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Note de terrain

© Bilal Bin Saeed under His umbrella? Source (CC BY 2.0)

Survivre sous le régime des talibans : témoignages de femmes afghanes (II)

Lamia ABDULLamia Abdul est pédo-psychiatre, cheffe de clinique-assistante, Université de Paris, Maison de Solenn, Maison des adolescents de l’Hôpital Cochin (service de la Pr Marie Rose Moro), APHP.

Abéccasis, E., Badinter, E., Banon, T., Benkemoun, B., Colombani, M.-F., Fourest, C., Frèche, E., Hachemi, C., Khan, R., Sifaoui, M., Sthers, A., & Zimerai, F. (2021). Toutes afghanes. Éditions de L’Observatoire.

Anvar, L. (2022). Le cri des femmes afghanes. Ed. Bruno Doucey.

Bennabi Bensekhar, M., & Moro, M. R. (2022). Guérir des traumas de la guerre. La pensée Sauvage

Abdul L. Survivre sous le régime des talibans : témoignages de femmes afghanes (II). L’autre, cliniques, cultures et sociétés, 2023, volume 24, n°1, pp. 126-131

1ette mini-série d’articles est consacrée à ces femmes afghanes dont les voix trouvent mille et une autres façons de se faire entendre.  Nous avons recueilli le témoignage de quatre d’entre elles. Dans ce deuxième témoignage, la voix de Benafsha nous éclaire sur le vécu d’une femme et mère afghane.

Avant de lui donner la parole nous souhaitions vous donner des nouvelles de Mehrana qui a témoigné dans le premier article de cette mini-série. Jeune étudiante en droit et militante pour le droit des femmes, elle avait été emprisonnée et battue par les talibans. Souffrant d’un syndrome post-traumatique, elle ne pouvait plus sortir de son domicile. En octobre 2022, lors d’un de nos échanges téléphoniques elle nous apprend que par l’intermédiaire d’un programme allemand dédié au secours des femmes afghanes en danger en Afghanistan, elle et sa famille sont à présent en sécurité en Allemagne, avec la possibilité de poursuivre ses études et sa vie de femme.

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Une régression sociétale, des parents meurtris et des enfants en danger

Benafsha a 35 ans.  Mariée, mère de trois enfants (un garçon de 14 ans, Sultan et deux filles, Homaira et Tahmina, de 11 et 9 ans), elle est diplômée de l’école de journalisme de l’Université de Balkh, diplôme qu’elle a obtenu en 1397 (1997) sous le premier régime taliban.  Elle vit actuellement à Mazar-e-Sharif avec sa famille et ses parents. Son mari est le seul à pouvoir encore travailler comme enseignant dans un lycée. Cette mère nous a été présentée par les associations afghanes d’Europe qui connaissent bien sa participation active aux campagnes de vaccination pour les enfants.

Lors de notre entretien, Benafsha est très inquiète, elle décrit une situation économique et humanitaire catastrophique sans précédent dans le pays : « À partir du 15 août 2021, des milliards de dollars d’aide internationale ont été retirés, les fonds dans les banques ont été gelés, l’économie s’est effondrée, les prix des denrées alimentaires ont explosé ».

