Abus sexuels : la parole est aux enfants

Marie Rose Moro avec Odile Amblard
Bayard, Paris, 2021

Les abus sexuels sont de plus en plus visibles. Les scandales se succèdent, les langues se délient et la parole se libère. Le mouvement #MeToo jette un pavé dans la mare du silence qui entoure ce phénomène. Néanmoins, cette libération de la parole concerne peu les enfants. Nombreux sont pourtant les enfants abusés. Une fille sur trois est victime d’abus sexuel et un garçon sur sept en a fait l’objet. L’abus sexuel est un lourd traumatisme et relève de l’indicible, c’est-à-dire de l’impossibilité de signifier cet acte ignoble et d’y mettre du sens. Ces faits sont, la plupart du temps, perpétrés par des membres de la famille ou de l’entourage proche de l’enfant ou de l’adolescent, compliquant davantage la mise en mots de ces atrocités. « Parler, c’est non seulement augmenter la souffrance – la sienne et celle des siens – dans un premier temps, mais c’est aussi le plus souvent s’exclure […] » (p.66). La famille ayant tendance à garder les abus dans le secret, elle place la victime dans une omerta. Si l’on ne peut pas effacer le trauma de la mémoire, Marie Rose Moro rappelle que sa mise en récit permet de s’en distancier et de l’inscrire dans le passé. Cette parole exprimée par des bribes éparpillées attend, malgré tout, un accusé de réception. Ce livre répond à la souffrance souvent cachée des enfants et des adolescents abusés. Il plaide pour l’accueil nécessaire et la bienveillance des professionnels exerçant dans le domaine de l’enfance. S’adressant aussi aux parents, cet ouvrage souligne la nécessité d’une écoute attentive envers l’enfant. Face aux agresseurs qui utilisent la ruse, l’emprise et le mensonge, l’enfant victime s’exprime à bas bruit, souvent par des plaintes somatiques.

Enfin, l’auteure invite la société dans son ensemble à « changer nos représentations. Ce qui prendra du temps, mais débutons sans tarder par une large information : faisons exister ce sujet, sortons les connaissances du champ des spécialistes pour les diffuser plus largement » (p. 75).

Après cette lecture, je pense aux mots de l’écrivain haïtien Jacques Stephen Alexis, c’est un livre pour « inquiéter la dictature du silence ».