Robert E. Park. Itinéraire sociologique de Red Wing à Chicago
Robert E. Park. Itinéraire sociologique de Red Wing à ChicagoLongtemps absentes des préoccupations de la sociologie française, l’immigration et les contacts interculturels ont été au contraire au centre de la sociologie américaine depuis le début. Ce fut ptincipalement à l’université de Chicago, dans les années 20, sous l’impulsion de Thomas et Znaniecki auteurs du monumental Paysan polonais, et après eux de Robert E. Park principal inspirateur et animateur de ses thématiques et de ses méthodes.
C’est à une véritable découverte de ce courant que nous assistons depuis quelques années avec l’ouvrage de Chapoulie et les travaux de Suzie Guth. Celle-ci nous propose aujourd’hui une biographie de Park qui a le mérite de faire comprendre de nombreux aspects de cette entreprise intellectuelle. Il s’agit d’une biographie universitaire, avec des analyses précises et denses des œuvres majeures de ce courant, de ses concepts fondamentaux, des œuvres qui l’ont inspiré (William James par exemple) Plus largement il montre le milieu universitaire américain de cette époque et sa façon de travailler.
Elle ne fait toutefois qu’indirectement comprendre l’originalité de cet intellectuel « errant » (wanderer), au parcours atypique qui laisse penser que le génie ne s’accommode pas des chemins balisés. Il n’arriva qu’à cinquante ans à l’université de Chicago. Il avait auparavant été longtemps city reporter dans un journal, période dont l’auteur malheureusement ne rend pas compte, sans doute faute de recherches, à sa disposition, mais qui détermina l’orientation des travaux de l’école de Chicago vers les études de terrain. Pour lui le socollogue devait être un super reporter. ¨Par la suite, soucieux de parfaire sa formation il partit pour l’Allemagne, à l’université de Strasbourg où, influencé par Weber, Simmel et surtout Wildebrand, il soutint une thèse Masse und Publikum, ouvrage pionnier en sociologie du journalisme et de l’opinion. De retour aux Etats-Unis, Park travailla auprès du grand leader réformiste noir Brooker T. Washington et dans le cadre d’une associations combattant le colonialisme belge au Congo. Comme son mentor, dont il fut la plume, cet intellectuel engagé (concerned intellectual) fut un optimiste dans son combat pour l’intégration des Noirs dans la société américaine. Pourtant il se méfiait, en tant que savant de ceux qui veulent « faire le bien » (les dogooders), son parcours reflétant bien toutes les contradictions entre intellectuels spécifiques et intellectuels militants, qui sont encore d’actualité.
Suzie Guth n’a certes pas la plume d’une romancière pour rendre compte de cette existence, de ses méandres, de son exceptionnelle créativité. Mais tel quel son ouvrage est d’une grande richesse pour qui veut comprendre le développement de ce courant essentiel de la sociologie des contacts entre les cultures, de l’immigration, de la ville er de la délinquance, si avancé sur ces terrains par rapport à la sociologie française d’inspiration durkheimienne.