Dossier

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Cliniques des Afriques 2

Coordonné par  et

Selon une revue systématique d’études parue en 2021 dans PLOS ONE (Jörns-Presentati et al., 202111), un adolescent sur sept présente des difficultés psychologiques importantes en Afrique subsaharienne, avec une forte prévalence de dépression (26,9 %), troubles anxieux (29,8 %), post-traumatiques (21,5 %), émotionnels et comportementaux (40,8 %). Cela semble accentué également par les mauvaises conditions de vie et par la prévalence d’autres troubles, comme le VIH/Sida ou plus récemment le Covid-19. Ces études, essentiellement épidémiologiques, permettent de porter un regard sommaire sur la situation actuelle puisqu’elles se limitent seulement à 16 pays, et mettent surtout en exergue les difficultés à collecter des données de santé mentale dans la plupart des pays d’Afrique. Elles posent cependant quelques questions intéressantes : le rôle de la stigmatisation comme obstacle pour aller vers les soins, parfois inscrite dans des lois héritées de la colonisation qui attentent aux droits des personnes souffrant de troubles mentaux (comme au Nigéria avec la « lunacy act »), ainsi que le manque de volonté politique et de moyens mis en œuvre. Cela amène les professionnels de santé à faire preuve de créativité, prendre en compte les réalités du terrain et s’appuyer sur les réseaux communautaires afin de mettre en place des modalités d’intervention adaptées aux difficultés qu’ils rencontrent, que ce soit auprès des familles, des écoles et des centres de soins préexistants.

Celles et ceux qui parlent le mieux des transformations à l’œuvre dans le champ de la psychiatrie et de la santé publique en Afrique de l’Ouest et du Centre sont avant tout les soignants et acteurs de longue date qui se trouvent engagés au quotidien sur le terrain. Cela nécessite de passer par des études qualitatives et cliniques, au plus près du terrain, prenant en compte les spécificités et les différents contextes inhérents à chacun des pays d’Afrique subsaharienne étudiés.

Suite à notre précédent dossier qui mettait à l’honneur les chercheurs et les cliniciens d’Afrique de l’Ouest et du Centre (L’autre n°22.3, 2021), notre rédaction a eu le privilège de pérenniser ces échanges et de les élargir, en comptant notamment nos collègues universitaires du Sénégal, du Cameroun, de République démocratique du Congo ou du Togo parmi nos experts dans le processus de relecture de ce nouveau cycle d’articles. En ouvrant à nouveau nos pages dans le cadre d’un dossier spécifique à nos collègues du Togo, du Sénégal, du Mali ou de la République de Guinée, nous choisissons de mettre en avant des expériences pionnières et des réflexions cliniques à l’intersection de plusieurs modèles de références. Ainsi, en partant de l’expérience des populations concernées mais aussi des évolutions à l’œuvre dans les pratiques institutionnelles, ces articles rendent compte des mutations en cours, des ponts jetés entre les différentes pratiques et des lignes de fractures qui apparaissent.

  1. Jörns-Presentati A, Napp AK, Dessauvagie AS, et al. PLoS One.16(5):e0251689 (2021)