Familles et transmission à l’épreuve de la migration

Sous la direction de Claudine Veuillet-Combier. Préface de Marie Rose Moro
Éditions InPress, 2023

Comment les liens familiaux sont-ils maintenus, remaniés ou transformés par l’expérience migratoire ? Comment les enjeux de la transmission psychique, culturelle et sociale sont-ils mis à l’épreuve par la migration ? Qu’en est-il dans ce contexte des enjeux de l’héritage, du poids des traumatismes, de la place des femmes et des effets de l’exil sur les liens parents-enfants ?

Cet ouvrage rassemble les contributions de 21 auteurs pour répondre à ces problématiques contemporaines. L’ouvrage est la consécration d’un travail collectif, qui a débuté lors du colloque international de l’Université d’Angers (2021), qui a réuni chercheurs et cliniciens du monde entier pour explorer la question de la migration et du vécu familial, en se centrant sur la problématique de la transmission.

Dans la continuité de cette rencontre transnationale, et de cette problématique de la transmission, le préfixe « trans  » est mis à l’honneur. En effet, les auteurs interrogent par la migration ce qui traverse les cultures, ce qui traverse les générations, et donc ce qui traverse les psychismes. Le préfixe « trans » invite à penser la similarité et l’altérité dans un monde pluriel en constante évolution. Les auteurs mobilisent plusieurs concepts qui s’inscrivent dans l’idée directrice de ce préfixe : transformation, transfuge, transpsychique, transculturel, traversée, transgénérationnel, etc.

L’ouvrage mobilise également des références théoriques transdisciplinaires, dont le fil conducteur reste l’approche psychanalytique. Dans cette perspective, ils explorent les processus inconscients qui jouent un rôle majeur dans les dynamiques familiales et interculturelles, en tant que générateurs d’alliance, de mission, de contagion, de contrat et de conflit. Les auteurs de cet ouvrage s’appuient majoritairement sur les travaux de René Kaës afin de penser les complexes articulations et les effets d’emboîtements entre le sujet, la famille et la culture, et donc entre les dimensions individuelles, groupale-familiales et socioculturelles. Le sujet est placé dans un maillage complexe où sont simultanément mis au travail l’intrapsychique, l’interpsychique et le transpsychique.

La migration est traitée dans son rapport à la temporalité, en prenant en compte la question des départs, des arrivées, comme des retours, mais aussi dans son rapport à l’espace, en prenant en compte les différents contextes socioculturels, politiques et économiques, du lieu de départ, comme du lieu hôte.

La migration est abordée sous l’angle de la rencontre, le « trans » et « l’inter », mais aussi sous l’angle d’un autre préfixe celui de l’« ex », le « hors-de » qu’on retrouve dans les différents usages conceptuels des auteurs : l’exil, l’expatriation, l’exclusion, etc. Les auteurs explorent ici les cliniques psychopathologiques de la migration, en soulevant les formes traumatiques et violentes du parcours migratoire, où le sujet et sa famille peuvent faire face à des éprouvés et des expériences de rupture, de séparation et de déracinement.

Au-delà de cette perspective, les auteurs soulignent et valorisent « les potentialités dynamiques » de la migration qui impulsent, travail et mobilité psychique dans les espaces individuels comme collectifs. Les auteurs abordent également les enjeux cliniques de la rencontre intersubjective avec le migrant en présentant des dispositifs et des médiations qui permettent d’apporter un étayage groupal ou graphique à la souffrance psychique. La place des professionnels de la migration, les dispositifs à mettre en place pour accompagner les familles migrantes sont également interrogés en appui sur des exemples cliniques.

En somme, cet ouvrage offre une réflexion scientifique approfondie sur la migration et la transmission, en abordant des enjeux théoriques et cliniques en lien avec la psychanalyse, la psychologie groupale, la psychologie de la famille, et la psychologie transculturelle.