La flûte des origines. Un soufi d’Istanbul
Parmi les grands courants de l’islam, il fut un temps où la séduction auprès des intellectuels occidentaux venait beaucoup du soufisme. Cela semble fini et peu sont, semble-t-il aujourd’hui, parmi les convertis ceux qui s’appuient sur lui, si l’on veut bien excepter le rappeur Abd el maliK.
Le présent ouvrage vient ici montrer que, bien que parfois rejeté ou persécuté y compris dans le monde islamique, il reste une tradition très vivante. Il s’agit en fait d’un dossier s’appuyant, grâce à l’anthropologie Dominique Sewane, sur les souvenirs et les connaissances du musicien Kudsi Erguner, grand interprète de ney, la longue flûte de roseau qu’utilisent les musiciens soufis. Connu dans le monde entier, où il s’est produit dans de nombreux concerts, l’auteur ne raconte pas seulement son histoire de vie, mais expose les diverses facettes de cette tradition fondée par Djalal od-din Rumi. Il montre ainsi comment elle a réussi à survivre dans la Turquie moderne malgré les persécutions du laïcisme autoritaire kémaliste, aveugle aux richesses spirituelles et artistiques du soufisme, le jugeant trop lié au sultanat aboli par les Jeunes turcs. Avec cette histoire, on trouvera dans ce livre une riche information, une véritable petite encyclopédie musicale, poétique, musicologique, philosophique, ainsi qu’un glossaire, un très substantiel dossier documentaire sur l’auteur, ses concerts, ses enregistrements.
A travers le soufisme, au delà la pittoresque tradition des derviches tourneurs dont on méconnait souvent en Occident la fonction extatique et spirituelle, c’est donc un tout autre visage de l’islam qui se révèle ici, très différent des islamismes politiques ou du rigorisme salafiste. Un islam de sagesse, lieu de méditation sur la destinée humaine, où poésie et mystique concourent au perfectionnement, rejoignant les autres traditions mystiques de l’Orient et de l’Occident, maître Eckart et les moines zen. Une étape essentielle d’une grande réflexion transculturelle.