Rêver, transformer, somatiser
Cet ouvrage, entre livre et revue, est conçu comme une monographie réunissant des textes consacrés à des journées d’études ayant eu pour thème général : Rêverie et somatisation. Perspectives psychosomatiques renouvelle l’ancienne revue Actualités psychosomatiques et reflète donc l’activité scientifique de l’AGEPSO, Association genevoise de psychosomatique. Disons tout de suite que ce premier volume est rassurant ; en effet, on ne saurait cacher que l’approche psychosomatique n’est plus tout à fait ce qu’elle a été il y a une vingtaine d’années. Il suffit de constater que beaucoup de services hospitaliers spécialisés en ce domaine ont fermé leurs portes. Il est vraisemblable que cette désaffection est corrélée avec la place réduite donnée aujourd’hui à la psychanalyse dans le champ médical.
Rassurant, avons-nous dit, parce que les articles de ce numéro poursuivent ou renouent avec une clinique attentive à l’histoire et aux singularités des patients et pas seulement à leurs symptômes et à leurs processus psychiques désincarnés. Bien sûr, les dimensions théoriques sont aussi présentes, l’exergue est même constituée par le fameux texte de Pierre Marty intitulé Mentalisation et psychosomatique devenu au fil du temps une sorte de manifeste de l’École psychosomatique de Paris. Pour ceux qui ne le connaitraient pas, je pense ici aux étudiants en psychiatrie et psychologie, sa compréhension nécessite quelques savoirs préalables de la psychanalyse mais cette réserve posée, le texte est clair, précis et donne les outils conceptuels fondamentaux de la clinique psychosomatique.
Rassurant aussi, parce que l’on y voit que les théories psychosomatiques se sont renouvelées -à l’image de cette revue – et intègrent aujourd’hui des notions postfreudiennes, au sens historique, comme par exemple la notion de transformation élaborée par Bion. Le premier texte, Capacité de rêverie et fonction maternelle de Jacques Press présente de façon originale les cadres de cette problématique, n’hésitant pas à rappeler les travaux classiques de Marty et Fain ou ceux de Bion, mais aussi des idées a priori éloignées du sujet comme celles du sinologue François Jullien ou du penseur indien Nagarjuna.
Il serait vain et inutile de prétendre résumer la douzaine d’articles qui composent ce volume tant ils sont différents et singuliers. Une douzaine car la plupart des articles de base sont doublés par un commentaire approfondi d’un autre chercheur. Ainsi Psychosomatique ou métaphore d’Antonino Ferro est discuté par Claire Rojas ou encore le texte de François Ansermet, L’au-delà du principe de plaisir, entre corps et psyché est commenté par Irène Nigolian. On nous pardonnera de ne pas citer tous les intervenants de Rêver, transformer, somatiser mais on aura compris qu’il s’agit bien d’une réalisation collective pour inaugurer cette première monographie de Perspectives psychosomatiques, nouvelle publication à laquelle il faut souhaiter une longue vie.