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Enfant de mauvais augure

À propos d’un enfant burundais suivi en pédopsychiatrie

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Aminata TEMBELY

Aminata Tembely est psychiatre au PMPEA du CHS George Sand de Bourges.

Modi Baba TEMBELY

Modi Baba Tembely est psychiatre addictologue au CHS George Sand de Bourges.

Alain VERNET

Alain Vernet est psychologue, assistant de pôle au PMPEA du CHS George Sand de Bourges, membre du conseil d’orientation de l’ERERC et professeur associé à la Faculté de Tours.

Angelus NINDEREYE

Angelus Nindereye est psychiatre au CHU de Fann à Dakar.

Komi AGBOLI

Komi Agboli est psychiatre, praticien hospitalier au CHS George Sand de Bourges.

Marie Eve SARAÏS

Marie Rose MORO

Marie Rose Moro est pédopsychiatre, professeure de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent, cheffe de service de la Maison de Solenn – Maison des Adolescents, CESP, Inserm U1178, Université de Paris, APHP, Hôpital Cochin, directrice scientifique de la revue L’autre.

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Pour citer cet article :

Tembely A, Tembely M B, Vernet A, Nindereye A, Agboli K, Saraïs ME, Moro MR. Enfant de mauvais augure. À propos d’un enfant burundais suivi en pédopsychiatrie en France. L’autre, cliniques, cultures et sociétés, 2020, volume 21, n°2, pp. 178-186


Lien vers cet article : https://revuelautre.com/articles-originaux/enfant-de-mauvais-augure/

Enfant de mauvais augure: à propos d’un enfant burundais suivi en pédopsychiatrie en France

Au Burundi et plus généralement dans les pays d’Afrique, il peut arriver que père et fils n’aient pas le même nom. Le nom est choisi par le devin-guérisseur avant la naissance, en fonction de plusieurs facteurs, tels que la famine, la guerre, les circonstances de la conception et bien d’autres. A travers une situation clinique, nous essaierons de comprendre quel impact ces nominations peuvent avoir sur l’avenir de l’individu sans pour autant considérer que ce déterminisme, pour important qu’il soit, ait un caractère absolu.

Mots clés : Afrique, Burundi, cas clinique, culture, enfant, ethnopsychiatrie, migrant, nom, pédopsychiatrie, prénom.

An ill-fated child: A Barundi child followed in paedo-psychiatry consultation in France

In Burundi and more generally in various countries in Africa, it can happen that father and son do not to have the same name. The name is chosen by the diviner-healer before birth, depending on different factors, such as famine, war, the circumstances of conception and many others. Using a clinical situation, we will try to understand what impact these naming traditions can have on the future of the individual, bearing in mind that this determinism, while important, is not absolute.

Keywords: Africa, Burundi, child, clinical case, culture, ethno-psychiatry, given name, migrant, name, paedo-psychiatry.

Niño de mal agüero: sobre un niño burundiano paciente de psiquiatría infantil en Francia

En Burundi y en general, en los países africanos, puede suceder que un padre y su hijo no tengan el mismo apellido. Éste es elegido por el curandero-adivino antes del nacimiento, dependiendo de varios factores, como la hambruna, la guerra, las circunstancias de la concepción y muchos otros. A través de una situación clínica, trataremos de comprender qué impacto pueden tener las apelaciones escogidas en el futuro del individuo, sabiendo con pertinencia que este determinismo, por muy importante que sea, no tiene un carácter absoluto.

Palabras claves: Africa, apellido, Burundi, caso clínico, cultura, etnopsiquiatría, migrante, niño, nombre, psiquiatría infantil.

Certains anthropologues, comme Claude Lévi-Strauss ou Georges Dumézil, ont établi qu’il existait un certain nombre de structures narratives de base, que l’on pourrait retrouver dans toutes les civilisations et qui, structurant les constructions mythologiques, les récits fondateurs de certaines civilisations et institutions sociales, seraient susceptibles, selon un mécanisme identique, de construire des romans familiaux. Elles déterminent des trajectoires individuelles ou des destins singuliers, inscrivant à travers un processus de désignation (comme le font et le sont le nom et le prénom) tout un processus d’engendrement : induisant des conduites, des comportements, mais aussi des psychopathologies particulières. Ces mécanismes invisibles, chargés d’un sens et de significations, sont importants à décrypter, à décoder, à rendre visibles, afin d’y appliquer un logos1, de quelque nature qu’il soit, qui permette de passer du réel au symbolique, ou bien de substituer un logos à un autre.

Nommer, c’est designer l’autre, appliquer sur l’autre un logos qui est déjà une manière de sélection, susceptible de déterminer et de reconnaître, soutenir, mais aussi nier l’humanité en l’autre. Cette nomination porte en elle tout un passé, une histoire, et aussi un futur, qui se cristallisent suite à une annonce, agissant alors comme un révélateur. Le plus bel exemple est en quelque sorte l’histoire d’Œdipe, dont le nom même, qui signifie pieds gonflés, traduit tout le poids du destin. Il est exposé à l’aléa divin2 suite à la révélation d’un oracle à son père Laïos et à sa mère Jocaste ; mais Œdipe porte aussi tout le poids d’une faute préalable de son père Laïos. Il est inscrit dans un schéma narratif inextricable, qui l’englue et l’enferme et qui se poursuivra à travers ses enfants : ses fils qui s’entretueront et Antigone qui en mourra. La mort d’Antigone, par le mot « non » prononcé, énonçant et affirmant finalement le refus du destin, constituera un antidestin, donc une substitution de logos. Nous pouvons retrouver des schémas identiques dans d’autres cultures. Dans la société occidentale, aux mobilités de populations de plus en plus importantes, il importe également d’y être attentif, afin de percevoir et d’analyser ces mécanismes narratifs. C’est l’objet de l’étude proposée, réalisée à partir de consultations d’enfants migrants.

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  1. Le logos est un mot grec signifiant « parole », « discours ». Par extension, il désigne une forme de rationalité, qui donne sens, orientation, explication au monde, et donc aux situations concrètes rencontrées, les réduisant à des concepts qui ont pour objectif de leur donner une cohérence logique. C’est une manière de mettre en perspective, et de fournir une interprétation. C’est aussi construire le réel par du langage, et donc sélectionner ce qui devient un énoncé.
  2. Abandonné aux circonstances ; s’il meurt, c’est que les Dieux l’ont voulu ; s’il vit, c’est qu’il est devenu un Alexandre (sauvé par les Dieux).