Cette mère considère qu’elle et sa famille sont parmi les plus chanceux dans la situation actuelle du pays car son mari travaille, ce qui lui permet de percevoir un salaire minimum pour se nourrir. Elle reste néanmoins très affectée par la pauvreté extrême que vivent ses voisins et les familles autour d’elle. « La crise économique a entraîné 50 % des familles dans la pauvreté ! », s’exclame-t-elle. D’après un rapport de l’Unicef, aujourd’hui en Afghanistan près de 10 millions d’enfants survivent grâce à l’aide humanitaire, 1 million d’enfants souffrent de malnutrition sévère et pourraient succomber rapidement sans traitement approprié. Près de 4.2 millions d’enfants sont privés d’école dont plus de 2.2 millions de petites filles. « Cette pauvreté met des milliers de parents face à des dilemmes déchirants.  Ils sont forcés, pour nourrir leurs enfants, de vendre l’un d’entre eux, d’en marier une autre avant l’âge de 14 ans et d’envoyer les autres dans la rue pour travailler ». En août 2022, un an après l’arrivée des talibans, l’étude « Save the Children2 » rapporte que près de 80 % d’enfants ont répondu avoir dormi le ventre vide nuit après nuit les 30 derniers jours. Benafsha s’inquiète : « Nous connaissons l’effet dévastateur de la malnutrition sur la santé physique et psychique de nos enfants ». D’ailleurs cette même étude rapporte que 26 % des filles manifestent des signes de dépression, 27 % des signes d’anxiété contre respectivement 16 % et 18 % de garçons. L’une des raisons évoquées par une majorité de filles est la restriction à l’éducation et l’absence d’activité en dehors de la maison.

« Cette période sombre que nous vivons en Afghanistan me rappelle la période noire des Quraichi3 il y a 1500 ans. Ce peuple d’ignorants commettait toutes sortes de crimes contre les femmes et les petites filles jusqu’à enterrer vivantes les nouveau-nées. Je suis témoin de ces situations horrifiantes aujourd’hui, en 2022. En tant que parent c’est insoutenable car il s’agit des enfants de mes voisins, de ma famille proche et plus éloignée qui avaient l’habitude de jouer et d’aller à l’école avec les miens. C’est une crise effroyable pour les droits des enfants ».  Cette catastrophe a également été constatée par les Nations Unies qui ont comptabilisé plus de
2 000 violations graves aux droits des enfants seulement six mois après l’arrivée au pouvoir des talibans.

L’illettrisme et l’ignorance : des armes de guerre pour une soumission totale

Lorsque nous abordons l’évolution de la condition de la femme en Afghanistan depuis le 15 août 2021, elle décrit surtout les restrictions qui s’alourdissent : « Les femmes et les filles sont toujours soumises à une restriction de leurs droits fondamentaux. Selon l’ONU, les progrès en matière d’égalité des sexes et de droits des femmes ont été littéralement balayés dans le pays ». Pour appuyer ses propos, Benafsha nous lit un passage du discours de la représentante adjointe ONU-Femmes en Afghanistan, Mme Alison Davidian qui écrit que « l’Afghanistan est le seul pays au monde où les filles n’ont pas le droit d’aller au lycée […]. Il n’y a pas de femmes ministres, ni même de ministère à la Condition féminine, ce qui supprime de fait le droit des femmes à la participation à la vie politique ».

Benafsha nous explique plus concrètement que cette dernière année le gouvernement taliban a remplacé le ministère des Droits des femmes par le ministère de la Propagation des mœurs et la prévention du vice. Plus récemment la Commission indépendante des droits de l’homme d’Afghanistan a été abolie. Pour cette journaliste, ces décisions reflètent bien le projet des talibans d’amputer le pays de la force de la moitié de ses citoyens. Mais le cauchemar qui la hante jour et nuit est la privation brutale d’éducation pour ses filles. Benafsha nous explique que « la fermeture le 24 mars 2022 des écoles secondaires pour filles dans de nombreuses régions a privé des centaines de milliers de filles et de jeunes femmes afghanes de toute possibilité de suivre une scolarité. Cet ordre avait été donné par les talibans seulement une heure après la réouverture des établissements scolaires, laissant un vif souvenir chez la plupart des jeunes adolescentes que je connais ». Benafsha explique qu’« aujourd’hui, les filles vont toujours à l’école primaire et, jusqu’ici, les étudiantes peuvent fréquenter l’université, même si les cours y sont non mixtes ». Mais elle ajoute : « Pour la génération de jeunes filles dont mes filles font partie, sans diplôme d’études secondaires, elles ne pourront pas passer les examens d’entrée à l’université. Les promotions actuelles d’étudiantes du supérieur pourraient être les dernières du pays dans un avenir proche. Mais quel plan sordide ont-ils en tête pour nos enfants ? », s’interroge cette mère à juste titre puisque quelques mois plus tard, le 20 décembre 2022, les universités d’Afghanistan ont été interdites aux jeunes femmes. La raison de cette interdiction invoquée par le ministre taliban de l’Enseignement supérieur est que ces femmes ne « respectaient pas le code vestimentaire ». Celui-ci a alors ordonné à toutes les universités publiques et privées d’empêcher les étudiantes de suivre des cours pour une durée indéterminée.

