Les communautés
S’il est une question d’une brûlante actualité c’est bien celle du « vivre ensemble » selon une expression aujourd’hui consacrée. A l’origine de la réflexion sociologique, la révolution française avait donné lieu aux mêmes interrogations. Qu’est-ce qui fait que les êtres humains se rassemblent ? Pourquoi au contraire en viennent-ils à diverger, à se séparer voire à s’affronter et à se faire la guerre ?
Le grand sociologue Max Weber, au même titre que ses contemporains Fedirnand Tönnies, Emile Durkheim ou Georg Simmel en ont fait un lieu clef de riches travaux sur ce qui fait société ou communauté, deux termes qui font effectivement problème. Pour ce qui est de Weber, par-delà quelques œuvres majeures et bien connues comme L’éthique protestante et l’esprit du capitalisme, il a construit une œuvre majeure connue sous le titre Economie et société, mais constituée en fait de tout un tas d’écrits disparates, fragmentaires, peu accessibles, peu ou mal traduits qui sont en fait méconnus par le public français. Aujourd’hui, heureusement, la reconstitution de cet édifice, comparable à celui d’archéologues rebâtissant un temple effondré, permet de s’y introduire de manière plus authentique, autour de quelques concepts majeurs. Après La domination, voici Les communautés. Cette édition scrupuleuse (trop ?) permet en tout cas de de se confronter à une problématique majeure, fondée sur des connaissances considérables en termes culturels, et d’évaluer toute la complexité d’une notion qui fait débat encore aujourd’hui, par exemple quand on invoque le communautarisme ou l’idée nationale pour les critiquer en leur opposant la communauté des citoyens. La lecture de Weber en tout cas ne permettra pas de s’entretuer avec quelques notions simplistes quand il est question de « communauté ethnique », de « nation » ou de « communauté politique ». La lecture de ce livre, ou plutôt de ces fragments, pourra sans doute décourager qui ne cherche dans le travail intellectuel que s’appuyer sur des fondements rassurants. On notera par exemple que Weber ne partage pas les idées de son contemporain Tönnies sur l’opposition et la succession dans le temps de la « communauté » vue comme « naturelle » et de la « société » fondée sur le « contrat ». ce qui peut nous amener par exemple à nuancer la proposition faite par Devereux de désordres mentaux qualifiés de « typiques » reliés à ce type de groupements. Tant mieux : à plus d’un siècle de distance, ressurgissant d’une œuvre d’aspect chaotique, Weber nous oblige à plus de complexité.