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© Sunny Ripert,Tissage. Source (CC BY 2.0)

La place du corps dans le contre-transfert en clinique du traumatisme

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Alicia LANDBECK

Alexandra LAURENT

Justine CESARI

Justine Cesari est doctorante en psychologie clinique et psychopathologie, Laboratoire de psychologie de Besançon, EA3188.

Rose-Angélique BELOT

Rose-Angélique Belot est professeure des Universités - Psychologie clinique et Psychopathologie et Psychologue Clinicienne Laboratoire de Psychologie UR3188 - Université de Franche-Comté, Besançon.

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Pour citer cet article :

Landbeck A, Laurent A, Cesari J, Belot R.-A. La place du corps dans le contre-transfert en clinique du traumatisme. L’autre, cliniques, cultures et sociétés, 2024, volume 25, n°1, pp. 100-112

DOI : https://doi.org/10.3917/lautr.073.0100

Lien vers cet article : https://revuelautre.com/articles-originaux/la-place-du-corps-dans-le-contre-transfert-en-clinique-du-traumatisme/

La place du corps dans le contre-transfert en clinique du traumatisme

La prise en charge des enfants impactés par des évènements traumatiques dans un contexte d’aide internationale nécessite de penser de nouveaux dispositifs d’accompagnement. Le thérapeute est confronté à une clinique du traumatisme qui s’inscrit dans des temps précoces ou archaïques. Les dispositifs mis en place sont le théâtre et l’origine de remaniements qui dépendent de son engagement et de ce qu’il suscite dans la rencontre. Dans le cadre d’une recherche menée au Cambodge, un dispositif a été mis en place auprès d’enfants victimes de violences en s’étayant sur le concept d’enveloppes psychiques et sur la base de médiations thérapeutiques. Lors de ces rencontres, le corps du clinicien et de l’interprète ont été fortement mobilisés au travers des effets transféro-contre-transférentiels. Ceux-ci se retrouvent à la fois dans une forme d’écho sensoriel et sensori-moteur, une fonction miroir, avant d’ouvrir sur une secondarisation possible, ce qui permet d’accéder à un étayage nécessaire à l’élaboration des vécus traumatiques.

Mots clés : agression sexuelle, Cambodge, contre-transfert, corps, dessin, fille, lecture, médiation thérapeutique, psychothérapeute, traumatisme psychique.

The place of the body in counter-transference in trauma therapy

Caring for children affected by traumatic events in the context of international aid requires new ways of providing support. The therapist is confronted with a trauma clinic that is part of early or archaic times. The systems put in place are the scene and origin of changes that depend on the therapist’s commitment and what he or she brings to the encounter. As part of research carried out in Cambodia, a system was set up with child victims of violence, based on the concept of psychic envelopes and on therapeutic mediation. During these encounters, the clinician’s and interpreter’s bodies were strongly mobilised through transference-counter-transference effects. These are found in a form of sensory and sensorimotor echo, a mirror function, before opening up to a possible secondarisation, which allows access to the support necessary for the elaboration of traumatic experiences.

Keywords: body, Cambodia, counter-transference, drawing, girl, psychological trauma, psychotherapist, reading, sexual assault, therapeutic mediation.

La movilización del cuerpo en la contratransferencia en la clínica traumatológica

La atención a Los niños afectados por acontecimientos traumáticos en el contexto de la ayuda internacional requiere nuevas formas de prestar apoyo. El terapeuta se enfrenta a una clínica del trauma que forma parte de tiempos antiguos o arcaicos. Los sistemas puestos en marcha son el escenario y el origen de cambios que dependen del compromiso del terapeuta y de lo que aporte al encuentro. En el marco de una investigación llevada a cabo en Camboya, se puso en marcha un sistema con niños víctimas de violencia, basado en el concepto de envoltura psíquica y en la mediación terapéutica. Durante estos encuentros, los cuerpos del clínico y del intérprete se movilizaron fuertemente a través de efectos de transferencia-contratransferencia. Éstos se encuentran en una forma de eco sensorial y sensoriomotor, una función de espejo, antes de abrirse a una posible secundarización, que permite acceder al apoyo necesario para la elaboración de las experiencias traumáticas.

Palabras claves: agresión sexual, Camboya, contratransferencia, cuerpo, dibujo, lectura, mediación terapéutica, niña, psicoterapeuta, trauma psicológico.

Sur les terrains de l’aide internationale, les situations rencontrées relèvent souvent de grande précarité et de violences. Les impacts psychiques peuvent être conséquents et appartenir à une clinique de l’extrême. Pour les enfants principalement, la question de leur accompagnement est importante et porte sur des processus primaires et archaïques très présents qui renvoient aux temps précoces de la construction psychique. La dimension sensorielle y est prégnante et les premières formes de représentations peuvent s’exprimer à travers des manifestations corporelles spécifiques. La situation de Soriya nous permettra de questionner et d’illustrer les spécificités de la place du corps dans l’accompagnement de ces enfants victimes de sévices et pris en charge au sein des ONG. Nous aborderons également l’engagement particulier du clinicien dans ces dimensions corporelles et sensorielles et les émergences transféro-contre-transférentielles qui en résultent.

