Note de terrain
© Alexandre Duret-Lutz gadl, 8 avril 2007, Paris, Île-de-France, France Source (CC BY-SA 2.0)
Partir du dehors
Véronique NAHOUM-GRAPPE
Véronique Nahoum-Grappe est anthropologue à l’EHESS.
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Le mendiant date de la plus haute antiquité, comme la rue, le mur qu’il habite, le soleil et l’antiquité elle-même1. Le mendiant date des contes anciens, orientaux et septentrionaux. Il est là au coin des vieux récits bibliques et épiques. Il date de l’enfance. L’enfance, matrice de ce qui est enfoui, passé commun à toute l’humanité. Il est une figure typique de nos imageries sur le social et « la vie », en tant qu’espace de perdition possible. Il n’est pas un invisible. Ou plutôt, il est tellement exposé, entre le café et l’église, aux regards collectifs depuis « la nuit des temps » dont il est une des pierres levées, qu’il en est réduit à sembler n’être que ce qu’il apparaît – et même à n’être que ce qui s’est épaissi à sa propre surface, un être à la limite de la chose, et qui bouge encore.
Finalement, il fait quand-même partie de la famille des invisibles : les trop visibles. Il se multiplie en temps de crise ou de totalitarisme maffieux. Il est moins seul quand la misère est majoritaire dans les pays où la sauvagerie de l’inégalité est la norme – ce dont l’Europe se veut sortie. Proche du pauvre extrême, il est ce misé-rable qui tend la main vers le carrosse – Donnes à ce miséreux, Sophie ! et la Comtesse de Ségur fait surgir dans le cœur de Sophie la volupté des dominations courtes mais bien situées : « Voici, mon Bon ».
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