Article de dossier

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Psychologie raciale et médecine : la construction d’une « mentalité africaine » dans le contexte colonial français (XIXe-XXe siècles)


Delphine PEIRETTI-COURTIS

Delphine PEIRETTI-COURTIS est professeure agrégée et docteure en histoire, enseigne à l’Université d’Aix-Marseille. Elle est membre du laboratoire TELEMME et travaille sur la construction médicale des stéréotypes raciaux et sexuels sur les corps noirs (fin XVIIIe-milieu XXe siècle), recherches publiées dans un ouvrage paru aux éditions La Découverte en mai 2021 intitulé Corps noirs et médecins blancs : la fabrique du préjugé racial XIXe-XXe siècles.

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Pour citer cet article :

Peiretti-Courtis D. Psychologie raciale et médecine : la construction d’une « mentalité africaine » dans le contexte colonial français (XIXe-XXe siècles). L’autre, cliniques, cultures et sociétés, 2024, volume 25, n°1, pp. 67-78


Lien vers cet article : https://revuelautre.com/articles-dossier/psychologie-raciale-et-medecine-la-construction-dune-mentalite-africaine-dans-le-contexte-colonial-francais-xixe-xxe-siecles/

Psychologie raciale et médecine : la construction d’une «mentalité africaine» dans le contexte colonial français (XIXe-XXe siècles)

Cet article met en lumière le développement des études médicales sur les caractères «moraux» des peuples et plus spécifiquement des Africain.es et la constitution d’un imaginaire puissant sur l’existence d’une supposé «mentalité africaine», au cours du XIXe siècle et de la première moitié du XXe siècle. Les méthodes de la médecine clinique et de l’anthropologie raciale se voient appliquées à la psychologie des peuples dans un but scientifique mais également économique et politique dans le contexte colonial. L’un des objectifs de l’article est d’éclairer les permanences de ces représentations tout au long de la période, mais également les ruptures et évolutions diverses, liées à l’apport de nouvelles sciences. À partir des premières décennies du XXe siècle, la psychologie des individus n’est en effet plus uniquement déterminée par l’idée de race, mais par d’autres facteurs, externes, comme le milieu, l’alimentation ou la culture. Si l’essentialisation n’est plus biologique, elle est désormais culturelle.

Mots clés : Afrique, anthropologie, colonisation, médecine, psychologie sociale, représentation sociale, XIXe siècle, XXe siècle.

Racial psychology and medicine: the construct of an «African mentality» in the French colonial setting (19th and 20th centuries)

The aim of this article is to highlight the deployment of medical studies on the «moral» characteristics of human peoples and specifically of African peoples, during the nineteenth century and the first half of the twentieth century, and the development of a stereotyped representation of an «African mentality». The methods of clinical medicine and racial anthropology were applied to the psychology of different populations for scientific, economic and political purposes in the colonial context. One of the aims of the article will also be to highlight the permanence of these representations, as well as the various changes linked to the contributions of new sciences. Indeed, in the early 20th century, individual psychology was no longer considered to be determined by race alone, but by other, external factors such as environment, diet or culture. While the essentialization of African populations is today no longer biological, it is now cultural.

Keywords: 19th century, 20th century, Africa, anthropology, colonisation, medicine, social psychology, social representations.

Psicología racial y medicina: la construcción de una “mentalidad africana” en el contexto colonial francés (siglos XIX-XX)

Este artículo destaca el desarrollo de las investigaciones médicas sobre los caracteres “morales” de los pueblos y más específicamente de los africanos y la constitución de un poderoso imaginario sobre la existencia de una supuesta “mentalidad africana”, durante el siglo XIX y la primera mitad del siglo XX. Los métodos de la medicina clínica y la antropología racial se aplican a la psicología de los pueblos con fines científicos pero también económicos y políticos en el contexto colonial. Uno de los objetivos del artículo es clarificar la permanencia de estas representaciones a lo largo del período mencionado, pero también sobre las diversas rupturas y desarrollos vinculados al aporte de las nuevas ciencias. Desde las primeras décadas del siglo XX, la psicología de los individuos ya no está determinada únicamente por la raza, sino por otros factores externos, como el entorno, la dieta o la cultura. Si la esencialización ya no es biológica, ahora es cultural.

Palabras claves: Africa, antropología, colonización, medicina, psicología social, representación social, siglo XIX, siglo XX.

« Un type fondamental qui caractérise le noir aussi sûrement au moral que la teinte de sa peau et sa chevelure crépue le caractérisent au physique, c’est ce fond intellectuel et moral commun à toutes les races noires », écrit P. Roeckel, lieutenant d’infanterie coloniale, dans son ouvrage sur L’éducation sociale des races noires paru en 1911 dans une collection dirigée par un médecin, le docteur Marie (Roeckel, 1911).

Cet enfermement des hommes et des femmes africain.es à l’intérieur d’un corps et d’une âme qui seraient déterminés par la couleur de leur peau évoque la thèse de Frantz Fanon, dans son célèbre ouvrage Peau noire, masques blancs paru en 1952. Psychiatre à Blida dans l’Algérie coloniale, il y dénonce les effets psychologiques et sociaux de la racialisation et du colonialisme. Sa dénonciation porte notamment sur l’emprisonnement des individus, noirs ou blancs, dans un schéma épidermique racial, schéma que la citation précédente a par ailleurs contribué à façonner et à ancrer dans les imaginaires pendant la période coloniale. L’essentialisation des personnes d’ascendance africaine, apparue avec l’esclavage, s’est accrue durant la colonisation, avec la naissance de la science des races humaines. Tout comme la pigmentation de l’épiderme ou les caractères anatomiques, les caractères moraux ont été pensés comme étant déterminés à la naissance, pour chaque groupe humain. La notion d’identité ou de personnalité individuelles ne constitue alors pas un champ d’étude pour la science ou la psychologie des peuples qui se construit à partir du dernier tiers du XIXe siècle. La taxinomie de l’humanité, qui débute avec Linné au cours du XVIIIe siècle se poursuit jusqu’au milieu du XXe siècle. Depuis la couleur de peau et les tempéraments, jusqu’aux caractères psychologiques, intellectuels et culturels des peuples, les naturalistes, médecins, anthropologues et ethnographes tentent durant plus de deux siècles d’édifier des catégories raciales, avec des critères toujours plus précis et toujours plus nombreux, sans cesse déconstruits par l’évidence de l’impossibilité de classer les humains en groupes fixes et étanches.

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