Article de dossier

© Epape, Rollercoaster stairs & metal warp, Mont Liban, Liban, 11 septembre 2006. Source

Raconter l’exil

La transmission du récit et son héritage chez une famille palestinienne réfugiée à Chatila

et


Jamila CHAIB

Jamila CHAIB est psychologue clinicienne dans le service de psychopathologie de l’enfant et de l’adolescent, psychiatrie générale et addictologie spécialisée, Hôpital Avicenne, 125 route de Stalingrad, 93009 Bobigny Cedex.

Thierry BAUBET

Thierry BAUBET est professeur de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent à l’université Paris 13, chercheur à l’INSERM U1178, chef du service de psychopathologie de l’enfant et de l’adolescent, psychiatrie générale et addictologie spécialisée, Hôpital Avicenne, 125 route de Stalingrad, 93009 Bobigny Cedex.

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Pour citer cet article :

Chaib J, Baubet T. Raconter l’exil. La transmission du récit et son héritage chez une famille palestinienne réfugiée à Chatila. L’autre, cliniques, cultures et sociétés, 2015, vol. 16, n°1, pp. 17-27


Lien vers cet article : https://revuelautre.com/articles-dossier/raconter-lexil-la-transmission-du-recit-et-son-heritage-chez-une-famille-palestinienne-refugiee-a-chatila/

Raconter l’exil, la transmission du récit et son héritage chez une famille palestinienne refugiée à Chatila

A Chatila, au Liban, les réfugiés palestiniens vivent dans un environnement hostile et les enfants grandissent dans ce cadre témoin des massacres passés, emmêlés. Une recherche a été menée afin de penser la transmission d’exils vécus par la première génération de réfugiés palestiniens ainsi que l’héritage reçu par la jeune génération. Comment les enjeux collectifs et individuels autour de la transmission d’une histoire commune sont apparus dans cette unité de temps et de lieu qu’est Chatila aujourd’hui ? Le recours au collectif et à la narration héroïque sont des modalités protectrices et étayantes. La contenance du groupe et par le groupe semble primordiale. En restituant un honneur et un statut social, en transportant une terre objet relique, les générations suivantes sont mandatées pour réparer les failles de leurs aînés. En effet, à la troisième génération, les problématiques infantiles et adolescentes semblent enrobées d’un discours coloré d’une loyauté filiative et communautaire.

Mots clés : Chatila, exilé, filiation, groupe d’appartenance, Liban, loyauté, Palestine, récit de vie, transgénérationnel, transmission de la vie psychique, traumatisme psychique.

Telling the exile, the transmission of the story and its legacy in a Palestinian family that sought refuge in Chatila

This research explores the transmission of exile narratives among the first generation of the Palestinian refugees in Chatila, Lebanon, and its inheritance to the younger generation. Children grow up in a context that had in the past witnessed raveled massacres. The Chatila camp represents a time and space unit hosting individual and collective issues entangled within one common and leaguing narrative. Supportive and protective modalities are found in resorting to the community and to individual heroic narration. The countenance offered within and by the group seems essential. The following generations have a restorative mandate toward their elders’ shattered history. Bound to reestablish honor and social status, they convey the land such a relic object. Within the third generation, the infantile and adolescent conflicts are coated with a discourse on loyalty to filiation and community.

Keywords: Chatila, exile, filiation, Lebanon, life story, loyalty, membership group, Palestine, psychic life transmission, psychic trauma, transgenerational.

Contar el exilio, la transmisión del relato y su herencia en una mujer palestina refugiada en Chatila

En Chatila, Líbano, los refugiados palestinos viven en un ambiente hostil y los niños crecen en este medio en donde suceden masacres ligadas las unas a las otras. Una investigación fue realizada con el objetivo de pensar la transmisión de exilios vividos por la primera generación de refugiados palestinos así como la herencia recibida por la generación más reciente. Cómo los aspectos colectivos e individuales alrededor de la transmisión de una historia común aparecieron en este unidad de tiempo y de espacio que es Chatila hoy ? El recurrir a lo colectivo y a la narración heroica son modalidades protectoras y de apoyo. La contención del grupo y por el grupo parece primordial. Restituyendo un honor y un estatus social, transportando una tierra objeto reliquia, las generaciones siguientes tienen el mandato de reparar los fallos de sus ancestros. En efecto, en la tercera generación, los problemas infantiles y adolescentes parecen cubiertos de un discurso con matices de lealtad filial y comunitaria.

Palabras claves: Chatila, exiliado, filiación, grupo de pertenencia, lealtad, Líbano, Palestina, relato de vida, transgeneracional, transmisión de la vida psíquica, traumatismo psíquico.

Les Palestiniens se sont réfugiés dans différents pays en 1948 suite à la création de l’État d’Israël. Le conflit qui caractérise la Palestine est singulier par sa temporalité écrasante et son caractère continu. Cette guerre de 48 est nommée du côté Israélien « guerre d’indépendance » ; du côté arabe c’est la Nakba, la catastrophe. Près de 200 000 réfugiés viennent alors au Liban alors que les autres s’exilent vers la Syrie, l’Égypte, la Jordanie (Verdeil & al. 2007). Les « enfants de 48 » sont aujourd’hui grands-parents et encore dans les camps de réfugiés du Liban, figés dans un temps provisoire qui n’en finit pas. C’est par son caractère temporaire que le temps de l’exil devient supportable (Jacques & al. 2009). L’idée même de refuge est constituée notamment de la récupération de la réalité antérieure par la reproduction de l’organisation géographique et des relations sociales (Khoury 1998). Les camps sont organisés à l’image de la Palestine. Les villages se recréent grâce à des structures familiales et communautaires, claniques, de par l’exode qui s’est déroulé par pans régionaux. Cette réinscription spatiale dans le camp en fait « le support privilégié de la construction mémorielle » (Picaudou 2006 : 18). Espace provisoire pour les réfugiés en attendant le retour, Chatila est le symbole de la lutte palestinienne dans les années 70 puis lieu du martyre suite aux massacres1 et différents conflits (Sfeir 2008). Le drame est celui de toute une génération d’enfants palestiniens dont le développement a été entravé par un climat de violence généralisée. Que ce soit dans les territoires palestiniens ou chez la diaspora réfugiée, aucune génération n’est épargnée (Sacco 2010). La douleur de l’exil et de l’arrachement, dans le cas de réfugiés palestiniens du Liban, est transmise aux générations suivantes dans un contexte politique, social et économique difficile qui se chronicise.

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  1. Massacre perpétré en 1982 à Sabra et Chatila « qui vit l’assassinat de centaines de civils dans les camps du Liban par les milices libanaises de droite, sous l’œil complice des soldats israéliens, est vécu par les Palestiniens comme une étape supplémentaire dans une histoire ponctuée de massacres et d’exactions » (Péan 2002). Cf. Valse avec Bachir (Folman 2008).

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