Note de terrain
© Jack Ketcham Family 20 décembre 2015 Source (CC BY-SA 2.0)
L’immémoré d’une histoire migratoire
Rachid OULAHAL
Rachid Oulahal est psychologue, maître de conférences en psychologie, Université de la Réunion - Laboratoire DIRE (Déplacements, Identités, Regards, Écritures).
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Pour citer cet article :
Oulahal R. L’immémoré d’une histoire migratoire. Lorsque quelques photographies retrouvées ouvrent la porte des souvenirs que les troubles neurocognitifs avaient fermée… L’autre, cliniques, cultures et sociétés, 2019, volume 20, n°3, pp. 357-367
Lien vers cet article : https://revuelautre.com/notes-de-terrain/limmemore-dune-histoire-migratoire/
L’immémoré d’une histoire migratoire. Lorsque quelques photographies retrouvées ouvrent la porte des souvenirs que les troubles neurocognitifs avaient fermée…
Nos travaux de recherche se situent dans la perspective de la psychologie interculturelle et investiguent les interactions possibles entre le processus d’interculturation et les processus de construction mémorielle autobiographique.
Notre article propose de revenir sur la question de la transmission intergénérationnelle d’une histoire migratoire. En particulier, nous questionnerons les répercussions de troubles neurocognitifs sur cette transmission. Nous présenterons le cas de Warda, une dame âgée ayant vécu une expérience migratoire et souffrant de troubles neurocognitifs caractérisés par une altération de la mémoire, et de sa fille, Rajae, qui a elle aussi fait l’expérience d’une migration dans le sens inverse. Ces deux rencontres, à une journée d’intervalle, avec une mère puis avec sa fille, nous permettent de retracer les histoires migratoires, tant des individus que des objets, ainsi que les contacts de cultures et les métabolisations identitaires qu’ils auront pu faire émerger.
Mots clés : histoire familiale, migration, oubli, photographie, souvenir, transculturel, transgénérationnel, trouble de la mémoire.
Failing memory and migratory history: when a few unearthed photographs open the doors of remembrance previously closed by neuro-cognitive disturbances
Our research field is set in the perspective of intercultural psychology and investigates possible interactions between the inter-culturation process and the development of an autobiographical memory.
Our article proposes to address the issue of the intergenerational transmission of a migratory history. We will in particular explore the effects that neurocognitive disorders can have on this transmission. We present the case of Warda, an elderly lady with a migratory experience suffering from neurocognitive disorders, and her daughter, Rajae, who had a reverse migratory experience. These two encounters, one day apart, with a mother and then with her daughter, enabled us to retrace the migratory histories of both individuals and objects, as well as the encounters between cultures and shifts in identity that these migrations may have generated.
Keywords: family history, forgetfulness, memory disorders, migration, photography, remembrance, transcultural, transgenerational.
Lo inmemorable de una historia migratoria. Cuando unas fotografías recuperadas abren la puerta a recuerdos que los trastornos neurocognitivos habían cerrado…
Nuestra investigación se sitúa en la perspectiva de la psicología intercultural e investiga las posibles interacciones entre el proceso de interculturación y los procesos de construcción de la memoria autobiográfica.
Proponemos retomar la cuestión de la transmisión intergeneracional de una historia migratoria. En particular, cuestionaremos las repercusiones de los trastornos neurocognitivos en esta transmisión. Presentaremos el caso de Warda, una anciana con una experiencia migratoria y que padece trastornos neurocognitivos caracterizados por deterioro de la memoria, y su hija, Rajae, quien también experimentó la migración en sentido inverso. Estos dos encuentros, con un día de diferencia, con una madre y luego con su hija, nos permiten remontar las historias migratorias, tanto de individuos como de objetos, así como los contactos entre culturas y las transformaciones identitarias que puedan haberse dado en este contexto.
Palabras claves: fotografía, historia familiar, memoria, migración, olvido, transcultural, transgeneracional, trastorno de la memoria.
Introduction et contexte
Dans l’actualité des mouvements migratoires que notre époque connaît, en tant que chercheur dans le champ de la psychologie interculturelle, nous nous questionnons sur ce que le migrant laisse derrière lui lorsqu’il quitte son pays d’origine, de gré ou de force, sur ce qu’il oublie ou au contraire tient à conserver, mémoriser, transmettre à l’autre contemporain mais aussi, et peut-être surtout, aux générations à venir. Parfois à son insu, des traces viennent s’inscrire, en soi… mais également sur des supports physiques qui, sans pour autant être des sources historiques, pourront un jour servir de médiation mémorielle (Scopsi, 2018), individuelle et collective, de l’histoire migratoire.
Dans le cadre de ce présent article, nous souhaitons revenir sur une situation rencontrée au cours de nos travaux de recherche (Oulahal, 2019). Plus particulièrement, nous investiguons les interactions possibles entre le processus d’interculturation (Clanet, 1990) et les processus de construction mémorielle autobiographique. À travers le recueil de récits de vie, nous abordons la question du souvenir que laisse une situation interculturelle chez le sujet qui en fait l’expérience au cours de son existence (Oulahal, 2021 ; Oulahal & Denoux, 2018). Plus précisément, c’est au travers de la mémoire autobiographique (Conway, 2005) que nous analysons l’articulation de la construction identitaire et mémorielle en relation avec une expérience de vie en situation interculturelle, qu’elle soit dans un environnement multiculturel, une migration vers un nouvel environnement culturel, une pluralité d’appartenances culturelles ou tant d’autres configurations que le monde actuel présente et pour lesquelles le contact de cultures est mis au premier plan (Oulahal, Denoux & Teyssier, 2018 ; Oulahal, Guerraoui & Denoux, 2018).
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