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La psychiatrie française face aux migrants au milieu du XXe siècle

© Pedro Ribeiro Simões, Lisbon (1969) - Carlos Botelho (1899 - 1982), Centro de Arte Moderna (CAM), Calouste Gulbenkian Foundation, Lisboa, Portugal. Source (CC BY 2.0)

La psychiatrie française face aux migrants au milieu du XXe siècle


Marianna SCARFONE

Marianna Scarfone est historienne, Laboratoire SAGE - Université de Strasbourg et Institut Universitaire de France.

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Pour citer cet article :

Scarfone M. La psychiatrie française face aux migrants au milieu du XXe siècle. L’autre, cliniques, cultures et sociétés, 2023, volume 24, n°1, pp. 49-58


Lien vers cet article : https://revuelautre.com/articles-dossier/la-psychiatrie-francaise-face-aux-migrants-au-milieu-du-xxe-siecle/

La psychiatrie française face aux migrants au milieu du XXe siècle

Cet article met en lumière les spécificités et les transformations des paradigmes et des pratiques de la psychiatrie française au contact du phénomène migratoire au XXe siècle, à partir de dossiers cliniques et d’articles rédigés par des médecins. En observant d’un côté la permanence de certains éléments hérités du regard colonial, et de l’autre les premiers pas d’une approche plus sociale et moins stigmatisante de la «souffrance immigrée», il propose un premier bilan de la rencontre des patients immigrés avec les dispositifs psychiatriques français dans les années 1950.

Mots clés : colonisation, France, histoire, hôpital psychiatrique, migrant, migration, préjugé, psychiatrie sociale, relation dominant dominé, travail, XXe siècle.

French Psychiatry and migrants in the mid-20th century

This article addresses the paradigms and practices of French psychiatry as they relate to the migration phenomenon. Through an analysis of clinical files and scientific articles written by practitioners, it highlights the specificities and transformations that occurred within the sector in the mid-20th century. By observing on the one hand the persistence of certain elements inherited from the colonial gaze and on the other the first steps towards a more social and less stigmatising approach to « immigrant suffering », it provides an initial assessment of this encounter between immigrant patients and the French psychiatric system in the 1950s.

Keywords: 20th century, colonisation, dominant to dominated relationship, France, history, migrant, migration, prejudice, psychiatric hospital, social psychiatry, work.

La psiquiatría francesa frente a los migrantes a mediados del siglo XX

Este artículo destaca las especificidades y transformaciones de los paradigmas y prácticas de la psiquiatría francesa en contacto con el fenómeno migratorio del siglo XX, a partir de historias clínicas y artículos médicos. Al observar por un lado la permanencia de ciertos elementos heredados de la visión colonial, y por otro los primeros pasos de un abordaje más social y menos estigmatizador del «sufrimiento del inmigrante», el artículo ofrece una primera valoración del encuentro entre los pacientes inmigrantes y las estructuras psiquiátricas francesas en la década de 1950.

Palabras claves: colonización, Francia, historia, prejuicio, hospital psiquiátrico, migración, migrante, psiquiatría social, relación dominante-dominado, siglo XX, trabajo.

Dans les pages qui suivent, la question de la santé mentale des migrants sera appréhendée en objet d’histoire, inscrivant dans le temps présent une réflexion sur les ressources, les outils et les espaces que la psychiatrie et les instances de santé mentale ont alloués à la « souffrance immigrée » (Sayad, 1999), ainsi que sur les discours qui ont tenté de la décrypter, de la décrire et d’en trouver les origines. En mobilisant des études menées par les psychiatres lorsqu’ils se trouvent à observer des pathologies mentales chez des patients immigrés ainsi qu’à travers l’analyse de dossiers cliniques individuels1, cet article vise à mettre en lumière les spécificités et les transformations des paradigmes et des pratiques de la psychiatrie française au contact du phénomène migratoire au cours du XXe siècle2. En observant d’un côté la permanence de certains éléments hérités du regard colonial, et de l’autre les premiers pas de l’affirmation d’une approche plus sociale et moins stigmatisante de la « souffrance immigrée », il propose un premier bilan de la rencontre des patients immigrés et des structures psychiatriques françaises, se focalisant sur les décennies centrales du siècle passé.

Si la France commence à recruter des travailleurs étrangers dès la fin du XIXe siècle et pendant la Première Guerre mondiale, c’est surtout durant l’entre-deux-guerres que les flux s’accroissent de manière massive, faisant de la France de 1930 le pays avec le plus grand taux d’étrangers (Weil, 1991, p. 28). C’est également à partir de cette période qu’une frange de la profession psychiatrique s’inquiète de l’arrivée de populations originaires d’Afrique du Nord. La dénonciation par Frantz Fanon du traitement que ces sujets subissent dans les hôpitaux de la métropole (Fanon, 1952) est, au début des années 1950, encore isolée. D’autres psychiatres commencent toutefois à se saisir de la question, réalisant d’un côté des analyses statistiques et épidémiologiques, de l’autre proposant des étiologies. Si certains plaident pour des faiblesses individuelles que la migration n’aurait finalement fait que rendre manifestes3, d’autres voient dans les conditions de l’accueil et les difficultés connexes les facteurs déclencheurs des états pathologiques. Alors qu’une psychiatrie plus « sociale » souligne l’impact pathogène de la « transplantation »4, risquant néanmoins de perdre de vue les individus en les noyant dans des déterminants socio-culturels (Gouriou, 2008, pp. 146-150), des dispositifs de prise en charge de la santé mentale spécifiquement destinés aux migrants voient le jour.

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  1. Ma recherche s’est pour l’instant limitée aux dossiers des patients hospitalisés à la Clinique psychiatrique universitaire de Strasbourg. Je compte la poursuivre en analysant les dossiers produits par d’autres les institutions de soin, notamment en Île-de-France et dans la région de Marseille.
  2. Ne pouvant présenter par manque d’espace l’état de l’historiographie sur le sujet, je me limite à indiquer ici, en plus de l’incontournable thèse de Gouriou (2008) : Ward, 2002 ; Keller, 2007 (pp. 191-220) ; Guillemain, 2018 (pp. 99-106) ; Majerus et Richel, 2013 ; Larchanché, 2020 ; Rechtman, 2012.
  3. Confirmant l’idée – soutenue par le psychiatre norvégien Odegard dans les années trente et depuis constituant un jalon dans les recherches sur le lien étiologique entre psychiatrie et migration – que les personnes plus sujettes aux troubles seraient les plus enclines à migrer (Odegard, 1932).
  4. Voir les précisions terminologiques de Berner (1967, p. 1) : « le mot transplantation étant en général employé comme synonyme de migration, contient déjà en principe une certaine appréciation de l’ancrage de l’individu dans son milieu d’origine. Il recouvrirait le sens du terme déracinement si celui-ci n’impliquait pas une tonalité légèrement négative, l’individu déraciné étant considéré comme déjà perturbé ».