Cette nouvelle atteinte aux droits des femmes a été un choc pour de nombreuses jeunes afghanes déjà exclues des écoles secondaires à la suite du retour au pouvoir des talibans en Afghanistan en août 2021.

Benafsha pense que les talibans ont pour dessein de soumettre les afghans à leur tyrannie en les replongeant dans l’illettrisme et l’ignorance : « Il est plus simple d’asseoir la dictature sur une future génération d’illettrée sans esprit critique que sur des jeunes gens éduqués capables de penser par eux-mêmes ».

Un arrêt de l’éducation pour les filles, non justifié par l’islam

Selon les érudits religieux, rien dans l’islam ne justifie l’interdiction de l’enseignement secondaire pour les filles. L’éducation est un droit inaliénable dans l’islam, pour les hommes comme pour les femmes. Rahimullah Haqqani4 explique à la BBC : « Il n’y a pas de justification dans la charia pour interdire l’éducation aux femmes. Il n’y en a aucune. Tous les livres sacrés ont statué que l’éducation des femmes est admise et obligatoire ». D’après Benafsha, l’explication officielle de l’arrêt du secondaire, avancée depuis le début, est qu’il s’agit d’une « simple question logistique », et que « les filles reprendront le chemin des collèges et lycées dès qu’un programme établi sur les règles islamiques sera défini. Or, cela fait un an que les jeunes filles sont privées d’éducation. Et les talibans ne semblent pas disposés à donner de calendrier ». Depuis un an, d’autres fatwas5 similaires ont été émises par des religieux dans certaines provinces, symboles que le soutien à l’éducation des femmes est répandu même dans certains cercles conservateurs. Benafsha et son mari nous confient que la question a divisé le mouvement de l’intérieur. « Selon des sources internes, une faction radicale qui conseille le chef suprême des talibans, Hibatullah Akhundzada, s’oppose à toute scolarisation des filles, ou au mieux, souhaite qu’elle soit limitée aux études religieuses et aux cours pratiques tels que la cuisine et la couture ».

Vers « une génération de filles sacrifiées » ?

Pour le chercheur Abdul Bari Madani, « Si cette interdiction continue, l’Afghanistan retournera à l’époque médiévale (…) Une génération entière de filles sera sacrifiée ». Benafsha et des milliers de parents partagent cette inquiétude mais elle se refuse, nous confie-t-elle, d’envisager un avenir de soldat taliban destiné à un attentat suicide pour son fils Sultan et de femmes illettrées et soumises pour ses deux filles Homaira et Tahmina. « Il en est hors de question ! », reprend-elle en colère. Les mères afghanes ont également peur pour l’avenir de leurs fils. Ainsi Benafsha nous dit que « si les réformes dont parlent les talibans s’appuient sur l’interprétation erronée et unilatérale que nous leur connaissons, alors nos fils seront destinés à devenir de futurs soldats talibans voués à commettre des actes terroristes, des attentats suicides dans les capitales européennes. C’est une peur qui nous habite en tant que parent. Nous savons bien que sans le savoir et la culture, nos enfants ne peuvent pas apprendre à avoir un esprit critique ni acquérir une ouverture d’esprit et une tolérance en tant que citoyen du monde. Aujourd’hui, ce sont les enfants afghans qui sont face à ce danger mais demain, qui peut prédire la sécurité des enfants au-delà des frontières afghanes ? ». Benafsha poursuit : « L’échec de notre bataille pour l’éducation de nos enfants aujourd’hui en Afghanistan pourrait se traduire par l’échec d’un monde en paix demain pour tous les enfants. Pour asseoir leur pouvoir dans le pays et continuer « leur djihad » il leur faut de futurs soldats et j’ai peur que ce ne soit le sort réservé à nos enfants ».

