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© Zuerichs Strassen, together, 2 mai 2015. Source

« Invisible visible minority »

Un livre pour la reconnaissance des personnes d’ascendance africaine et Européens noirs

Michaël PRIVOTMichaël PRIVOT est directeur du Réseau européen contre le racisme (ENAR) depuis 2010 et était auparavant Responsable réseau et campagnes au sein d’ENAR. Il est également un expert international en matière de processus de radicalisation au sein des communautés musulmanes. Auparavant, il a travaillé pendant quatre ans en tant qu’aspirant du FNRS à l’Université de Liège (Belgique). Il a plusieurs années d’expérience dans le travail de développement des communautés musulmanes tant en Belgique qu’en Europe. Il détient une licence en histoire et philologie orientales (islamologie), une spécialisation en histoire comparée des religions (Université de Liège) ainsi qu’en langue arabe (Université de Damas), et un doctorat en langues et lettres de l’Université de Liège (Belgique). ENAR, 60 Rue Gallait, B-1030 Bruxelles, Belgique.

European Union Agency for Fundamental Rights. European Union Minorities and Discrimination Survey – Main results report ; 2009. Disponible sur : http ://fra.europa.eu/sites/default/files/fra_uploads/663-FRA-2011_EU_MIDIS_EN.pdf.

Mångkulturellt Centrum. Afrofobi : En Kunskapsöversikt över Afrosvenskars Situation i Dagens Sverige. Tumba (Sweden) : Mångkulturellt centrum ; 2014.

StopWatch. Factsheet : Section 60 – Stop and Search Facts and Figures ; 2012-13. Disponible sur : http ://www.stop-watch.org/get-informed/factsheet/section-60

Privot M. « Invisible visible minority ». Un livre pour la reconnaissance des personnes d’ascendance africaine et Européens noirs. L’autre, cliniques, cultures et sociétés, 2015, volume 16, n°2 , pp. 244-246

Aussitôt entamée, aussitôt prolifique, l’année 2015 symbolise le début d’un renouveau en terme de reconnaissance. En effet, les Nations Unies viennent de proclamer la Décennie internationale des personnes d’ascendance africaine. Un moment opportun qu’a choisi le Réseau européen contre le racisme (ENAR) pour sortir son dernier ouvrage en date « Invisible Visible Minority – Confronting Afrophobia and Advancing Equality for People of African Descent and Black Europeans in Europe ». Une contribution unique pour combler le manque de connaissance et de valorisation des personnes d’ascendance africaine en Europe.

Le racisme anti-noir ou Afrophobie, celui qui s’érige à travers l’Histoire, n’est toujours pas reconnu à part entière. Pourtant, dans une Europe où le nombre de personnes d’ascendance africaine oscille entre 7 et 15 millions, le phénomène existe bel et bien. Malgré l’absence de visibilité sur le plan politico-social, les discriminations à leur égard et les disparités sévissent au sein de la société européenne. Pour leur faire face, une maigre connaissance de la problématique persiste, contribuant ainsi à la rendre invisible.

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Parmi les organisations ayant commencé à défricher le terrain de l’Afrophobie, ENAR a décidé d’éditer une collection d’articles – tant des articles académiques que des témoignages d’expérience pratique – visant à sensibiliser le public aux obstacles que rencontre la population noire en Europe, à leur histoire et leurs contributions, ainsi qu’à leurs expériences dans différents contextes politiques, économiques et sociaux. L’ouvrage traite également de certaines questions sensibles à l’échelle européenne telles que les contrôles au faciès, les crimes de haine et la santé.

Afrophobie, négrophobie ou racisme anti-noir ?

La pluralité sémantique, quant à ce racisme, est révélatrice d’une autodétermination positive. Négrophobie, racisme anti-noir, Afrophobie, un panel de termes qui font partie de cette terminologie florissante. Le choix d’ENAR s’est porté sur le terme de l’Afrophobie, qui est largement compris comme constituant une forme de racisme et de discrimination structurelle envers les personnes noires.

Avec cette publication, ENAR a la volonté d’aborder la logique reconnaissance de l’Afrophobie comme étant une forme spécifique de racisme.

Les personnes d’ascendance africaine ont subi, pendant plus de 500 ans, l’esclavage, le colonialisme et la déshumanisation. L’élaboration du mythe européen d’une « race » noire inférieure pour légitimer la traite des esclaves et le colonialisme continue de façonner – même inconsciemment – les préjugés envers les personnes noires. Les conséquences de l’esclavage et du colonialisme ont un impact considérable sur la représentation des personnes noires dans la conscience collective et les mentalités européennes, au-delà des États qui ont pris part activement à la traite des esclaves. Ces conséquences continuent à alimenter le racisme structurel et la perception négative que les personnes d’ascendance africaine ont d’elles-mêmes.

