© Myriam Harleaux, Lofoten, 2011 Source D.G.
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Lors de catastrophes et de drames particulièrement médiatisés, l’impact sur la population peut être important et les enfants peuvent en devenir des victimes collatérales. Cet article propose une réflexion sur les modalités de communication auprès d’enfants exposés à des événements traumatiques.
L’actualité récente vient en quelques semaines de confronter la population à une accumulation de drame : assassinats familiaux, trois jeunes sœurs fauchées sur l’autoroute, 35 morts sur un bateau de croisière, 28 morts dans un bus scolaire de retour d’un centre de vacances, enlèvement et assassinat d’enfants, tuerie de militaires en pleine rue et exécution de trois enfants et d’un adulte dans un établissement scolaire à Toulouse. Ces situations dramatiques ont pour spécificité d’entraîner une couverture médiatique importante et de véritablement contaminer les personnes informées de tels drames. Des enfants ont été victimes directes de ces drames : tués, blessés, témoins visuels, enfants endeuillés par la mort d’un parent ou d’un frère ou d’une sœur. D’autres ont été exposés, via les modalités aux images et à la violence de ces événements.
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Il est ici essentiel de rappeler qu’un enfant seul n’existe pas. Pour grandir, se sentir en sécurité, comprendre le monde extérieur, l’enfant a besoin de l’autre et tout particulièrement de ses proches. Les prises en charge d’enfants exposés directement à des événements traumatiques nous permettent de constater que ce n’est pas tant la gravité du drame qui fait impact traumatique dans la vie psychique de l’enfant que les réactions de son entourage. Quand l’enfant se sent incompris, rejeté, abandonné par celui censé le protéger, l’effondrement psychique peut être majeur et venir majorer les troubles post-traumatiques éventuels. Il s’agit pour l’adulte de rester disponible psychiquement pour l’enfant, c’est-à-dire d’être en capacité de contenir sa détresse, de le soutenir, de le rassurer, de le protéger, de ne pas tenter de dénier la violence de ce qu’il a pu ressentir et de l’accompagner. Mais l’événement traumatique a une valeur désubjectivante et rester disponible pour l’enfant peut être difficile, voire totalement impossible, lorsque l’adulte est lui-même exposé à l’événement traumatique et psychiquement blessé. Du côté des proches moins exposés et des professionnels, la principale difficulté est liée à la méconnaissance des conséquences psychotraumatiques sur l’enfant (Bailly 1996), en particulier pour le bébé et les très jeunes enfants qui n’ont pas les mêmes modalités d’expressions post-traumatiques que les plus grands (Baubet & Moro 2005 ; Romano 2010) ; cela peut conduire à une banalisation, voire à un déni de la réalité de l’existence du trauma chez l’enfant, comme en témoignent les réflexions du type : « Il est trop petit pour comprendre », « il va oublier », « Cela ne sert à rien de lui en parler, il ne peut pas comprendre » (Romano 2010). L’enfant, aussi jeune soit-il, n’est pas un mollusque. Même s’il n’a pas les capacités cognitives et la maturité affective d’un adulte, il perçoit les bouleversements de son entourage et peut être durablement blessé psychiquement par les réactions de son entourage.
Face à un événement traumatique, l’enfant a besoin de retrouver la confiance en lui et en l’autre à un moment où tous ses repères, toutes ses croyances ont été mis à mal, voire anéantis par l’événement (Cyrulnik 1999 ; Manciaux 1998 ; Romano 2010). Les termes le plus souvent utilisés pour désigner ces adultes sont ceux de tuteurs de résilience, de développement, d’adultes transitionnels. Lorsque l’enfant bénéficie de proches en capacité de rester psychiquement disponibles pour lui, il peut se réinscrire dans un réseau d’appartenance humanisant où son histoire traumatique sera un temps de sa vie, mais ne réduira pas sa vie à cet événement, aussi dramatique soit-il (Delage 2002 ; Romano 2011).
