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La connaissance de la maladie mentale par l’homme remonte à des siècles. La maladie mentale a eu différentes appellations selon les époques et l’appartenance culturelle. L’apparition du terme « maladie mentale » entraîne un changement des attitudes et des réactions de ceux qui se disent être « normaux » envers ceux qui sont considérés comme « anormaux ». La maladie est perçue différemment par l’entourage du malade et par le malade lui-même. La société peut demander à la famille d’élucider les diverses raisons de l’apparition de la maladie. Les raisons qu’avance la science sont difficiles à articuler par la société traditionnelle africaine.
À travers les rues et ruelles de la ville de Bukavu, Chef-lieu de la Province du Sud-Kivu, située à l’Est de la République démocratique du Congo, la population joue divers scénarii en présence des malades ou des membres de leur famille. L’uniformité culturelle de la population citadine, résultat d’une cohabitation entre le peuple Shi et les autres tribus autochtones ou non de la Province, n’a pas éloigné la population des pratiques traditionnelles. Les apports culturels modernes continuels n’ont pas détourné la population de la tradition ancestrale. La tribu Shi est presque majoritaire dans la ville, mais il existe d’autres tribus minoritaires qui vivent ensemble.
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Comment la maladie mentale se conçoit-elle actuellement dans cette société : est-elle le fruit d’une symbiose culturelle ? Pourquoi les personnes malades mentales souffrent-elles, psychiquement, autant dans leur propre environnement social ? Quelle devrait-être la réaction de la société envers ces personnes malades ? Que doit-on faire en plus pour soulager leur souffrance ? Quelle doit-être la position de la famille et du professionnel de santé ?
Membre de cette communauté, je me questionne sur le vécu psychologique des malades mentaux et de leurs familles. Ainsi, je veux briser le silence et dire tout haut ce que vivent les patients.
Les objectifs de cette étude sont les suivants :
Les hypothèses sont :
Cette étude se base sur une observation analytique avec une approche ethnopsychiatrique. Elle s’appuie également sur mon vécu personnel, les entretiens avec la population locale et certains/quelques ouvrages.
La tribu Shi est constituée d’un peuple Bantou occupant la zone géographique des alentours de la ville de Bukavu. Celle-ci est le chef-lieu de la province du Sud-Kivu, localisée à l’Est de la République démocratique du Congo. Ce peuple se regroupe en familles et forme un clan. Plusieurs clans forment un groupement et ainsi constituent un territoire. Chaque territoire est dirigé par un roi appelé « Mwami ». La population a la même appréhension de la maladie mentale. Ils parlent la même langue maternelle, le Mashi, partagent les mêmes valeurs culturelles et ont des « Bami » (= rois) assurant l’unicité.
Avant de détailler ces pratiques, rapportons les éléments culturels ayant trait à la perception, à la conception et à la gestion de la maladie mentale.
L’explication de l’origine, de la cause, du traitement et de la prévention de la maladie mentale diverge entre les membres d’une communauté, selon que leurs avis soient nourris par le savoir traditionnel, religieux ou scientifique.
L’Africain est un être solidaire par essence. Le voisinage peut être une source de « malheur » ou de « bonheur ». Les adages populaires en témoignent : « La sorcellerie ne traverse jamais la rivière », « On ne peut ensorceler quelqu’un que lorsqu’on sait où a été enterré son moignon ombilical ! », « On l’a ensorcelé par la prise de son ombre ! », etc.
L’explication du sens et de la cause de la maladie mentale trouve origine dans l’entourage familial et culturel du patient. Le recours à une transcendance divine, ancestrale, apporte sa part de bénédiction ou de malédiction à ces explications populaires.
Ceci dit, le recours à la puissance surnaturelle ne vient pas en dernière explication des faits pathologiques, bien au contraire. Une source maléfique ne peut pas se changer en une source bénéfique. Selon l’interlocuteur et le tableau clinique, l’homme donne une interprétation des faits dans la mesure du possible en s’appuyant sur son savoir culturel, ou demande de l’aide aux « avisés ». « Les forces bienveillantes résistent continuellement à celles malveillantes », disent-ils.
Comprenons par « avisés » les référents sociaux qui ont le pouvoir d’interroger les divinités ou les instances supra ou infra naturelles.