La dimension corporo-psychique du traumatisme

Dans la littérature, le traumatisme psychique se caractérise par le débordement des capacités psychiques du sujet face à la survenue d’un évènement extrême engendrant une panne des processus de symbolisation. Le sujet ne peut élaborer cette expérience, qui fait alors effraction dans l’espace psychique (Freud, 1920 ; Lebigot, 2011). Dans les situations traumatiques, c’est la subjectivité même du sujet qui est touchée, ainsi que son organisation psychique. Lorsque ces situations extrêmes engendrent un vécu de détresse et d’impuissance, celles-ci s’inscrivent dans des formes que Roussillon (2004) qualifie de « dégénérées » et de « déshumanisées ». Pour les enfants, les formes graves de négligence au sein de ces relations auraient un impact traumatique similaire aux formes dites actives de mauvais traitements, tels que la violence physique ou les abus sexuels et s’inscriraient également dans la chronicité (Bonneville-Baruchel, 2018 ; Bonneville-Baruchel et al., 2016). Les traumatismes de l’enfance pourraient ainsi se retrouver à la fois du côté des actes violents et du côté des premiers temps de la relation entre le bébé et son environnement, des traumatismes en « négatif »  (Calamote, 2014 ; Green, 1993) qui se caractérisent par leur inscription dans des temps précoces. Ils s’inscrivent alors dans et par un environnement incapable de répondre aux besoins de l’enfant et/ou vecteur de violence. La formule « on abandonne (bien) un bébé » (Bentata, 2018) renvoie alors à l’absence et l’indisponibilité psychiques maternelles, ayant un impact similaire à un abandon effectif, s’inscrivant également dans ce que Green (1993) décrit comme la « mère morte » et la clinique du négatif. La répétition de situations de stress extrême suscitées par ces séquences relationnelles défaillantes engendre chez l’enfant la mise en place de défenses psychiques particulièrement coûteuses. La nécessité de maintenir ce fonctionnement défensif peut survenir dans les effets transfero-contre-transférentiels et entrave le lien à autrui. Ferenczi évoque une « commotion psychique » où le Moi du Sujet subirait les impacts traumatiques dont les conséquences se retrouveraient dans des lésions du Moi que la libido tenterait de venir colmater. Le sujet présenterait des « dispositions traumatophiliques » où les éléments traumatiques viendraient se répéter dans des moments de compulsion de répétition ainsi que des cauchemars (Ferenczi, 1934, p. 84). Le sens mis à cette dimension symptomatologique est alors celui de la maîtrise de l’expérience, avec également une visée de « guérison » : le sujet va investir davantage les organes sensoriels et développer une attention plus accrue. La dimension sensorielle du traumatisme est davantage mise en avant, dans une dimension d’après-coup, par un surinvestissement des dimensions auditives, olfactives ou kinesthésiques (Ferenczi, 1934). Les dimensions sensorielles et perceptives restent au cœur de ces considérations cliniques, par des conduites autolytiques inscrites dans un éprouvé sensoriel telles que des mutilations ou des scarifications ou bien encore à travers une hypotonie ou une hypertonie musculaire, ancrées dans un évitement du contact corporel (Bessoles, 2012). Elles constituent, selon Bessoles (ibid.) un ultime recours à la conservation d’un positionnement subjectif : mourir pour ne pas disparaître. Pour Bessoles (ibid.), renvoyant à la possibilité de relier les éléments psychiques entre eux de manière construite, le « codage iconique » apparait alors comme le seul travail psychique réalisable. Dans ce cas, des images à l’état brut et saturées en sensorialité (c’est-à-dire en lien avec des imagos olfactifs, kinétiques, visuels, cénesthésiques…) s’inscrivent dans la psyché et leur réactualisation conduit à des désorganisations somato-psychiques graves. L’enfant, sans l’investissement suffisant de ses limites corporo-psychiques, ne peut se figurer comme Soi, ni intérioriser les soins. Les limites de la peau, les limites corporelles ne sont, de ce fait, pas intégrées dans leur équivalent de peau psychique et de structures limitantes. Les angoisses renvoient, quant à elles, à des angoisses d’écoulement ou de morcellement contre lesquelles l’enfant va se protéger. Les défenses mises en place sont de l’ordre de l’archaïque, afin de faire face au débordement d’angoisse et d’excitations que l’enfant ne peut traiter du fait des impacts psychiques du traumatisme et de l’entrave au développement de sa vie psychique (Bonneville, 2010 ; Mellier, 2003). Ces défenses peuvent se traduire par un collage à l’environnement ou encore le gel et l’évitement, empêchant l’enfant d’investir suffisamment une activité exploratoire. Le corps n’est alors pas un corps de lien, en lien, défini et délimité comme limite de soi. Le statut psychique de l’éprouvé proprioceptif est ici questionné quant à l’appréhension de l’image du corps, du corps et du soi corporel (Bonneville-Baruchel et al., 2016).

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