Dossier
© A+E=Balbusso Source D.G.
Médiations en santé
Coordonné par Rahmeth RADJACK et Serge BOUZNAH
Publié dans : L’autre 2024, Vol. 25, n°3
Le dispositif de médiation transculturelle tel que nous le pratiquons aujourd’hui a vu le jour à la fin des années 19901 alors que se développait sous l’impulsion de Tobie Nathan, la clinique ethnopsychiatrique dans la consultation spécialisée du service de pédopsychiatrie de l’hôpital Avicenne à Bobigny. Plusieurs facteurs ont favorisé cette nouvelle pratique clinique, en premier lieu le contexte migratoire, avec la politique du regroupement familial impulsée dans les années 1970, et en corollaire la vulnérabilité des familles migrantes qui s’installent progressivement en France. La relation éducative des parents migrants avec leurs enfants est régulièrement scrutée et parfois interrogée, notamment dans les écoles et les lieux de soins, où les signalements peuvent amener certains parents migrants à se confronter aux services de la protection de l’enfance et de l’adolescence. Quant aux professionnels de l’Aide sociale à l’enfance (ASE) sollicités, ils se déclarent souvent désarmés face à ces nouveaux publics, se trouvent parfois pris dans des injonctions contradictoires et sont en quête de nouveaux outils. Très rapidement, afin de permettre la diffusion de ces nouvelles pratiques de médiation, est apparue la nécessité de former professionnels et interprètes. La création en 2015 du Diplôme universitaire (D.U) Pratiques de médiation et de traduction en situation transculturelle (Université Paris Descartes) puis en 2021 du D.U Médiations en santé – approche transculturelle (Université Paris Cité) a répondu à cet impératif. Pour la Haute Autorité de la Santé (HAS), la médiation en santé, consiste à créer des interfaces entre les différents acteurs du système et les personnes en difficulté dans leurs parcours de soins et de prévention. Dans une vision holistique de la santé, l’objectif est d’aider ces personnes – avec une logique de « faire avec », en prenant en compte leurs capacités et leur environnement de vie – à accéder justement aux soins et à la prévention. En favorisant l’alliance entre usagers et professionnels et en faisant vivre le concept d’empowerment, c’est-à-dire le développement du pouvoir d’agir des personnes en situation de vulnérabilité, la médiation transculturelle s’inscrit dans la fonction de médiateur en santé. En phase avec la définition de la santé par l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) comme « un état de complet bien-être physique, mental et social qui ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d’infirmité », nous avons souhaité dans ce dossier nous intéresser à la manière dont le dispositif de médiation pouvait se développer sur différents terrains professionnels. Devant le foisonnement de nouvelles pratiques initiées depuis 2015 par les professionnels ayant suivi ces diplômes universitaires, nous avons choisi les expériences les plus originales témoignant de l’inventivité de leurs auteurs mais aussi de la plasticité du concept de médiation transculturelle tel qu’il se développe sur les terrains aussi divers que l’hôpital public, le Samu social, les CMPP, l’école ou encore dans des pratiques de réseau dans différentes régions. Ces dispositifs pluriels ont en commun de s’inscrire dans le champ de la clinique transculturelle : ils se fondent sur la nécessité de prendre en compte la langue maternelle, l’histoire migratoire, les affiliations culturelles dans toute démarche de prise en charge qu’elle soit médicale, éducative, psychologique ou sociale. Nous donnons la parole à ces acteurs de terrain engagés qui créent avec énergie une nouvelle modernité en clinique. Les modalités d’adaptations concrètes et actuelles des dispositifs de médiation seront décrites sur différents terrains, tout en prenant en compte les défis liés aux logiques institutionnelles ou administratives.