Cette recherche d’étiologie se rapproche de la méthode analytique de la médecine occidentale ? La méthode écosystémique et/ou ethnopsychiatrie devient son antagoniste et permet une approche globale et complète de l’étiologie, de la conséquence et de la prise en charge. L’individu sera considéré sur le plan individuel et communautaire.
Le trouble mental tout comme la maladie organique est une « force » qui affaiblit l’individu. La maladie ainsi déclarée fragilise les relations entre le malade et sa société. Le patient est séparé du reste de sa communauté. Selon la psychiatrie bleulérienne, la schizophrénie scinde en deux la personne ; sur le même modèle, nous pouvons dire que la maladie mentale scinde en deux la communauté. Pour le peuple Shi, il n’existe pas un homme « singleton ». L’appellation « homme » est plutôt vue dans la dimension sociétaire et inclusive. « O’muntu ajirhwa n’oh wabo » dit le Shi pour traduire littéralement que l’homme est fait par un autre homme.
Cette situation oblige les membres de sa société à s’entraider dans la logique de la solidarité. L’ignorance, la non-maîtrise des circonstances, le manque de contrôle et l’incapacité devant cette situation motiveront tout le monde, consciemment ou inconsciemment, à chercher la solution. Cette inquiétude se lit à travers les gestes, les actes, les paroles ou tout autre moyen mis en œuvre pour trouver de la quiétude, un soulagement et/ou une excuse. Devant ce « désarroi », la famille du patient interprète tout acte, tout geste et toute phrase. D’où risque de conflits interindividuels, interfamiliaux ou intrafamiliaux. Les accusations peuvent être rapportées : « C’est une famille maudite… », « Leur arrière-grand-père était sorcier… », « C’est lui qui est à la base de tout ça… », « C’est bien sa grand-mère qui l’a ensorcelé(e), », etc. », « Il n’a pas respecté les consignes du féticheur… ».
Ce qui est surnaturel est incompris, indéchiffrable et non décodable. Ils disent : « Nos ancêtres savaient tout décoder, ils comprenaient tout, car ils étaient en étroite relation avec la divinité et la nature… ». Les fautes des parents, grands-parents font surface. Et toute tentative de réflexion scientifique n’est pas la bienvenue. Il semble être facile d’admettre qu’il s’agit d’un mauvais sort ou d’une pure malédiction de la famille.
Dans cette logique de punition ou de victimisation, les gens se diviser en deux groupes : les « mauvais » ne se préoccupent pas de la souffrance des autres et aggravent la souffrance par la discrimination et la stigmatisation, et les « bons », aident à trouver la solution. La maladie met une barrière entre le patient et la société. Le patient reste responsable. Ce qui va de pair avec le caractère social et individuel dont parle Lòpez, M. dans ses travaux. (Lòpez M. 2007).
La maladie est chronique. Les patients sont indexés ou discriminés. Cette discrimination se voit à plusieurs niveaux et de différentes ma-nières. Barke A. et ses collaborateurs parlent de cette discrimination qui touche les malades, leur famille et le personnel soignant dans le Sud du Ghana (Barke A. & al. 2011). Cette réalité est présente dans la ville de Bukavu et semble être liée à des pratiques populaires culturelles. Ces dernières ont une double origine ancestrale et religieuse.
Avant de développer les réalités culturelles, je parle de la sémiologie, de la prévention et de la prise en charge. Le diagnostic sera abordé plus loin.
La sémiologie de la pathologie mentale est très riche. Avant d’aborder l’organisation thérapeutique, j’éclaircie les différents termes et adages :
Plusieurs termes et expressions sont utilisés :
« Bulwazi bw’irhwe ; kuyayuka obongo » (= la personne a perdu ses facultés mentales. Il est malade et incapable de se reconnaître). Ce terme correspond à la psychose.
Des expressions viennent nuancer les propos selon le type d’acte commis :
Les ancêtres ensorcelaient tous les voleurs, les coureurs de filles et de femmes des autres, les destructeurs de champs, les ravageurs de gros et petits bétails (les vaches, les moutons, les chèvres et les poulets, etc.). Ils se servent des pouvoirs surnaturels pour lancer une mise en garde à la société. La punition leurs est infligée pour sauvegarder les valeurs traditionnelles et faire respecter les clans. S’il ne change pas, il mérite la mort par attraction maléfique de la foudre sur lui. C’est ce qu’on appelle « kubandwa n’enkuba’ ». La mort est subite.