Nous avons déjà présenté les modalités de prise en charge des enfants exposés à un événement traumatique (Romano 2006, 2009, 2011) et nous souhaitons ici centrer notre propos sur la prise en charge des enfants directement témoins. Pour illustrer notre propos, nous prendrons l’exemple de ce qui s’est passé suite aux tueries de Toulouse et de Montauban. L’impact émotionnel a été très fort lorsque des enfants ont été tués et lorsqu’ils l’ont été dans une école, lieu de vie et non de mort. Même si cet établissement était confessionnel, l’identification projective a été massive, et les témoignages de nombreux parents habitant à des centaines de kilomètres en ont témoigné : « Cela aurait pu arriver à nos enfants ». La couverture médiatique sans précédent a conduit à un contexte de terreur et d’insécurité, à grand renfort de détails morbides des tueries. Elle a entraîné un court-circuitage élaboratif, l’information étant donnée en temps réel, sans aucun recul de la part des journalistes, conduisant parfois à des précipitations explicatives (Romano & Crocq 2010). Le sujet, pour comprendre, a besoin de temps, d’espace pour traduire des informations et en faire un récit ; et ce, d’autant plus, qu’elles paraissent impensables. L’immédiateté de la transmission d’images et de témoignages détruit tout espace réflexif pour les spectateurs, qui les subissent, passifs derrière leur écran. Si les adultes sont en difficulté pour comprendre les images et supporter leur violence, l’enjeu est d’autant plus important pour les enfants qui n’ont pas les mêmes ressources cognitives et représentationnelles que l’adulte. Des milliers d’enfants sont restés face aux écrans et radios, allumés sans fin dans les domiciles. Les adultes bouleversés n’ont pas toujours réalisé l’impact que ces images pouvaient avoir sur leurs enfants. Pour exemple, pour les petits, qui n’ont pas les capacités cognitives des adultes, ce n’est pas un tueur mais des centaines de tueurs qu’ils ont vus, comme autant d’images diffusées. Pour les plus grands, l’accumulation d’interviews et d’avis, parfois contradictoires sur le contexte, le profil du mis en cause et ses motivations, ont pu entraîner une réelle confusion et une insécurité sur « Qui croire ? Que croire ? ». Sans compréhension des faits, aucun décryptage n’est possible et l’image peut devenir traumatique en tant que telle et créer une intrusion psychique durable. Elle peut aussi réactiver d’autres événements traumatiques personnels antérieurs ou d’autres expériences de désastre relationnel vécues par l’enfant.
L’instauration d’une minute de silence, si elle peut s’entendre pour les adultes, dans un tel contexte d’émotion collective pour restaurer une cohésion nationale, reste discutable pour les enfants, en particulier les plus jeunes. L’instaurer par une injonction politique, imposée sans aucun repère aux professionnels pour les aider à la mener à bien, peut conduire à des non-sens et majorer la détresse d’enfants et d’adolescents confronter aux difficultés de leur enseignant chargé de l’effectuer.
Si le jeune enfant ou l’adolescent reste seul face aux images et aux procédures imposées, si aucun adulte ne prend le temps de lui en parler, de les décrypter AVEC lui, il restera seul face à ses croyances, ses interrogations et ses peurs. Selon ses ressources antérieures, il pourra ou non résister et ne pas s’effondrer face à la violence des faits ou des images. Sans adulte pour prendre soin de lui et s’ajuster à lui, l’enfant n’aura d’autres recours, pour survivre psychiquement, que de tenir à distance les faits traumatiques. Ce clivage résilient se traduit par le fait qu’une partie de l’enfant tient compte du réel, tandis que l’autre le dénie. Face à la banalisation, voire au déni de son entourage, ce processus adaptatif, très coûteux, permet à l’enfant de ne pas s’effondrer psychiquement face à un environnement incapable d’entendre sa détresse. Il survit au prix du silence sur son passé. Ceux qui semblent se dégager plus facilement de l’impact traumatique ont bénéficié d’un entourage qui a su rester disponible, c’est-à-dire qui a pu reconnaître la réalité de leur vécu, ne pas la réprimer et ne pas les condamner au clivage résilient.
Pour « soigner malgré tout » (Baubet & Moro 2003), rester un « parent malgré tout », il nous semble essentiel de s’ajuster à l’enfant exposé à l’événement traumatique, qu’il soit directement exposé ou indirectement via les médias. Sans cet accompagnement, le risque est que l’enfant reste seul face au trauma avec d’inévitables conséquences sur la qualité de ses relations avec ses proches et sur son devenir.
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