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© Héloïse Marichez, septembre 2022, Paris. DG

© Héloïse Marichez, septembre 2022, Paris. Source D.G.

Faire face aux risques de l’accompagnement des demandeurs d’asile en situation de précarité

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Javier SANCHIS ZOZAYA

Javier Sanchis Zozaya est psychiatre cadre, Centre Hospitalier Universitaire Vaudois (CHUV), Département de Psychiatrie, Service Universitaire de Psychiatrie de l’Enfant et de l’Adolescent (SUPEA), Av. d'Echallens 9, 1004, Lausanne, Suisse.

Régis MARION-VEYRON

Régis Marion-Veyron est médecin-psychiatre à la consultation de Chauderon, Policlinique du Département de Psychiatrie du CHUV, avenue d’Echallens 9, 1004 Lausanne (Suisse).

Konstantinos TZARTZAS

Konstantinos Tzartzas est psychiatre cadre, Centre Universitaire de Médecine Générale et Santé Publique (Unisanté), Département des policliniques, Rue du Bugnon 44, 1011, Lausanne, Suisse.

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Pour citer cet article :

Sanchis Zozaya  J, Marion-Veyron R, Tzartzas K. Faire face aux risques de l’accompagnement des demandeurs d’asile en situation de précarité. L’autre, cliniques, cultures et sociétés, 2023, volume 24, n°1, pp. 102-112

Lien vers cet article : https://revuelautre.com/articles-originaux/faire-face-aux-risques-de-laccompagnement-des-demandeurs-dasile-en-situation-de-precarite/

Faire face aux risques de l’accompagnement des demandeurs d’asile en situation de précarité

Prendre en charge des populations dans une grande précarité, comme les demandeurs d’asile, est un défi à de multiples niveaux. Souvent, les enjeux émotionnels sont peu ou pas pris en compte, notamment pour les professionnels en première ligne. Il y a des risques à connaître, pour savoir les repérer, les réduire et, dans certains cas, pour savoir quand il faudra prendre soin de l’équipe de professionnels et même des institutions.

Les concepts de trauma vicariant et de fatigue de compassion sont connus depuis des décennies. Des études décrivent l’impact émotionnel que les professionnels de première ligne peuvent éprouver et l’importance des formations et les supervisions pour le réduire. Mais nous irons plus loin, pour nous interroger davantage sur «ce qui est transmis et comment» et l’articuler avec un phénomène moins connu, celui de la contagion au sein de l’institution, et l’impact désastreux qu’il peut avoir sur toute l’organisation des services sanitaires et d’accueil.

Sur la base de l’expérience accumulée dans le domaine de la supervision d’équipes, nous proposerons quelques pistes de réflexion.

Mots clés : analyse de la pratique, demandeur d’asile, émotion, épuisement professionnel, précarité, professionnel de santé, relation soignant soigné, souffrance psychique, supervision, traumatisme psychique, traumatisme vicariant.

Confronting the risks of accompanying asylum seekers in vulnerable situations

Taking care of populations with high levels of insecurity, such as asylum seekers, is a challenge on many levels. Often, emotional issues are insufficiently or not at all considered, especially among professionals on the front line. There is a need to be aware of these risks, to know how to spot them, to reduce them and in some cases, to know when to take care of the team of professionals and even the institutions.

The concepts of vicarious trauma and compassion fatigue have been known for decades. Studies describe the emotional impact that frontline professionals can undergo and the importance of training and supervision in reducing it. But we will go further, to explore further «what is transmitted and how» and articulate it with a less well known phenomenon, that of contagion within the institution, and the disastrous impact it can have on the whole organization of health and support services.

Based on the experience accumulated in the field of team supervision, we provide some perspectives for reflection.

Keywords: analysis of practice, asylum seekers, caregiver/patient relationships, emotion, health professionals, mental suffering, professional exhaustion, psychic trauma, supervision, vicarious trauma, vulnerability.

Enfrentar los riesgos del seguimiento de los solicitantes de asilo en situación de precariedad

Tratar a las poblaciones en situación de gran precariedad, como los solicitantes de asilo, es un reto a múltiples niveles. A menudo, se tienen poco o nada en cuenta las cuestiones emocionales, sobre todo de parte de los profesionales de primera línea. Hay que conocer los riesgos, saber detectarlos, reducirlos y, en algunos casos, saber cuándo hay que atender al equipo de profesionales e incluso a las instituciones.

Los conceptos de trauma vicario y fatiga por compasión se conocen desde hace décadas. Los estudios científicos describen bien el impacto emocional sobre los profesionales de primera línea y la importancia de la formación y la supervisión para reducirlo. En este artículo iremos más allá, para analizar «qué se transmite y cómo» y vincularlo a un fenómeno menos conocido, el del contagio dentro de la institución, y el impacto desastroso que puede tener en toda la organización de los servicios de salud y acogida.

Basándonos en nuestra experiencia en el ámbito de la supervisión de equipos, aportaremos algunos elementos de reflexión.

Palabras claves: análisis de la práctica, emoción, fatiga profesional, precariedad, profesionales de salud, relación cuidador-paciente, solicitante de asilo, sufrimiento psíquico, supervisión, traumatismo psíquico, traumatismo vicario.

Prendre en charge des populations en grande précarité, en particulier les demandeurs d’asile, est un défi majeur pour la santé publique, tant du point de vue de la politique d’accueil, de l’organisation des institutions que des soins proposés (Priebe et al., 2016). Les professionnels en première ligne, c’est-à-dire les soignants de premier recours, les éducateurs, les assistants sociaux et les enseignants sont souvent les acteurs principaux dans la mise en œuvre concrète de ces prises en charge. Pourtant, les enjeux émotionnels auxquels ces professionnels sont confrontés, les rôles qu’ils endossent et la complexité des situations qu’ils rencontrent, ne sont, trop souvent encore, pas pris suffisamment en compte. Le risque de trauma vicariant ou de fatigue de compassion est alors particulièrement grand.

Pour offrir un accompagnement ajusté aux besoins des bénéficiaires, les professionnels doivent tisser un lien avec eux et posséder la capacité de percevoir et de se représenter leur vécu émotionnel. Ce phénomène qu’on appelle empathie n’est pas sans effets collatéraux car les professionnels seront aussi affectés en retour. De multiples études ont décrit cet impact émotionnel, en particulier quand les professionnels sont confrontés à la détresse et/ou au vécu traumatique de leurs bénéficiaires (Boyle, 2011, 2015 ; Adams, 2006 ; Lachal, 2006). Plus précisément ici, « être affecté » peut signifier l’apparition des sentiments d’inutilité, d’incompétence et d’impuissance, voire, dans les cas les plus extrêmes, remettre en question la vocation du professionnel. Ce phénomène ne s’arrête pas seulement aux répercussions individuelles et peut s’étendre à une équipe entière ou même à une institution dans son ensemble. Ces phénomènes de contagion (Obholzer & Zagier Roberts, 1994) peuvent ainsi être délétères tant sur le plan humain qu’économique. Chercher des moyens pour repérer et pour limiter les risques et les conséquences néfastes de la souffrance ressentie par les professionnels est alors indispensable pour ce type d’interventions. Savoir quand et comment prendre soin de l’équipe des professionnels, et parfois de l’institution elle-même, devient un enjeu central. Les supervisions d’équipe sont une des réponses prioritaires et elles ont largement montré leur efficacité (Von Roy et al., 2015 ; Franza et al., 2015).

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