Article original

Gustave Courbet, Le Désespéré, 1843-45 Source D.G.

Se créer des doubles de soi

L'expérience autoréflexive du cinématographe


Frédérik GUINARD

Frédérik Guinard est psychologue clinicien intervenant en pédopsychiatrie et en mission locale, Centre Hospitalier Saint-Cyr-au-Mont-d’Or.

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Pour citer cet article :

Guinard F. Se créer des doubles de soi. L’expérience autoréflexive du cinématographe. L’autre, cliniques, cultures et sociétés, 2017, volume 18, n°2, pp. 192-204


Lien vers cet article : https://revuelautre.com/articles-originaux/se-creer-doubles-de-soi/

Se créer des doubles de soi, l’expérience autoréflexive du cinématographe

Dans l’axe des recherches en clinique de la création, l’auteur propose d’envisager l’expérience cinématographique comme un mouvement auto-réfléxif de l’art humain qui prolonge les courants les plus réalistes de l’art pictural.

A partir du récit de l’origine du cinématographe et de l’analyse de trois films: Dans la peau de John Malkovich, Le mystère Picasso et Fados, l’auteur explorera tout le jeu de paradoxalité qu’implique cette saisie de l’homme par lui-même au travers d’une expérience d’enregistrement scénarisée et de re-vision différée. Il montrera que le dispositif technique de l’art cinématographique constitue son propre angle mort et qu’il doit nécessairement se tourner vers d’autres arts pour évoluer d’un fantasme de saisie réaliste et holistique de l’identité humaine à une expérience auto-subjective empreinte de profondeur et de vérité.

Mots clés : autoportrait, autre, cinéma, film, perception, psychanalyse, réflexivité.

Creatingcopies of one’s self, autoreflexive experience of the cinematograph

In the field of research in clinical psychology of creation, the author proposes to consider film experience as an auto-reflexive movement of human art which stretches the most realistic currents of pictorial art. Based on the description of the origin of the cinematograph and the analysis of three movies: “Being John Malkovich”, “Le mystère Picasso” and “Fados”, the author explores the game of paradoxicality implied in the reflexive process of a man seizing himself through a staged experience of recording and deferred vision. He demonstrates that the technical device of cinematographic art becomes its own blind spot and that it has to turn to other arts to evolve from a fantasy of realistic and holistic seizure of the human identity to an auto-subjective experience full of depth and truth.

Keywords: cinema, film, other, perception, psychoanalysis, reflexivity, self portrait.

Creándose dobles de sí mismo, la experiencia autoreflexiva del cinematógrafo

Siguiendo el eje de investigación de psicología clínica de la creación, el autor propone considerar la experiencia cinematográfica como un movimiento autoreflexivo del arte humano que prolonga las corrientes más realistas del arte pictórico. Partiendo de la historia del origen del cinematógrafo y del análisis de tres películas (Quieres ser John Malkovich?; El misterio Picasso y Fados), el autor explora todo el juego de paradojas que implica la comprensión de sí mismo a través de una experiencia filmada a partir de un guion y vuelta a ver de manera diferida. También muestra que el dispositivo técnico del arte cinematográfico constituye su propio ángulo muerto y que debe necesariamente tornarse hacia otras artes para evolucionar de una fantasía de comprensión realista y holística de la identidad humana, a una experiencia autosubjetiva marcada de profundidad y de verdad.

Palabras claves: autorretrato, cine, otro, película, percepción, psicoanálisis, reflexividad.

Ce travail se place dans la perspective de la réflexion engagée par Freud, avec la question de la psychanalyse appliquée1, et de son invitation à se mettre à l’écoute des œuvres d’art et à proposer une autre voie de compréhension que celle de l’histoire de l’art ou de la sémiologie : celle des processus psychiques et des niveaux de symbolisation en jeu dans l’acte créateur (Freud 1907). Cette attention pour les processus créateurs est très féconde à Lyon où, depuis les années 1990, les différents colloques du C.R.P.P.C. constituent un véritable pensoir autour de ces questions (Chouvier, Brun, Roussillon, Talpin et coll. 1998, 2002, 2004, 2007, 2011).

L’autoportrait, figuration de l’artiste par l’artiste, est un genre très singulier du portrait appartenant à la fois aux arts de l’image (le dessin, la peinture, la photographie) et à la problématique plus générale de la figuration de l’humain par lui-même. D’après les préhistoriens, les chasseurs-cueilleurs du paléolithique montraient, il y a environ 35000 ans (Grotte de Chauvet), une grande habileté à dessiner les animaux de leur environnement avec un profond réalisme et une véritable maîtrise pour rendre les mouvements de leur corps. Pourtant, à la même époque, les représentations humaines sont rares ou, le cas échéant, surprenantes de maladresse2.

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  1. Jean Bellemin-Noël rappelle que « Le terme d’application ne doit pas prêter à contresens. Il suggère habituellement qu’on utilise dans un certain domaine des principes et des moyens d’investigation qui appartiennent de plein exercice à une autre sphère de savoir, […] c’est une même grille d’interprétation qui devrait servir à déchiffrer des phénomènes humains en apparence fort éloignés les uns des autres » (Bellemin-Noël 2002 : 11).
  2. Les spécialistes attribuent ce paradoxe à la place particulière rituelle et symbolique que devaient prendre ces thèmes picturaux anthropomorphes chez ces humains du paléolithique (Archambeau et Archambeau 1991).