Des manières créatives d’enseignement pour contourner le crime d’apprendre : une résistance sans armes

Entre l’exil ou le désespoir, Benafsha et son mari ont choisi une troisième voie : la résistance. Benafsha nous raconte qu’ils ont commencé à faire l’école à la maison pour leurs trois enfants les premiers mois après le chaos du mois d’août 2021. Son mari étant enseignant, il lui était alors aisé de se procurer le matériel nécessaire. Mais le 23 mars 2022, après l’annonce de l’interdiction d’éducation pour les filles, ils ont vu couler les larmes sur les joues de Homaira et Tahmina. En voyant les visages tristes de ses filles cette mère a su qu’elle devait faire quelque chose. Cette femme journaliste se souvient qu’elle a failli elle-même voir ses études sacrifiées, quand elle a été forcée de les arrêter lors de la première prise de l’Afghanistan par les talibans de 1996 à 2001. Ils avaient alors interdit la scolarisation de toutes les filles. Mais elle a obtenu son diplôme en 1997. Ces femmes qui se sont battues un jour pour leur propre éducation se retrou-vent aujourd’hui contraintes à se battre de nouveau pour l’éducation de leurs filles.

Avec le soutien de son mari, elle a organisé le matériel pour pouvoir enseigner à plusieurs niveaux et même préparer une classe de douze jeunes filles au concours d’entrée à l’Université.

Benafsha sait qu’elle n’est pas seule dans cette bataille. Dans un pays où apprendre devient un crime, les jeunes gens éduqués, femmes et hommes s’organisent pour continuer à transmettre leurs connaissances aux jeunes filles. Dans de nombreuses maisons à la périphérie des villes, des enseignantes dirigent des classes clandestines. Des cours s’organisent, un emploi du temps se met en place en parallèle des cours coraniques obligatoires pour tous. Le chemin vers l’école et l’éducation se réinstaure à l’insu des talibans. Benafsha constate que « la prise de conscience de l’importance de l’éducation pour tous occupe davantage les esprits des afghans depuis que les talibans ont fait de l’éducation des jeunes filles un crime ».

Chaque jour, avant d’aller dans les écoles secrètes enseigner, ces enseignantes et enseignants clandestins embrassent leurs propres enfants en espérant que ce ne sera qu’un baiser d’au revoir et non d’adieu. C’est la peur de perdre une génération qui a poussé de nombreux hommes et femmes éduqués comme Benafsha à prendre des risques en osant défier la loi oppressive des talibans. Dans cette lignée de résistants, Hamida Aman, entrepreneuse de médias afghane, a lancé le 8 mars 2021 Radio Begum, une radio « faite par les femmes pour les femmes ». Dans les programmes, les cours radiophoniques occupent désormais une place majoritaire. Ces cours permettent de suivre les programmes d’enseignement à domicile. Nous pouvons entendre derrière le professeur des bruits de stylos qui griffonnent des pages qui se tournent. Tout est pensé pour que les auditeurs puissent s’imaginer une atmosphère de classe en présentiel.  Cette initiative s’inscrit dans le désir de trouver des manières créatives pour continuer à enseigner.

La rage, le dégoût, la colère mais aussi le courage et l’espoir de jours plus libres pour les enfants sont les ingrédients de la résistance de ces femmes afghanes.