Pour éviter, échapper ou alléger la punition, la famille doit négocier. Le devin (« mulaguzhi ») est consulté moyennant des biens tels qu’une poule et/ou une chèvre s’il s’agit d’un sujet féminin, d’un coq, d’un caprin, ou d’un bouc s’il s’agit d’un homme. Il pose le diagnostic et les oriente vers le guérisseur (« mufumu »). Celui-ci prescrit un traitement onéreux à base de plantes (Racines, écorces d’arbre, feuilles, fleurs, graines, etc.), le tout mêlé aux prières et aux incantations.
Avant que n’apparaisse la maladie, les familles sont obligées de se prémunir. Il s’agit d’une sorte de vaccination physique et spirituelle. Ainsi, nous pouvons aborder la prévention de la maladie mentale da société Shi.
La prévention et la protection obligent à consulter le devin « kulaguza » pour se prémunir du malheur ou anticiper un bonheur prochain. Le traitement, administré par un mufumu : scarifications et tatouages sur le corps ou par la consommation de décoctions préparées. Le rapport au corps est complexe. Ce corps est une instance de connexion avec des corps ancestraux, des corps invisibles mais toujours présents.
Autrefois, il était, par exemple, conseillé de ne pas manger le repas préparé par une fille « bâtarde » au risque de souffrir de l’ascite (= « kabunda »). Le terme « bâtard » se dit d’un enfant qui est né d’une grossesse hors mariage. Le père de l’enfant reste donc inconnu par la société. Le rituel est complexe et varie selon le thérapeute, chacun utilisant ses compétences et sa puissance mystique pour répondre aux attentes de ses clients. Nous y reviendrons plus tard.
La population sait où se trouve le mufumu ou le devin. Sa puissance mystique se mesure par des actions telles que l’envoûtement, la sorcellerie, ou par un sort jeté à un voleur afin qu’il remette ce qu’il a volé (Lujengo = C’est une calebasse, un outil spécial ayant la fonction de téléphone mystique). « Je fis appel au cosmos et trois jours après, le jeune homme revient chez lui, disant qu’il avait perdu la mémoire… Je lui avais répété sur un mode lancinant : « Reviens, reviens », ce qui a dû finir par créer une perturbation dans sa tête » (Contini E. 1995 : 128).
Une solution est préparée à base de feuilles, de racines, de tiges et de plantes médicinales. La potion est bue par les membres du clan. Ils l’accompagnent par des incantations et d’invocations. Ensuite, chantent fort afin de chasser les esprits, et ainsi, purifié toute la communauté. Pour les Bisa, comme le sou-ligne Fainzang S, « Le traitement de la folie consistera à administrer un remède apte à replacer l’organe affecté dans le bon sens. Ce remède relève de ce qu’on peut appeler l’homéopathie symbolique dans la mesure où il est confectionné à partir d’herbes ayant été entraînées dans les fossés par les pluies, c’est-à-dire par des herbes qui ne sont plus à leur place normale, et qui ont ainsi subi une altération comparable à celle de l’organe affecté dans le cas de la folie : le cerveau ou le foie. Le traitement est donc fondé sur une analogie entre l’état du malade et l’état de l’objet utilisé comme remède ». (FAINZANG S. 1999 : 9-12).
Durant l’époque coloniale, il était hors de question d’amener le malade aux colons ou à l’hôpital public, car ils ne savent pas guérir une maladie d’origine mystique. Le colon a perturbé l’équilibre de force entre l’homme, ses ancêtres et le cosmos. Il était considéré comme un étranger pour les uns ou comme un revenant (apparition des esprits des ancêtres) pour les autres. Il assoit son autorité à l’aide des armes à feu, des travaux de corvée et des différentes punitions. Malgré cette pression, le Shi n’a pas abandonné brutalement les prescriptions ancestrales fondamentales.
Ensuite, la religion qu’il apporte vient départager davantage cette société : une autre image de l’Être Suprême leur est présentée au détriment de leur culte aux ancêtres et animistes pour les uns ou pour les autres. Ils apprennent à abandonner leurs pratiques et suivre la nouvelle religion. Tout récalcitrant est sévèrement puni. La population se christianise progressivement. Certaines familles ont totalement abandonné les pratiques ancestrales pour suivre à la lettre l’évangélisation, tandis que d’autres ont gardé les deux.
