Article original
Souffrances psychiques et refuge dans la religion
Dougoukolo Alpha Oumar KONARÉ
Dougoukolo Alpha Oumar Konaré est psychologue clinicien, docteur en psychologie, Université de Paris Descartes.
Marie Rose MORO
Marie Rose Moro est pédopsychiatre, professeure de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent, cheffe de service de la Maison de Solenn – Maison des Adolescents, CESP, Inserm U1178, Université de Paris, APHP, Hôpital Cochin, directrice scientifique de la revue L’autre.
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Pour citer cet article :
Konaré D.A.O, Moro MR. Souffrances psychiques et refuge dans la religion. Parcours de femmes au Mali. L’autre, cliniques, cultures et sociétés, 2014, volume 15, n°2, pp. 188-196
Lien vers cet article : https://revuelautre.com/articles-originaux/souffrances-psychiques-et-refuge-dans-la-religion/
Souffrances psychiques et refuge dans la religion: parcours de femmes au Mali
Au Mali, en Afrique de l’Ouest, les coutumes et traditions anciennes façonnent le quotidien des femmes et leurs proposent des solutions à leurs problèmes. Les femmes affrontent souvent leurs frustrations et difficultés émotionnelles dans la solitude. Nous montrerons à partir d’une étude anthropologique et clinique que dans ce contexte, la religion apparaît comme un outil essentiel leur permettant de gagner de l’indépendance et du réconfort. Cependant, cet outil est souvent mis à mal par ce qui est perçu comme une rigidité des figures religieuses, la pensée normative de leurs paires, et une crainte de l’aliénation sociale. L’utilisation de méthodes combinant la religion et l’écoute clinique pour répondre aux besoins des femmes est discutée comme perspective à ce travail.
Mots clés : féminisme, femmes, groupes thérapeutiques, Mali, religion.
Psychic Suffering and Refuge in Religion: the journey of Malian Women
In Mali, a West African country, social mores and ancient traditions shape the everyday lives of women and offer them solutions to their problems. Women oftentimes face frustration and emotional hardships in solitude. Based on an anthropological and clinical study, we demonstrate that religion appears as an essential tool allowing them to achieve independence and solace. However, this tool is frequently hindered as it is perceived as being rigid by religious figures and as a normative thought by their peers accompanied by the fear of being socially alienated. The use of methods combining religion and clinical counselling catered to women’s needs is discussed.
Keywords: feminism, Mali, religion, therapy groups, women.
Sufrimiento mental y refugio en la religión: trayectoria de las mujeres en Mali
En Mali, en el Africa del oeste, las costumbres y tradiciones antiguas determinan el día a día de las mujeres, proporcionándoles soluciones a diversos problemas. Frecuentemente las mujeres afrontan sus frustraciones y dificultades emocionales en medio de la soledad. A través de un estudio clínico y antropológico mostraremos que, en este contexto, la religión constituye un recurso fundamental que les permite ganar independencia y consuelo. Sin embargo la religión en este contexto se ve con frecuencia desestimada por ciertas ideas de una rigidez de las figuras religiosas, de un pensamiento normativo y del temor de la alienación social. La utilización de métodos que combinan la religión y la escucha clínica para responder a las necesidades de las mujeres es discutida en este artículo.
Palabras claves: feminismo, grupos terapéuticos, Malí, mujeres, religión.
Il se dit volontiers que les Maliennes se confient énormément aux marabouts, ou alors, que leurs familles et leurs amies remplissent le besoin de communication qu’elles ont. Nous avons travaillé au Mali, comme psychologue clinicien, durant le temps d’une thèse de doctorat sur les fonctions de l’investissement religieux, chez les musulmans maliens. Les patients rencontrés à l’hôpital, les participants potentiels introduits par des informateurs ou des religieux, nous ont donné un accès privilégié à la « clinique du fait religieux ». Les Maliennes, telles que nous les avons rencontré, ont questionné par leurs récits les discours préconçus sur elles, et permettant de maintenir une façade socialement convenable. Dans la clinique, c’est d’ailleurs un élément récurrent, comme avec cette patiente, reconnaissant qu’il faut « garder la face » par rapport à la famille de son mari, famille qui, dès le début de l’union, est peu perçue comme une famille contenante et inclusive. Dans les traditions de ce pays du Sahel occidental qu’est le Mali, avec une population à plus de 90 % musulmane1, les épouses vont habiter chez leurs maris, et non l’inverse. Les visites de leurs parents sont comme taboues : il ne faut pas s’immiscer dans le ménage de sa fille, sous peine de la fragiliser, devant sa belle-famille.
Dans cet article, ce sont les possibilités thérapeutiques offertes et le lien à la religion islamique, chez les femmes maliennes, que nous tenterons d’explorer, avec comme support notre travail de recherche. Il s’agira de montrer les différents modes par lesquels les femmes maliennes arrivent à se saisir de la religion, pour transcender leur sentiment de solitude et leurs souffrances psychiques.
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