Dans cet ouvrage, Thamy Ayouch s’attelle à répondre à une question clinique fondamentale : qui peut prendre la parole sur le divan ? Il ajoute à cette interrogation essentielle : comment cette personne peut-elle véritablement être entendue ?

Il interroge la manière dont les rapports sociaux, marqués par la race et la colonialité, influencent le dispositif psychanalytique. Il met en lumière le silence persistant qui entoure ces enjeux, et le soumet à une réflexion critique. Il poursuit son interrogation en posant cette question centrale : comment la psychanalyse s’inscrit-elle dans l’espace historique qui est le nôtre, et surtout, comment participe-t-elle, parfois malgré elle, à la reproduction de nouveaux processus de silencisation ? Car l’analyste, au même titre que tout individu, est inscrit dans les rapports de pouvoir qui structurent la société dans laquelle il exerce.

À travers de constants allers-retours entre les dimensions individuelle et collective, l’auteur propose un travail remarquable – et encore trop rare dans le contexte intellectuel français – qui aborde la question de la race pour ce qu’elle est réellement. Il le rappelle avec force : « la race n’existe pas ». Ou, plus précisément, elle n’existe pas dans le sens où on l’entend communément. Loin d’être une entité dotée d’une quelconque validité biologique permettant de distinguer des groupes humains de manière objective, la race doit être comprise comme un « rapport de pouvoir », une construction relationnelle qui hiérarchise les individus et répartit le travail. Lui de citer Colette Guillaumin, sociologue pionnière de la pensée antiraciste en France, qui écrivait déjà en 1970 : « Non, la race n’existe pas. Si, la race existe. Non, certes, elle n’est pas ce qu’on dit qu’elle est, mais elle est néanmoins la plus tangible, réelle, brutale des réalités. » Une réflexion qui fait écho aux propos de Camara Jones, spécialiste américaine de la question, pour qui la race est avant tout « une construction sociale qui capture précisément les impacts du racisme ».

Comment, dès lors, l’appareil psychanalytique prend-il en considération cet élément fondamental ? Pour répondre à cette question, l’auteur offre au lecteur de riches pistes de réflexion et explore des notions particulièrement éclairantes et indispensables, telles que la perpétuation de la subalternité, la colonialité, l’intersectionnalité, le racisme systémique, ainsi que les problématiques de racialisation et de racisation.

Il souligne en conclusion l’impérieuse nécessité pour la psychanalyse de s’engager dans une réflexion critique sur elle-même, afin de permettre à chaque individu de devenir sujet. À cette fin, il apporte des éclairages historiques et conceptuels d’une grande pertinence.

L’ouvrage traite avec franchise et profondeur des enjeux majeurs, indispensables à l’instauration d’un véritable dialogue autour de ces questions au sein de notre société.