Le désorcèlement bocain sans hochets conceptuels

Séminaire "Besoin de croire", 2 mai 2017

Jeanne FAVRET-SAADA

Jeanne Favret-Saada est une ethnologue française.

Pour citer cet article :

https://revuelautre.com/lire-voir-ecouter/videos/desorcelement-bocain-hochets-conceptuels/

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Il y a plus d’un an, quand Daniel Delanoë a pris contact avec moi, il a proposé un titre pour mon exposé, « Les logiques de la sorcellerie du Bocage ». Je l’ai accepté parce qu’il avait au moins l’avantage de ne m’engager à rien. Très récemment, Delanoë m’a communiqué son article sur les « Places et fonctions des étiologies traditionnelles en consultation familiale transculturelle », ainsi que, peu après, plusieurs publications de votre groupe : j’ai alors compris le genre de travail auquel vous vous consacrez, et certains de ses présupposés me sont apparus. Le titre proposé voulait sans doute favoriser une comparaison entre la sorcellerie bocaine et celles que vous rencontrez dans vos consultations, des sorcelleries importées d’Afrique ou des Antilles. Je crains qu’un tel exercice ne soit prématuré, parce qu’il postule la pertinence universelle de certains concepts anthropologiques qui, en réalité, ont servi jusqu’il y a peu à qualifier des sociétés très distantes de la nôtre.

Je voudrais donc vous faire profiter de mon expérience — une ethnographie pratiquée dans mon propre pays — pour questionner des notions que vous employez couramment, telles que « culture » ou « tradition », ou pour examiner la question des « marqueurs symboliques » de la fonction de désorceleur, qui, selon la théorie anthropologique, seraient indispensables. Cet exercice va nous conduire à effectuer le travail comparatif que vous attendez de moi, et à interroger les positions depuis lesquelles nous parlons d’autrui comme anthropologues. Je terminerai sur la notion de « croyance », un terme que, pour ma part, j’ai banni de mon vocabulaire car il évoque l’adhésion d’autrui à certaines ontologies, en laissant dans l’ombre ce à quoi nous adhérons nous-mêmes, par exemple à une conception particulière de l’être humain.

De là, le titre que j’ai donné à cet exposé, « Le désorcèlement bocain sans hochets conceptuels ». Je vais examiner la manière dont se sont présentés, dans mon ethnographie du Bocage d’abord, le concept de tradition dans sa relation avec celui de territoire ; ensuite, la nécessité supposée de « marqueurs symboliques » pour la fonction de désorceleur ; et enfin, le concept de culture, qui nous fera reconsidérer l’emploi de la notion de croyance en anthropologie et peut-être en clinique.

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