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Un Espace transculturel intermédiaire pour « soigner » des délinquants juvéniles et violents en Nouvelle-Calédonie*
Publié dans : L’autre 2023, Vol. 24, n°3
Dossier : Soignants et diversité
Grégoire THIBOUVILLE
Grégoire Thibouville est psychologue clinicien & doctorant en psychologie à l’université Paris 13 – Sorbonne Paris Cité – UTRPP 4403 sous la direction du Pr Jean-Pierre Pinel (Paris 13) et sous la direction associée du Pr émérite André Sirota (Paris 10).
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Pour citer cet article :
Thibouville G. Un Espace transculturel intermédiaire pour « soigner » des délinquants juvéniles et violents en Nouvelle-Calédonie. L’autre, cliniques, cultures et sociétés, 2023, volume 24, n°3, pp. 301-310
Lien vers cet article : https://revuelautre.com/articles-dossier/un-espace-transculturel-intermediaire-pour-soigner-des-delinquants-juveniles-et-violents-en-nouvelle-caledonie/
Un Espace transculturel intermédiaire pour «soigner» des délinquants juvéniles et violents en Nouvelle-Calédonie
Comment «soigner» des délinquants juvéniles et violents, non-névrotiques, avec des nouvelles problématiques psychopathologiques, psychosociales et culturelles? Avec dix années de pratique de terrain, nous avons développé un groupe plurigénérationnel et multiculturel pour ces adolescents de la protection judiciaire de l’enfance et de la jeunesse. Le but de ce groupe est de les conduire dans une voie humanisante. Il est proposé à travers le parcours de Kurt, un adolescent mutilé «chasseur-meurtrier», de discuter de ce dispositif innovant et de sa conduite. Il est question pour eux de la relance des processus de symbolisation, d’historicisation et d’un contrat narcissique. Tout l’enjeu est également de développer une capacité de liaison, en étant un psychologue suffisamment «malléable» comme l’image d’un «roseau».
Mots clés : cas clinique, délinquance juvénile, délinquant, groupe de parole, Nouvelle-Calédonie, psychologie, transculturel, violence.
An intermediate transcultural space to “treat” violent, young delinquents in New Caledonia
How can we “treat” violent, young, non-neurotic delinquents coping with new psychopathological, psychosocial and cultural issues? From ten years of fieldwork, we have developed a multi-generational and multicultural group structure for these adolescents coming under the child and adolescent judiciary protection scheme. The aim of this group is to guide these youngsters through a humanising process. They are invited to discuss this innovating programme and the way it should be run in the light the life trajectory of Kurt, a severely damaged “hunting-murdering” adolescent. The issue for them is to reinitiate the processes of symbolisation and historicisation, and to form a narcissistic contract. One main aim for the psychologists is to develop an ability to create a relationship, by being sufficiently “malleable”, as in the image of the reed in the wind that bends but does not break.
Keywords: clinical case study, delinquent, juvenile delinquency, New Caledonia, psychology, Talking group, transcultural, violence.
Un espacio transcultural intermediario para “tratar” a delincuentes juveniles violentos en Nueva Caledonia
Cómo “tratar” a delincuentes juveniles violentos y no neuróticos con nuevas entidades psicopatológicas, psicosociales y culturales? Con diez años de práctica de campo, hemos desarrollado un grupo multigeneracional y multicultural para estos adolescentes de la protección judicial de la infancia y la juventud. El objetivo de este grupo es llevarlos por un camino humanizador. Se muestra a través del caso de Kurt, un adolescente mutilado “cazador-asesino”, la naturaleza de este dispositivo innovador. Para estos jóvenes se trata de redinamizar los procesos de simbolización, de historización y de un contrato narcisista. Toda la importancia es dada también al desarrollo de una capacidad de vinculación, a través de la «maleabilidad» del terapeute, como la imagen de un “junco”.
Palabras claves: delincuencia juvenil, delincuente, estudio de caso clínico, grupo de discusión, Nueva Caledonia, psicología, transcultural, violencia.
