associations, etc. dédiées l’enfance, la santé mentale, les migrants, etc. qui démultiplie les liens inter-professionnels nécessaires, et le fait que les patients ou familles concernés étaient généralement suivis par plusieurs services, avec une inter-communication entre eux parfois difficile.
- L’impossibilité de trouver dans un seul service ou même une seule institution un groupe de personnels suffisamment formés à cette approche, et suffisamment diversifié (âge, genre, profession, origine…)
- L’impossibilité matérielle de recruter davantage
- Le fait que l’approche groupale privilégiée en transculturel supposait forcément une transversalité, au moins entre services adultes et services enfants, ainsi que la recherche d’un interprétariat/médiation si possible en présentiel.
Un autre souci apparut progressivement, qui est la base de cet article : cette nécessité de transversalité se heurtait à un phénomène latent, révélé par cette démarche : le fonctionnement hiérarchisé et cloisonné des institutions, et leurs différences culturelles, opposaient régulièrement une barrière aux avancées nécessaires. On pense en effet plus facilement aux « macro » différences culturelles liées aux éloignements géographiques, beaucoup moins aux « micro » différences culturelles qui vont différencier, par exemple, l’Education Nationale de la fonction publique hospitalière, le domaine de l’éducatif de celui du soin, la liberté associative aux rigidités des institutions constituées de longue date… pour ne citer que ceux-ci : ceci relève alors de ce que l’on a pu appeler « culture d’entreprise » ou « culture organisationnelle » ou encore « culture d’institution » (E. Biland, 2010)
Nous avions donc à travailler aussi, en complémentarité : d’une part, dans le cadre clinique, la dynamique transfert/contre transfert hétéro-culturel, et d’autre part, dans cadre inter-institutionnel, les contre-attitudes diverses endo-culturelles dans la pluralité de ce contexte général ! Vaste programme, mais qui s’avère aussi complexe que passionnant car il nous oblige à revisiter toutes nos cultures internes, tous nos sentiments d’appartenance à un groupe qu’il soit familial, professionnel, voire parfois politique (ex. culture « service public »/vs culture initiative privée).
Des outils conceptuels sont toujours nécessaires pour clarifier nos impressions, ou intuitions. Sur le plan sociétal : le concept d’analyseur de LAPASSADE nous semble correspondre à l’effet « révélateur » de cette approche (LAPASSADE, 1971), les analyses de Michel CROZIER et de ses successeurs (CROZIER, 1963, BEZES, 2020), sur les mécanismes institutionnels, les particularismes culturels de la bureaucratie française et les contraintes de la nouvelle gouvernance, nous permettent de mieux nommer les obstacles, René KAES et coll. pour la dynamique inconsciente des groupes (KAES, et coll., 2019), et, bien sûr, l’apport de DEVEREUX nous aide à penser, non seulement en termes de complémentarisme (lectures sociologiques/ psychanalytiques), mais aussi en termes « d’identité ethnique » ou de « personnalité ethnique » jusque dans nos identités professionnelles. Enfin, et pour finir, les références systémiques nommant et surplombant les injonctions paradoxales.
Mais voyons tout d’abord, à travers ces deux exemples, comment se manifeste cet écheveau de complexité, puis, comment, concrètement, nous le gérons, avec ses blocages, ses ouvertures, puis nous prendrons du recul pour en faire une analyse plus détaillée.
Famille éprouvée, morcelée, et éparpillement inter-institutionnel
Dans l’un des groupes de travail cité plus haut, une collègue psychothérapeute au foyer de l’enfance du département vient nous parler de trois enfants arrivés depuis peu dans leurs services : deux à la pouponnière, le plus âgé au foyer. Elle n’a que des bribes de renseignements à leur sujet, et aucun élément qui puisse évoquer une maltraitance actuelle. Voilà ce qu’elle sait : Ce sont trois garçons de 7, 4 et 2 ans, venant d’un camp de réfugiés du Sahel où deux d’entre eux sont nés. La famille viendrait du Soudan. La maman, enceinte de 7 mois a été hospitalisée en urgence dans la métropole régionale et y a perdu son bébé. Le papa, lui, serait hospitalisé au CHS du département suite à des désordres sur la voie publique paraissant délirants.
