Mineurs non accompagnés : repères pour une clinique psychosociale transculturelle
Cet ouvrage collectif, riche et pluriel, a fait le pari de réunir des chercheur/euses et des praticiens/iennes aux compétences différentes afin de s’interroger sur la prise en charge clinique des mineur·e·s non accompagné·e·s en Suisse et en France, en particulier sur le moment critique qu’est l’adolescence et l’impact du passage à l’âge adulte sur leur santé. L’argument central de l’ouvrage consiste à dire qu’une prise en charge adéquate des jeunes personnes exilé·e·s ne peut se passer d’une clinique des conditions de précarité sociales dans la société d’accueil ni d’une clinique des milieux culturels dans lesquels les souffrances ont pris forme. D’où la revendication générale d’une « clinique psychosociale transculturelle ». Saluons d’emblée un tel effort de complexification qui, dans le contexte actuel, est plutôt rare. En effet, l’urgence associée à ladite « crise migratoire » empêche souvent, d’une part, une réflexion de fond sur la précarisation induite par la société d’accueil, et d’autre part, une critique des approches cliniques qui ne tiennent pas compte du contexte socioculturel. Or, comme nous y invite Sydney Gaultier dans l’introduction, ce moment d’incertitude et de doute est précisément une opportunité pour « transformer notre rapport aux étrangers ainsi qu’aux institutions de notre propre pays » (p. 23). Mais cela ne va pas de soi. « Entre la volonté de bien faire et le doute sur l’adéquation de nos dispositifs » (p. 24), il existe de nombreuses contradictions et des lignes de tension qui ne seront pas si simplement résolues : les dispositifs en question contribuent à la fois à protéger et à exclure, à accueillir et à rejeter. Ce caractère à la fois hospitalier et hostile leur est inhérent. Dès lors, comme les contributeurs/trices nous enjoignent à la faire, il s’agit de reconnaître ces paradoxes et de travailler à partir de là. Cela veut dire que, si d’un côté il faudrait réapprendre à être attentif à ces jeunes gens, il faudrait aussi de l’autre, veiller à ne pas négliger les professionnel·le·s coincés dans des institutions d’accueil souvent dysfonctionnelles à plusieurs égards. Autrement dit, il s’agirait aussi de prendre soin des institutions et de celles et ceux qui y travaillent. C’est à ce prix, sans doute, qu’un accompagnement plus adéquat pourrait orienter ces jeunes vers un horizon plus serein. De ce point de vue, ce livre, qui est adressé aux professionnel·le·s comme aux chercheurs/euses, comble un sérieux manque dans la littérature. Si on peut regretter que les textes ne donnent pas davantage la parole aux jeunes et n’illustrent que peu leur quotidien, le geste entamé par ce livre est important et mérite d’être poursuivi.