Les jeunes filles défient les talibans en s’instruisant

En dépit des risques et parce que la soif d’apprendre reste intacte, d’autres jeunes adolescentes de la famille proche se mobilisent pour rejoindre Homaira et Tahmina à leur domicile pour étudier. « Très vite, beaucoup de parents comprennent que l’éducation de nos enfants, surtout celle de nos filles, devient notre drapeau de résistance. Une « arme molle » pour lutter contre l’illettrisme de nos jeunes filles, contre l’obscurantisme imposé par les fanatiques ». Révoltée, Benafsha nous dit : « Nous ne laisserons pas nos petites filles devenir des femmes illettrées. Nous leurs enseignerons le savoir à l’intérieur de nos maisons puisque c’est là qu’ils ont décidé de les enfermer ». Cette mère a décidé de ne pas laisser les combattants des ténèbres décider de l’avenir de ses enfants. En tant que mère, elle souhaite préserver le rêve de ses enfants, de pouvoir un jour choisir leur place et leur profession dans une société mixte. « Les livres ouvrent une porte sur un autre monde, un monde plus beau, plus lumineux. Cela met en tension, comme un opposé, la vision unilatérale et sans nuances des talibans. Les enfants ont le droit de voir, de toucher et de sentir la beauté de ce monde », nous dit Benafsha. Elle poursuit : « Les 20 dernières années ont permis une avancée significative dans le domaine de l’accès à l’éducation des filles. Il est vital que ces progrès se poursuivent d’une manière ou d’une autre ». Benafsha encourage et enseigne l’importance de la liberté d’expression à ses élèves.  Pour se rendre en classe, ces jeunes filles prennent également des risques et quittent souvent leur maison des heures plus tôt, empruntant des itinéraires différents pour éviter d’être remarquées par les talibans. Mais l’arrivée de l’hiver en Afghanistan et les prévisions de l’Unicef sont dramatiques, en termes de besoins d’aide humanitaire pour les enfants et les femmes en cet hiver 2022. Benafsha pense d’ores et déjà aux difficultés que ses élèves résistants, tout comme les millions d’enfants afghans qui ne survivent que grâce aux aides humanitaires, vont devoir braver pour continuer à venir s’instruire. Les aides humanitaires sont actuellement ciblées sur l’alimentation, la vaccination et le logement. L’absence d’éducation pour les jeunes filles ne semble pas faire partie des préoccupations des organisations mondiales constate Benafsha, qui par ailleurs participe activement aux campagnes de vaccination organisées par les différentes organisations non gouvernementales. « La nourriture de l’esprit aide à mieux vivre les moments les plus difficiles, c’est indispensable », déclare-t-elle.

Benafsha, tout comme les jeunes gens éduqués qui se battent pour l’éducation des jeunes filles, soutient que la solution ne peut pas être trouvée seulement par les afghanes et les afghans. La solution se trouve dans les bureaux de nos dirigeants politiques mondiaux. Des vies d’enfants seront perdues et davantage de garçons et de filles perdront leur enfance à cause du travail, du mariage et des violations des droits si l’ampleur de cette catastrophe n’est pas reconnue et si des actions ne sont pas programmées.

Conclusion

La prise de pouvoir des talibans en Afghanistan il y a un an a privé des centaines de milliers de filles et de jeunes femmes de toute chance d’éducation. Mais la résistance s’organise et des salles de classe clandestines voient le jour. Depuis des mois, l’ONU exhorte les talibans à changer de cap et à supprimer les restrictions à la liberté de mouvement des femmes afghanes, à ouvrir des écoles secondaires pour les filles et à garantir un enseignement de qualité, sans discriminations. Les talibans avaient promis d’aller en ce sens, ils ont finalement fait volte-face. Les jeunes gens éduqués de l’Afghanistan continuent à instruire les filles afghanes en faisant preuve de créativité tout en défiant le régime oppressif des talibans, considéré comme l’ennemi de la culture et du savoir. Continuer à transmettre un certain savoir est une façon de continuer à se battre dans le présent et à se projeter dans le futur. L’éducation, le savoir et la culture sont les dernières branches auxquelles s’accrochent les afghans pour sauver leurs filles et la place de la femme dans les années à venir. Aujourd’hui les femmes afghanes éduquées ont pris conscience de leur rôle de transmission du savoir envers leurs filles. Les filles et les femmes afghanes ont longtemps été mises au second plan dans cette société patriarcale. Or, l’arrivée des talibans et la privation des libertés des femmes semblent avoir aidé à la prise de conscience de la nécessité d’attribuer aux femmes un statut égal à celui de l’homme.