Face à cette avalanche d’éléments de détresse, parcellaires et éparpillés, nous essayons de dégager tout d’abord une manière de faire du lien, pour rassembler, ne serait-ce que symboliquement, cette famille, et éventuellement conseiller les équipes (travail sur la langue, le parcours migratoire, les éventuelles méconnaissances de la culture d’origine..).
L’étape suivante fut la participation d’un membre de l’équipe « D.A.T. » à une réunion de synthèse du service de psychiatrie adulte où le père était hospitalisé. Ce fut l’occasion de présenter ce que peut être le travail transculturel, et d’insister sur la nécessité de l’interprétariat. Ce monsieur était suivi par une psychiatre qui parlait arabe (lui, parlant l’arabe du Soudan). Le lien avec cette équipe s’arrêta là. Nous apprendrons néanmoins qu’après une hospitalisation de plusieurs mois, et une nouvelle réunion avec les référents A.S.E. des enfants et de la famille, monsieur sortit avec un suivi ambulatoire et un traitement.
Après sa sortie de maternité, la maman, elle, fut accueillie dans un foyer associatif pour personnes en lourdes difficultés sociales et ses enfants purent l’y rejoindre. Peu de nouvelles. Il semblerait que l’équipe de ce foyer ait repéré des éléments de négligence grave de la part de la maman qui entrainèrent un signalement, puis le placement des enfants dans un village d’enfants, pour ne pas séparer la fratrie. Nous savons peu de choses de cette séquence.
C’est dans le cadre du même groupe de travail de réflexion du D.A.T. que nous retrouvons, un an après, cette situation : l’éducatrice référente, la psychologue et l’assistante sociale de l’ASE de leur secteur nous relatent les derniers épisodes, et nous font partager leur inquiétude face aux décisions prises : l’orientation au village d’enfants ne leur semble pas appropriée, car trop loin du domicile de la mère qui est maintenant en appartement dans une ville du nord du département. Le papa est logé ailleurs. Le couple semble en voie de séparation. Bien que ce père soit maintenant apparemment stabilisé, la maman en a peur, et celle-ci souffre de la séparation d’avec ses enfants. Aucun travail approfondi suite au deuil de l’enfant perdu n’a pu être effectué. Elle est d’ailleurs enceinte à nouveau. Un nouveau personnage apparait : le frère de madame, installé dans une autre ville, qui vient de temps à autre, et joue parfois un rôle d’interprète.
Pendant plusieurs séances écoulées sur plusieurs mois, ce groupe permit aux collègues de l’ASE de trouver soutien et espace d’élaboration : la justice avait ensuite ordonné le retour des enfants chez la mère, en placement à domicile… Et nous suivîmes pas à pas les différentes péripéties de cette prise en charge, notamment les premiers mois avec le nouveau bébé. L’idée de mise en place d’une consultation transculturelle pour la mère et les enfants fit son chemin petit à petit, sans précipitation. Le père, toujours suivi dans le secteur adulte, restait non loin, mais les liens avec leur service, et avec ce papa, semblaient difficiles..
Cette consultation eut lieu finalement, plus d’un an après, selon un dispositif assez « acrobatique ». Comme madame avait de plus en plus de difficultés à sortir de chez elle, nous avons donc adapté notre cadre : une première étape en visio avec des téléphones portables : l’éducatrice et la psychologue de l’ASE avec la maman et les enfants au domicile, l’équipe du D.A.T. dans sa salle habituelle, à une cinquantaine de kilomètres de distance, et un interprète d’ISM au téléphone (où ?). Nous essayons de surmonter toutes les difficultés matérielles pour nous présenter tous à l’écran, poser quelques jalons de mise en confiance, et présenter un espace de parole possible.
Madame exprime un besoin d’aide « à la maison », et nous percevons une peur importante vis-à-vis de l’extérieur. Nous essayons de rassurer madame, afin qu’elle puisse venir nous rencontrer avec ses référents le mois suivant. L’idée de « prendre le thé ensemble » est évoquée. Cette rencontre n’aura pas lieu, car madame va retrouver son frère dans un autre département, et les enfants restent dans la Nièvre en famille d’accueil. L’équipe ASE reste référente de la famille et poursuit son travail de liens inter-culturels, inter-services, inter-départemental.
