Le Rêve nécessaire. Nouvelles théories et nouvelles techniques de l’interprétation en psychanalyse
Plus d’un siècle après l’ouvrage princeps de Freud sur La science des rêves, ceux-ci demeurent pour la psychanalyse une voie royale. Quel que soit le génie de son auteur, et c’est là qu’on saisit la puissance des classiques, on ne peut s’en tenir à ses théorisations. Cet ouvrage montre bien que la méthode pour traiter le rêve en psychanalyse a bien changé. Comme le montre l’auteur, psychanalyste travaillant à Pavie, il ne s’agit plus en effet seulement de s’en tenir au décryptage d’une vérité du rêve, à la manière dont on procède avec un rébus, pour en extraire une vérité cachée. On ne travaille plus sur le rêve, mais avec le rêve.
C’est en effet que le rêve ne peut plus être considéré comme à l’époque positiviste comme une voie en quelque sorte cachée, donc avec une certaine méfiance. Le surréalisme est sans doute passé par là. Il n’est plus un message un peu trompeur dont les déguisements (le déplacement, la condensation,…) doivent être identifiés et neutralisés pour y découvrir un message caché. Il porte une valeur intrinsèque.
Dans cette réévaluation, l’originalité de Civitarese est la place qu’il fait dans son travail au cinéma. Bien que nés à la même époque, les rapports entre celui-ci et la psychanalyse n’ont sans doute pas encore été suffisamment exploités. Si le cinéma a trouvé dans la psychanalyse nombre de thématiques et de sujets de scénarios, Freud et ses successeurs se sont plus intéressés à la littérature et au théâtre. Parce qu’il est sans doute lui-même inséré dans notre civilisation de l’image animée omniprésente, Civitarese montre que pourtant le cinéma plus que tout autre art a une affinité profonde avec le rêve, tant dans ses aspects régressifs que dans ses procédés stylistiques. « Cinéma et rêve naissent du noir du sommeil et sont tous deux des simulacres de la réalité » Ils participent du même binôme activité/passivité.
S’appuyant sur de nombreux exemples de films contemporains, de The cell à Dark City, de The Matrix à Twin peaks, convoquant des cinéastes comme Bergman, Kurosawa ou Lars von Trier, il réexamine toute la tradition psychanalytique du rêve lequel apparait alors, plus encore que chez Freud, comme l’outil et le lieu essentiel de l’élaboration. L’analyse dans cette perspective serait alors plutôt comme le champ de rêves partagés par l’analyste et le patient engagés dans un même parcours onirique où chacun se fait son cinéma. Par cet exercice de rêverie à deux, qui rappelle évidemment celle de la mère et de son bébé selon Bion, le patient peut se détoxifier de ses émotions, leur donner sens et élargir ses possibilités de pensée.