  1. C
  2. Les données et les informations contenues dans le rapport proviennent d’une évaluation de Save the Children réalisée en juin 2022 et d’une consultation d’enfants en mai 2022. L’évaluation et les consultations ont été menées à Balkh, Faryab, Sar-e-Pul, Jawzjan. Save the Children’s report, Breaking point : Life for children one year since the Taliban takeover, available at https://resourcecentre.savethechildren.net/document/breaking-point-childrens-lives-one-year-under-taliban-rule/ ).
  3. Quraishi : Communauté de la péninsule arabique où est né le Prophète Mohammed.
  4. Rahimullah Haqqani : un cheikh afghan connu pour soutenir les talibans et pour son opposition à Daech.
  5. Dans la religion islamique, consultation juridique donnée par une autorité religieuse à propos d’un cas douteux ou d’une question nouvelle ; décision ou décret qui en résultent.
Résumé

Survivre sous le régime des talibans. Témoignages de femmes afghanes (II)

Le 14 avril 2021, les gouvernements des États-Unis d’Amérique, du Royaume-Uni et leurs alliés ont annoncé le retrait de leurs troupes militaires d’Afghanistan à partir du 1er mai 2021.  L’instabilité a dès lors repris place dans ce pays déjà fragilisé. Le départ effectif des soldats étrangers le 15 août 2021 a plongé le pays dans un chaos sans précédent laissant place aux talibans à la tête du pays. Un an et demi leur a suffi pour faire régresser la société afghane de plus de 1500 ans. Les fondamentalistes islamistes ont imposé de sévères restrictions afin de soumettre les filles et les femmes à leur conception intégriste de l’Islam. Ces dernières ont été largement exclues des emplois publics, elles sont privées d’éducation secondaire et depuis peu d’études universitaires.

Abstract

Surviving under the Taliban regime. Testimonies of Afghan women

On April 14th 2021 the governments of the USA, the UK and their allies announced the withdrawal of their troops from Afghanistan from March 1st 2021. Instability then returned to the troubled country. The final departure of the foreign soldiers on August 15th 2021 plunged the country into unprecedented chaos, leaving the Taliban in charge of the country. A year and a half was sufficient to make Afghan society regress more than 1500 years. The Islamist fundamentalists imposed severe restrictions so as to submit girls and women to their fundamentalist conception of Islam. Women and girls were widely excluded from public employment, deprived of secondary education, and recently of university study.

Resumen

Sobrevivir bajo el régimen talibán. Testimonios de mujeres afganas (II) 

El 14 de abril de 2021, los gobiernos de los Estados Unidos de América, el Reino Unido y sus aliados anunciaron la retirada de sus tropas militares de Afganistán a partir del 1 de mayo de 2021. Como consecuencia, la inestabilidad aumenta en este ya frágil país. La salida efectiva de los soldados extranjeros el 15 de agosto de 2021 sumió al país en un caos sin precedentes, dando paso a los talibanes como dirigentes absolutos del país. Un año y medio fue suficiente para que se produzca un retroceso de más de 1.500 años en la sociedad afgana. Los fundamentalistas islámicos han impuesto severas restricciones para someter a las niñas y mujeres a su concepción del islam. Ellas han sido en gran parte excluidas del empleo público, privadas de educación secundaria y recientemente de estudios universitarios.

Palabras clave: mujeres, Afganistán, régimen político, totalitarismo, testimonio, condiciones de vida, educación, educación en derechos del niño, crisis, pobreza.

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