Si nous sommes restés dans une description succincte de l’historique des liens entre le travail transculturel escompté et les morcellements géographico-institutionnels, c’est pour mettre en évidence le cœur de notre sujet. Au parcours migratoire haché et émaillé de zones d’ombres de cette famille, le terrain local semble reproduire une errance analogue, multipliant les lieux d’accueil, les équipes de référence, fractionnant les liens et brouillant les pistes qui permettraient la reconstitution d’une histoire enchaînée, fluide, d’où un sens général pourrait émerger. Où sont les obstacles ? Pourquoi le travail « en réseau » pourtant largement prôné se trouve-t-il entravé ? Si nous listons les différentes structures concernées nous pouvons en dénombrer une dizaine : l’association qui les hébergea sur une ville, puis une autre, le foyer de l’Enfance, le secteur de Psychiatrie adulte, la maternité de la métropole régionale, la PMI, l’ASE, l’intersecteur de pédo-psychiatrie, une association d’hébergement locale, le village d’enfants, et maintenant les homologues du département où se trouve la mère, chacune avec ses logiques propres et des mécanismes subtils qui freinent le travail en réseau.
Du plus individuel au plus général, voici un « balayage » rapide (non exhaustif, bien sûr) de ces freins repérés : la multiplication des strucutres, le manque de temps, l’épuisement professionnel de certains, voire parfois leurs réticences face à l’étrangeté de ce qui est étranger peuvent les faire hésiter ou reporter un appel téléphonique, un mail, la recherche d’un interprète, ainsi qu’une centralisation hiérachico-bureaucratique que nous aborderons plus loin.
Une autre situation peut illustrer ces phénomènes et les tentatives pour y remédier :
Fanta, l’école et nous
Une psychologue scolaire nous contacte ; elle suit une petite fille née en Afrique de l’Ouest, âgée de 7 ans, en C.E.1., qui n’avait pas été scolarisée auparavant. Cette psychologue sait peu de choses du parcours migratoire, mais pense que celui-ci fut probablement très traumatique, car la petite Fanta. aurait été séparée de ses parents pendant plusieurs années, ayant suivi un parcours migratoire différent. Cette psychologue a noué une relation de confiance avec le papa, qui permet d’orienter vers nous cette famille très demandeuse d’aide.
La première consultation se déroule en présence des deux parents, des 4 enfants (plus jeunes, dont deux nés en France), de la psychologue scolaire, d’une thérapeute principale et de 4 co-thérapeutes, appartenant soit à la pédo-psy, soit au secteur adulte, soit retraitée de l’ASE bénévole (consultation, donc, pluri-institutionnelle). Les langues utilisées sont le français et l’anglais, bien parlé par le papa. La psychologue scolaire explique le motif de cette demande, et pourquoi elle pense que ce dispositif peut être aidant pour la famille : le retrait et la tristesse de F. et les éléments fournis par le papa donnent à imaginer des moments très traumatiques et une adaptation en France difficile. Les deux parents confirment, mais monsieur s’exprime plus que madame, qui possède plus mal le français, et un peu l’anglais. Après quelques moments de mise en confiance et détendus (accès aux jeux pour les enfants, boissons et biscuits…), nous pouvons demander à la famille ce qui lui est arrivé. L’émotion déborde : monsieur veut nous montrer des photos de la tête de Fanta, couverte de plaies, et il doit quitter la salle accompagné d’une co-thérapeute, puis revient et raconte : la famille a dû fuir en catastrophe leur village, attaqué par un groupe hostile qui voulait s’approprier leurs terres. Dans la fuite, la famille est séparée : monsieur et madame s’enfuient avec le bébé d’un an, et F., âgée de 3 ans, dans une autre pièce, reste avec la tante, sœur de Monsieur. Ils sont sans nouvelles de F. jusqu’à ce que, par la Croix Rouge, ils retrouvent sa trace, et elle les rejoint en France trois ans après. La fillette aurait subi des moments de violence grave. Ils la retrouvent dans un état de santé très dégradé, avec des plaies infectées sur tout le corps. Elle refusait de sortir de la maison, ne parlait pas, mais va mieux maintenant.