« Il s’agit alors de proposer des dispositifs cliniques susceptibles de traiter la destructivité majeure de patients en souffrance avec la symbolisation. Les dispositifs thérapeutiques à médiation concernent particulièrement ces formes de pathologies du narcissisme et de l’identité, définies comme « situations limites de la subjectivité » ou « cliniques de l’extrême ». »
Brun, 2013, p. 63
L’espace de travail thérapeutique groupal, que nous avons conçu et appelé « Espace transculturel intermédiaire » ou ETCI inspiré des travaux de Winnicott (1971), s’est mis en place grâce à des coopérations interinstitutionnelles et pluri-professionnelles pour y accueillir des adolescents violents et délinquants en Nouvelle-Calédonie (Bensa & Léblic, 2000). Un processus de décolonisation unique et inédit[ref]Au titre du chapitre XI des Nations Unies, la Nouvelle-Calédonie est un territoire non autonome et se définit en tant que « territoire dont les habitants n’ont pas encore atteint une pleine mesure d’autonomie gouvernementale ». C’est donc un processus original de décolonisation. Conformément à l’accord de Nouméa, les Calédoniens ont été autorisés jusqu’à trois référendums sur l’indépendance. Le scrutin était le troisième et dernier à se tenir aux termes de l’Accord de Nouméa, après les votes de 2018 et 2020, au cours desquels l’indépendance avait été rejetée par 56,70 % et 53,30 % respectivement. Les électeurs ont massivement rejeté l’indépendance, avec 96,50 % de votes contre l’indépendance et 3,50 % pour l’indépendance du 19 septembre 2021. L’épidémie COVID-19 a fait 280 morts au total dont majoritairement des kanak. Les indépendantistes ont demandé un report d’un an afin de respecter les rituels de deuil kanak qui leur a été refusé par la France. Par conséquent, ils ont boycotté ce dernier référendum et contestent le résultat final.[/ref] met sous tension la société calédonienne. Les mutations historiques, culturelles et sociales ont soumis et soumettent les différentes communautés ou groupes ethniques[ref]Groupes ethniques : Kanak 39, 1 %, Européen 27,1 %, Wallisien/Futunien 8,2 %, Tahitien 2,1 %, Indonésien 1,4 %, Ni-Vanuatu 1 %, Vietnamien 0,9 %, autres 17,7 %, non précisé 2,5 %. Langues : français (officielle) et 33 dialectes mélanéso-polynésiens. Religions : catholiques romains 60 %, protestants 30 %, autres 10 %.[/ref] à une série de bouleversements conflictuels.
Nous pouvons soutenir que le travail de création des conditions de coopération, enrichissant l’environnement culturel, a des effets sociothérapeutiques, soignant les jeunes accueillis et même parfois les institutions elles-mêmes.
Le succès éventuel de l’accueil des adolescents concernés dépend grandement du chemin suivi et des mots prononcés pour les amener à s’inscrire dans un groupe thérapeutique.
Il s’agit aussi d’apprendre à affiner les registres d’intervention de chacun des partenaires, des institutions et des professions. Autrement dit, ces coopérations permettent de développer des compétences collectives dans l’inter-connaissance, c’est-à-dire de ce qui advient lorsque nous savons parler et construire ensemble. C’est un véritable espace d’expérimentation et de recherche qu’il s’agit d’évoquer en décrivant une expérience en terre calédonienne où a été mis en place un groupe de parole plurigénérationnel et multiculturel. Ce dispositif clinique s’appuie sur des des théories et des concepts tirés des recherches et plus particulièrement des études en psychanalyse de groupe (Bion, 1962 ; Anzieu, 1975), en analyse de groupe (Foulkes, 1975 ; Rouchy, 1998), en analyse transitionnelle (Kaës, 1979) et en ethnopsychiatrie (Devereux, 1970 ; Laplantine, 2007).
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