Le peuple Shi profondément christianisé pense que la cause de la maladie mentale est Satan. L’interprétation populaire laisse entendre que la possession démoniaque détruit les facultés mentales de « l’homme pécheur ». Le péché est à l’origine des maladies. La punition est méritée. Seule la sanctification apporte la guérison. Le féticheur, le devin et le tradipraticien sont remplacés par le pasteur ou le prêtre. Le sorcier collabore avec le Satan et les démons pour perturber la quiétude de la population.
La nouvelle théorie ne répond pas à la vérification scientifique. D’où vient la discrimination du « possédé » ? Tout raisonnement cartésien bute contre les croyances populaires. Il faut parvenir à bien expliquer la part de chacun : sorcier, démon, Satan, pasteurs, prêtres et Dieu.
La science n’a pas de preuve. Ont-ils tort ? La psychiatrie ne présente-t-elle pas une ou plusieurs théories pour un même diagnostic ? Vouloir imposer le discours de la science est peine perdue et considéré à la limite comme « un blasphème ». Ainsi, selon les travaux effectués à l’hôpital psychiatrique de Mélen de Libreville au Gabon, Dope K. & al. se joignent à nous en disant que : « La problématique pour le psychiatre est de pouvoir convaincre les parents que ces discours de persécution à mécanisme hallucinatoire et interprétatif ne sont que des délires et non des assertions. Ainsi, consulter le tradithérapeute, c’est avant tout adhéré au cadre culturel et solliciter le rétablissement de bons rapports au sein de la famille et avec le groupe entier dont les liens sont horizontaux mais aussi verticaux ». (DOPE K & al. 2009 : 573-579).
Avant de développer ces questions, parlons des référents sociaux.
Les référents sociaux occupent une place stratégique et bénéficient de la confiance de la population. Ils représentent les instances surnaturelles. Ils sont redoutables. Leur rôle dans l’approche de la maladie mentale est variable. C’est par leur intervention que le malade guérisse. Ces référents, selon la catégorie d’appartenance, font un pont entre le spirituel, l’ancestral et le religieux.
Par mesure de clarté, les référents sociaux ont été rangés en trois groupes distincts.
Les guérisseurs ou « tradipraticiens », les féticheurs, les sorciers et les devins ont des positions différentes les uns des autres. Ils jouent des rôles quelquefois complémentaires, parfois opposés. Ils ont un charisme, une « psychologie fine » du rituel et persuadent facilement leurs consultants.
Ces différentes personnalités jouent des rôles différents :
Selon la prescription du référent, l’individu doit payer en nature et/ou en espèce les honoraires. Il est à savoir qu’on ne paye pas le thérapeute, plutôt le payement est un geste de reconnaissance envers l’être suprême. Les gens remercient la nature, les ancêtres et les dieux du clan en leur offrant un cadeau. Cette somme d’argent ou ce présent, appelé « kingiya pori » n’a pour rôle que d’apaiser les esprits et laisser la porte ouverte aux bénédictions et aux protections ancestrales.
La population consulte pour enlever tout quiproquo sur la nature, l’auteur, le pronostic et la prise en charge du patient. Le rituel est presque identique :
Pendant diverses cérémonies, les devins et féticheurs entrent en transe et prophétisent des « vérités » à l’encontre du patient et de sa famille. Le passé et le futur du malade sont abordés.
Les résultats visent à :
Après une consultation, les thérapeutes formulent des recommandations, prescrivent les ordonnances ou incantations à réciter, de l’eau bénie et huile bénite, des amulettes à porter, etc. L’inobservance des consignes cause « la perte de la raison ».
Les chefs coutumiers, les chefs de villages et les Rois (Bami) sont investis de pouvoirs ancestraux. Considérés comme les « pères » de tous, ils veillent sur leur bien-être. Ils coordonnent les instances surnaturelles, ancestrales et humaines. Ils sont un pivot culturel et les gardiens des valeurs culturelles.
À côté de leur rôle administratif et politique, ils constituent un pont entre les ancêtres et les administrés. Ils apaisent les esprits des ancêtres et maintiennent la cohésion du groupe. Leur sagesse fait qu’on les consulte régulièrement pour une raison ou une autre. Ils rassemblent tous les thérapeutes (du groupe A et C). Ils jouent un rôle de centralisateur. Ils ont un véritable pouvoir social.