Au vu de ce tableau, notre travail se déploiera sur plusieurs plans :
- Recherche de la langue locale commune à la famille pour permettre à madame de s’exprimer plus librement
- Recherche d’un thérapeute individuel de l’unité « psycho-trauma » de pédo-psy, pour F.
- Accompagnement de la famille en séances groupales où, notamment, les arcanes administratives seront bien expliquées (réunions de synthèse, etc.)
- Présence aux réunions et liens divers avec l’école afin d’éviter des orientations trop hâtives dans le domaine du handicap, pour F., tout en s’adaptant à ses capacités actuelles, et pour sensibiliser l’école à des habitudes de la famille qui pourraient, à tort, être interprétées comme de la négligence
- Recoupement d’informations avec des collègues (d’institutions différentes) des groupes de travail, concernant un suivi antérieur du frère au CMPP.
Ce « puzzle » reconstitué permet de visualiser une image unifiée de cette famille, de son histoire, des différents intervenants, de réunir ce qui a été fragmenté tant physiquement que psychiquement.
Réflexions émergentes
Ce détour par le terrain « socio-clinique » de ces deux cas nous semble bien illustrer le travail de liens inter-institutionnel indispensable et révéler la difficulté des professionnels à tisser ces liens dans le contexte indirectement pathogène de nos « us et coutumes locales » qui, par un effet cumulé d’une bureaucratie sédimentée de longue date, et d’une « nouvelle gouvernance » axée sur le résultat immédiat, ou « bureaucratisation au carré » (BEZES, 2020), peut freiner chaque initiative.
Ce centralisme bureaucratique ancien, et, parait-il, culturellement inscrit dans nos services publics (CROZIER, 1963), ajoutés à la « nouvelle gouvernance » axée sur l’évaluation chiffrée des activités (BEZES, 2020), et peut-être aussi la tendance de tout groupe institué à évacuer sur l’extérieur les sources de tension (KAES, 1988), tout ceci concoure à un repli intra-institutionnel verrouillé par des organigrammes centralisateurs et la nécessité « d’enfourner » l’activité (source de financements) dans des cases pré-établies ignorant l’initiative novatrice.
Dans la première situation, la multiplicité des structures : publiques, semi-publiques, associatives, héritées de la sédimentation historique, et du besoin d’initiatives ouvert par la voie associtative, complexifie, morcelle et ouvre des fossés que notre travail trans-institutionnel tente de combler, notamment en permettant à l’équipe de l’A.S.E. prise de recul et élaboration.
Dans la seconde, On voit ici que la part « immergée » du travail transculturel (en amont, parallèlement et en aval de la consultation), est un énorme travail de liens, de médiation, autant entre le monde culturel de la famille et nous, qu’entre les différentes instances plus ou moins cloisonnées de notre terrain local avec ses logiques propres : échéances d’âge pour l’Education Nationale, découpage en unités fonctionnelles plus ou moins étanches dans les services de soin, nécessité de rendre compte « par le menu » chaque parcelle de temps consacré à ce cas pour qu’il soit « valorisé » en termes « d’acte », implications parfois tout à fait concrètes pour « accompagner » la famille à la gare, par exemple (département rural, grandes distances, peu de transports en commun). Notons que le dispositif de consultation lui-même est constitué de professionnels issus de plusieurs institutions ou services différents, conformément au projet d’origine dicté par la réalité locale, intervenant soit sur un temps de travail reconnu, soit sur un temps personnel, soit en bénévolat.
Tentatives d’ancrage institutionnel
Pour éviter le morcellement et l’éparpillement mentionné plus haut, nous avons opté pour l’utilisation des structures existantes, et non pour la création d’un nouveau service, de type associatif par exemple.
Quelle forme acceptable administrativement pour cette « plate-forme »transversale ?
L’idée d’une convention tripartite pédo-psy/psy-adulte/CADA ; puis pédo-psy/psy-adulte/Département occupa une large part du travail inter-institutionnel de 2015 à 2024, pour finalement être abandonnée (provisoirement ?) au profit d’une « fiche projet »
Paradoxalement, un « accord cadre de coopération internationale » fut rapidement signé, en quelques mois, entre le CHS de la Nièvre, un C.H.U togolais, une association de développement Santé Mentale Togo/France, qui inclut, pour le D.A.T., des séances d’intervision entre les équipes togolaises et nous.