Malgré la diversité des origines et les différences géographiques, historiques et culturelles, l’expérience discriminatoire est en effet similaire pour toutes les personnes d’ascendance africaine et Européens noirs. Les pratiques en matière de discrimination, d’exclusion et de stigmatisation dans les secteurs de l’accès aux médias, à l’éducation, à la justice ou à l’emploi sont identiques.

Une enquête de l’Agence européenne des droits fondamentaux montre par exemple que 41 % des « Africains sub-Sahariens » sondés ont été victime de discrimination raciale au moins une fois dans les 12 mois précédents (European Union Agency for Fundamental Rights 2009). En Grande Bretagne, les personnes noires sont 25 fois plus susceptibles de faire l’objet de contrôles de police que les personnes blanches (StopWatch, 2012-13).

Quant à la Suède, un rapport, l’un des premiers en Europe concernant l’Afrophobie (Mångkulturellt Centrum 2014), révèle la situation inquiétante des Suédois d’ascendance africaine comme étant la minorité la plus exposée aux crimes de haine. Selon les statistiques, une augmentation de 24 % a été constatée depuis 2008. Ces crimes de haine sont caractérisés par une grande proportion de violence physique dans les lieux publics (écoles, restaurants et magasins, lieux de travail, etc.). Le rapport indique également une marginalisation des Suédois noirs dans tous les secteurs de la société.

Une stratégie européenne pour combattre l’Afrophobie

A travers cette initiative, ENAR appelle au changement qui nécessite, de la part des États membres de l’Union européenne, de développer et mettre en œuvre des stratégies nationales visant à protéger et faire progresser les droits des Européens noirs et des personnes d’ascendance africaine en Europe.

Premièrement, afin d’améliorer la vie quotidienne des personnes d’ascendance africaine et Européens noirs, il est primordial de faire de l’Afrophobie une priorité. Même si des différences liées à la taille des groupes et aux flux migratoires historiques existent, on remarque des tendances similaires en ce qui concerne les discriminations et le racisme structurel vécus par les personnes noires en Europe, en particulier liées à l’histoire coloniale de la plupart des pays européens. Les institutions européennes doivent prendre conscience des retombées négatives de telles discriminations sur les structures économiques, sociales et éducatives.

Ensuite, le déploiement d’un plaidoyer stratégique, au niveau européen, pour arriver à une égalité de fait pour les personnes d’ascendance africaine et Européens noirs s’avère essentiel. L’Union européenne dispose déjà d’un cadre législatif en matière de non-discrimination mais le racisme et les discriminations continuent néanmoins de sévir. La reconnaissance de l’Afrophobie et la mise en place d’une stratégie européenne visant à lutter contre ce phénomène permettraient de mieux aborder et d’apporter des solutions aux réalités et discriminations spécifiques vécues par les personnes d’ascendance africaine et Européens noirs.

Une telle stratégie devrait reconnaître l’Afrophobie comme une forme spécifique de racisme et proposer des actions de sensibilisation à ce phénomène ainsi que de lutte contre ce dernier. Elle devrait également articuler des objectifs et mesures concrètes accompagnées d’indicateurs pour permettre de suivre les progrès des États membres en la matière (par exemple, le pourcentage de décrochage scolaire précoce, le pourcentage de personnes d’ascendance africaine actifs sur le marché de l’emploi, dans quels secteurs, etc.). Les personnes d’ascendance africaine et les Européens noirs doivent également faire partie intégrante du processus d’élaboration, de suivi et d’évaluation de ces stratégies visant à combattre l’Afrophobie. Enfin, la collecte de données sur les expériences de discrimination du(des) groupe(s) cible(s) est cruciale pour pouvoir évaluer les progrès et l’efficacité des politiques mises en place – et les réajuster si nécessaire.

Les États membres de l’Union européenne doivent également reconnaître leur rôle dans les violations commises durant leur passé colonial. Établir des commissions de vérité, développer des ressources pédagogiques expliquant ce passé, revoir les programmes et les manuels d’histoire utilisés dans l’enseignement, envisager des programmes de réparation, sont quelques-unes des mesures à prendre dans ce sens.

En cette Décennie des personnes d’ascendance africaine, l’Union européenne et ses États membres doivent faire preuve de leadership pour que l’Afrophobie soit reconnue et combattue de manière efficace. Disponible depuis janvier 2015, « Invisible Visible Minority » est un livre nécessaire. Également consultable en ligne sur le site d’ENAR : http ://www.enar-eu.org/Invisible-visible-minority-our.

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