Par ce pouvoir social, ils occupent une place capitale dans la lutte contre la discrimination et la stigma-tisation. Shimmin Carolyn, coordonnatrice du centre de documentation au Réseau canadien pour la santé des femmes, souligne le rapport entre le pouvoir social et la discrimination des malades. Selon elle, « On oublie souvent de préciser que la stigmatisation est le produit d’une structure de pouvoir social qui en favorise l’existence » (Shimmin C. 2009 : 5).
Les structures devraient être dressées en faveur de la lutte contre toutes formes de discrimination. Ils doivent se rappeler qu’ils sont la plaque tournante et permettre une collaboration entre les thérapeutes et les familles. C’est ainsi qu’au Brésil, par sa stratégie, Contini E. souligne la place d’un travail en collaboration entre divers thérapeutes. Selon elle, « C’est cette négociation qui ouvre la porte à une conduite thérapeutique efficace où la médiation prend un sens et où on observe un engagement énorme de la famille. C’est la lutte de tous pour la libération du possédé. Notre action ne peut exclure les autres démarches ». (Contini E.1995 : 79).
Pour le peuple Shi, la collaboration rassemble les chefs coutumiers, les féticheurs, les guérisseurs et implique également les guides religieux qui font objet de la troisième catégorie, dite groupe C.
Ils conseillent, éduquent, guident les fidèles et les encouragent. Ils peuvent apporter un jugement ou une orientation selon le cas et le besoin. Par leurs activités diverses, ils remplacent les autres référents. Certains organisent des séances d’exorcisme. Leur discours est centré sur le péché et la bénédiction divine.
Certains enseignent que : « Comme fruit du péché, la maladie mentale est la preuve de la présence de démons dans le corps de l’homme ». La notion de péché est revisitée à toute occasion. Il y a risque de culpabiliser la famille. Ils disent aux familles que : « Si le patient n’est pas responsable de sa malédiction, alors c’est son proche parent ».
À la fin des séances, ils recommandent : la lecture de la Bible, la prière ou incantation à réciter, l’eau et l’huile bénite, port du chapelet, etc.
Regroupés en séance de prière « maombi ou shengero » sous la guidance du « muombaji », nous avions assisté plusieurs fois à des rituels divers :
L’individu cherche à baisser la tension interne, à trouver un équilibre psychique et un réconfort moral, bref une « paix sociale ». Ces pratiques lui permettent de comprendre pourquoi et comment a-t-il attrapé la maladie. L’entourage aura une attitude bienveillante, soutenant envers le malade et/ou sa famille.
Le grand risque est que ces référents détournent la population de s’adresser à des structures sanitaires modernes ou favorisent la discrimination du patient à partir de leurs explications. Il sera considéré comme : « Un Satan, un possédé d’un esprit maléfique, un démoniaque, un pécheur, un désobéissant, un enfant maudit, etc. » Mais la population commence à consulter timidement les hôpitaux dits « modernes » ; cette observation concorde avec les données de Thornicoft Graham concernant les patients présentant un trouble dépressif en Angleterre. (Thorni-coft G. 2009).
Actuellement, une thérapie qui semble convaincante est le recours à l’exorcisme : « La prière » « ma-ombi ». Les religions ont apporté une nouvelle explication à la genèse des troubles mentaux. La notion de péché et de malédiction divine sont évoquées.
Les églises accompagnent leurs adeptes pour rechercher la guérison. Certains patients consultent seulement après avoir eu l’autorisation de leurs référents sociaux.
Le peuple Shi a une organisation socioculturelle particulière. La cause des maladies mentales reste de l’ordre mystique ou surnaturel. Les soins passent par la réconciliation avec l’Être Suprême et/ou le cosmos.
L’arrivée du Christianisme et des religions monothéistes a changé les acteurs, mais pas leurs rôles dans l’explication des troubles mentaux. La maladie mentale est conçue comme punition divine suite au péché. S’il est facile pour les référents et les thérapeutes d’accueillir ou de s’approcher des malades, le contraire s’observe dans la population qui ne veut rien savoir de ces êtres « maudits ».
La dimension spirituelle prime. Les explications tournant autour du mystique et du caractère non-contagieux peuvent changer leur regard. Le vocabulaire local est riche en expressions.
Un groupe de parole, une journée portes ouvertes, un atelier de travail etc., telle qu’en parle Crisp AH. , doit être prise en compte pour essayer d’apporter des explications scientifiques de la maladie mentale et du développement individuel (Crisp
AH. 2001).
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