L’idée d’une unité fonctionnelle transversale pédo-psy/psy-adulte sembla inconcevable, malgré le regroupement en GHT (Groupement Hospitalier de Territoire), pour des raisons qui nous échappent. Mais concrètement, la valorisation serait entravée par des outils de cotation d’actes différents entre les deux structures (logiciels différents).
Tout ceci aboutit à une « non-officialisation » administrative du D.A.T., à ce jour, alors que son travail ne cesse d’être reconnu et encouragé oralement par les responsables, et qu’il fut noté par écrit dans le Projet Territorial de Santé mentale 2019-2023.
Un bref recul permet de noter un parallèle troublant entre ce que l’on peut ressentir de « semi-clandestinité utile » et la position de notre patientèle parfois en situation irrégulière, mais souvent exploitée. Ce ressenti, certes disproportionné, peut être favorisé par la souffrance professionnelle due aux injonctions contradictoires : « ce que vous faites est bien, mais ça ne peut pas être reconnu, nous vous encourageons en vous décourageant ».
Aussi, et pour l’instant, le travail continue grâce aux motivations, au volontariat, aux compétences, aux supervisions, au professionnalisme, à l’entêtement peut-être aussi ou à un optimisme vigoureux.
Le tableau ci-dessous tente de mettre à plat les différents niveaux des difficultés, des problématiques et des soutiens présents et à venir.
DIFFERENTS DE NIVEAUX DE LA PROBLEMATIQUE
Niveau du travail | Difficultés | Aides trouvées, ou à trouver |
Clinique auprès des patients | ||
Analyse de la demande et choix du ou des meilleur(s)cadres thérapeutiques
Analyse de la dynamique transfert/contre-transfert culturel, avec les patients et leurs familles |
Manque de temps
Manque de moyens, notamment pour les formations
Difficultés pour l’interprétariat et la médiation très souvent réduits à l’interprétariat téléphonique |
Possibilités documentaires de découverte de la culture du patient et de l’état actuel de son pays, grâce à internet et aux services de doc. professionnels.
Elaboration grâce aux échanges entre co-thérapeutes Rôle d’un traducteur/médiateur culturel Supervisions groupales (BABEL) ou personnelles
|
Inter-institutionnel, ou inter-services | ||
Analyse de la demande portée souvent par les partenaires professionnels Analyse des difficultés inter- ou intra-institutionnelles dans leur éventuelle dimension contre-transférentielle |
Stratifications hiérarchico-bureaucratiques Centralisation freinant les échanges Nécessité d’un retour chiffré de notre activité Différentes « cultures organisationnelles » des institutions
|
Inscription du D.A.T. au Projet Territorial de Santé Mentale du Département 2019-2023 Financements de la Fondations de France obtenus grâce à l’aide de la coordinatrice Santé Mentale de l’ARS Nièvre Contacts directs de personne à personne grâce à un passé de travail en commun Travail de liens par la présentation du D.A.T. dans différents services ou lors de deux colloques organisés par le D.A.T Groupes de travail mensuels ouverts aux personnels d’autres institutions |
Sociétal, au sens large | ||
Analyse du contre-transfert intra-culturel général éventuellement « dissident »(*)
(*)Ressentiment vis-à-vis de son groupe d’origine |
Caractéristiques françaises, générales, dans leur dimension historico-politique |
Décentration et recul nécessaires, pris grâce la présence de collègues ou stagiaires étrangers, et au partenariat avec une association africaine, notamment des intervisions en visio-conférence avec le Togo |
Conclusion
Cette nécessité de travail partenarial et transversal due aux contraintes du terrain, mirent particulièrement en lumière les rigidités de nos habitudes institutionnelles et les obstacles liés aux différentes cultures d’institutions. Il mit également en lumière la nécessité d’outils théoriques qui aident à la distanciation et encouragent le travail sur soi même. Autant d’invites à prendre conscience de nos liens à notre propre culture, à nous distancier de toutes nos appartenances, y compris les plus discrètes afin de prendre du recul et stimuler notre motivation.