À l’école des dyslexiques. Naturaliser ou combattre l’échec scolaire ?
La dyslexie est-elle (aussi) un objet social et politique ? Les questions soulevées par cette « pathologie de la lecture », et qui agitent les univers scolaires, médico-sociaux, et plus largement politiques, sont sans cesse revisitées au regard de nouvelles études scientifiques régulièrement publiées dans la littérature spécialisée ou généraliste.
Sandrine Garcia, maître de conférence en sociologie à l’université de Paris-Dauphine et enseignant chercheur à l’Irisso (Institut de recherche interdisciplinaire en sciences sociales), propose de s’approprier cet objet multiforme qu’est la dyslexie selon un angle d’attaque original et encore peu exploré. Quel sens a cette entité nosographique d’un point de vue sociologique et d’un point de vue politique ?
A la lecture de ce passionnant ouvrage, il devient possible de dégager la dyslexie du champ exclusivement médical et paramédical (principalement porté par les orthophonistes). Apparaissent alors des aspects historiques, sociologiques, politiques et anthropologiques, nous permettant d’inventer de nouvelles représentations de la dyslexie. Cette possibilité de représentations nouvelles est extrêmement précieuse, alors même qu’aujourd’hui depuis la loi de 2005, la dyslexie appartient au champ du handicap, avec tous les risques de la stigmatisation qui peuvent y être associés.
En filigrane apparaissent également d’autres questions de fond, liées à la nature profonde de la lecture. Pourquoi l’être humain lit-il ? D’où viennent ces compétences ? Le plaisir de la lecture est-il condamnable, comme peut l’être le plaisir en général ? La lecture est-elle un outil d’accès au pouvoir social et politique, et donc réservée à une élite ?
Ecrit sans jugement d’aucune sorte, cet ouvrage permet de réengager des processus de pensée autour de la dyslexie, avec de nouvelles représentations théoriques et culturelles. Orthophoniste depuis 1998, j’ai entamé cette lecture avec quelques réticences (encore un ouvrage sur le sujet !), vite abandonnées. Au final, on en ressort avec un sentiment certain que, de la même manière que l’apprentissage de la lecture appartient aux différentes habiletés humaines (intellectuelle, psychique, familiale, affective, culturelle, sociale), la dyslexie relève également de tous ces domaines de pensée. Ce livre nous rappelle que la complexité de l’acte de lecture ne doit jamais être oubliée, de même que la complexité de la pathologie qui lui est liée.