Article de dossier
Histoire et psychanalyse : un rendez-vous manqué ?
Publié dans : L’autre 2023, Vol. 24, n°1
Dossier : Histoire et cliniques 1
Hervé MAZUREL
Hervé Mazurel est historien, LIR3S, Université de Bourgogne.
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Pour citer cet article :
Mazurel H. Histoire et psychanalyse : un rendez-vous manqué ? Histoire des profondeurs et métamorphoses de l’affectivité I. L’autre, cliniques, cultures et sociétés, 2023, volume 24, n°1, pp. 27-38
Lien vers cet article : https://revuelautre.com/articles-dossier/histoire-et-psychanalyse-un-rendez-vous-manque/
Histoire et psychanalyse: un rendez-vous manqué? Histoire des profondeurs et métamorphoses de l’affectivité I
L’historien Hervé Mazurel revient ici sur le dialogue difficile, sinon manqué, de l’histoire et de la psychanalyse. Dans cette première partie d’un article en deux volets, il montre cependant l’influence grandissante qu’a eue la psychanalyse dans le renouvellement des objets et des approches de l’historien, non sans parfois de profonds malentendus. Progressivement, se dévoile la richesse d’un dialogue qui, à terme, permettra d’interroger l’historicité d’un inconscient encore trop souvent réduit à l’intemporel.
Mots clés : affect, histoire, psychanalyse, relation, sciences humaines.
History and psychoanalysis: a missed encounter? A history of the depths and metamorphoses of affectivity
Here the historian Hervé Mazuel returns to the difficult or possibly failed dialogue between history and psychoanalysis. In this first part f an article in two parts, he shows the increasing influence of psychoanalysis in the renewal of the objects of reflection and the historian’s approaches, despite several profound misunderstandings. Progressively we perceive the wealth of a dialogue which ultimately will make it possible to explore the historical dimension of an unconscious that is all too often reduced to the intemporal.
Keywords: affect, history, human sciences, psychoanalysis, relationship.
Historia y psicoanálisis: ¿una oportunidad perdida? Historia de las profundidades y metamorfosis de la afectividad I
El historiador Hervé Mazurel vuelve aquí al difícil, si no perdido, diálogo entre la historia y el psicoanálisis. En esta primera parte de un artículo dividido en dos, se muestra la creciente influencia que ha tenido el psicoanálisis en la renovación de los objetos y enfoques del historiador, a veces con profundos malentendidos. Poco a poco, se revela la riqueza de un diálogo que, al final, permitirá cuestionar la historicidad de un inconsciente todavía demasiado a menudo reducido a lo atemporal.
Palabras claves: afecto, ciencias humanas, historia, psicoanálisis, relación.
S’il est une frontière disciplinaire qui ne cesse d’étonner l’historien qui s’est donné pour tâche d’explorer la vie sensible, affective et intime des individus et des sociétés d’autrefois1, c’est bien celle qui sépare, étonnamment étanche, l’histoire et la psychanalyse. Tôt acquis à l’hypothèse freudienne de l’inconscient, je me suis toujours étonné de la relative pauvreté des relations entre ces deux disciplines dont le statut épistémologique est pourtant si proche (De Certeau, 2002) et, à dire vrai, de l’échec foncier et déjà ancien de leur dialogue.
Ce fut assurément le cas en France, où comme l’écrit Patrick Boucheron, « la discipline historique ne s’est jamais sérieusement confrontée à ce qui demeure, quoi qu’on en pense, la principale révolution cognitive du siècle ». « On pourrait dire, ajoute-t-il, qu’il y a là un authentique acte manqué – qui, en termes psychanalytiques, n’est jamais manqué pour tout le monde. Car en manquant la psychanalyse, l’historien réussit à sauver l’intégrité de sa discipline » (Boucheron, 2010, p. 45). Mais à suivre Peter Burke, le constat paraît sensiblement le même dans le monde anglo-saxon, où hormis quelques rencontres ponctuelles, et bien que l’espoir soit encore permis aux yeux de Dominick LaCapra (1987), de Lynn Hunt (2002) ou de Joann Scott (2012), la méconnaissance demeure :
Quelques historiens du culturel ont trouvé bon de penser à l’aide de concepts freudiens et continuent de faire ainsi, en s’appropriant d’ailleurs davantage ces idées qu’en ne se convertissant au freudisme. Pour que s’instaure une relation plus étroite, l’on se devra d’attendre le jour où les psychanalystes seront entraînés comme des historiens et vice versa, un idéal qui – en Grande-Bretagne, sinon en Californie – apparaît généralement aussi utopique que l’espoir platonicien de voir un jour les philosophes devenir rois (Burke, 2007, p. 15).
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