Article de dossier
© ho visto nina volare, Villaggio Serer, Senegal 2006. Source (CC BY-SA 2.0)
L’observation du bébé au Sénégal : entre mauvais œil et mauvaise langue
Publié dans : L’autre 2014, Vol. 15, n°2
Dossier : À Dakar aujourd’hui
Idrissa BA
Rosella SANDRI
Oumou LY KANE
Mame Absa DIENG
Ba I, Sandri R. Formation à l’Observation selon Esther BICK. Mise en place d’un groupe au Sénégal, Perspectives. Psychopathologie africaine 2009-2010; 35 (3): 259-278.
Bick E. Notes on infant observation in psychoanalytic training. International Journal of Psychoanalysis 1964; 45: 558-566.
Delion P, éditeur. La méthode d’observation des bébés selon Ether Dick. Ramonville: Erès; 2008.
Gueye M. Les psychoses puerpérales en milieu sénégalais (A Propos de 92 Observations). Thèse. UCAD, Dakar, 1976.
Ly OD. Souffrance psychique, imaginaire et intervention dans la tradition. La valeur d’une interaction. Psychopathologie africaine 1997; 28 (3): 339-356.
Meltzer D. Conférence sur l’objet esthétique. Bulletin du Gerpen 1984; 3.
Pour citer cet article :
Ba I, Sandri R, Ly Kane O, Dieng M A. L’observation du bébé au Sénégal : entre mauvais œil et mauvaise langue. L’autre, cliniques, cultures et sociétés, 2014, vol. 15, n°2, pp. 141-152
Lien vers cet article : https://revuelautre.com/articles-dossier/lobservation-du-bebe-au-senegal-entre-mauvais-oeil-et-mauvaise-langue/
L’observation du bébé au Sénégal : entre mauvais œil et mauvaise langue
La formation à la méthode d’observation des bébés d’Esther Bick a débuté au Sénégal avec beaucoup d’appréhension du fait de croyances culturelles et des représentations sociales. En effet, au Sénégal, « le mauvais œil » et « la mauvaise langue » sont très souvent convoqués pour expliquer des difficultés, des maladies dans les populations. Très rapidement, le sujet en question est désigné comme ayant été l’objet du mauvais regard, du regard qui tue et de la méchante langue, celle qui nuit. L’on comprend aisément alors les appréhensions à mettre en place une méthode basée exclusivement sur l’observation, quand on sait que la croissance d’un bébé est jalonnée de petites affections, en allant des poussées de fièvre à celles dentaires. Au terme de deux années de formation à l’observation du bébé, les auteurs se proposent, à partir du matériel clinique recueilli au cours de l’observation de deux bébés, de revenir sur les différents moments où le mauvais œil et la mauvaise langue ont pu être évoqués.
Mots clés : Esther Bick, mauvais œil, mauvaise langue, Observation des bébés, psychanalyse, représentations culturelles, Sénégal.
Infant observation in Senegal: between “evil eye” and “bad language”
The training method of infant observation began in Senegal with apprehension because of cultural beliefs and social representations. Indeed, in Senegal, “the evil eye” and “bad language” are often summoned to explain difficulties, diseases in populations. Very quickly, the subject is identified as having been the subject of evil look, the look that kills and the wicked tongue, that that night. It is then understandable fears to implement a method based solely on observation, when we know that the growth of a baby is littered with small ailments, ranging from fevers to those teeth. At the end of their two years of training in infant observation by Esther Bick, the authors suggest, from clinical material collected during the observation of two babies back to different times when the evil eye and bad language would have been raised during the observation of two babies.
Keywords: bad eye, bad language, cultural representations, Esther Bick, Infant Observation, psychoanalysis, Senegal.
La observación de bebés en Senegal: entre el mal de ojo y la mala lengua
La formación en el método de observación de bebés de Esther Bick comenzó en Senegal con muchas reservas, debido al sistema de creencias y de representaciones sociales. En Senegal el “mal de ojo” y “la mala lengua” son frecuentemente evocados como explicaciones a las dificultades o enfermedades en la población. Con cierta facilidad el sujeto afectado es señalado como víctima de una mirada maléfica, de una mirada que mata y de una mala lengua que perjudica. Desde esta perspectiva todas las reservas a un método basado exclusivamente en la observación son comprensibles, teniendo en cuenta que en el desarrollo normal de todo bebé hay afecciones variadas como las crisis de fiebre o la salida de los dientes. Después de dos años de formación en observación de bebés, los autores pretenden, a partir del material clínico recolectado en el transcurso de la observación de dos bebés, examinar los momentos en los que el mal de ojo y la mala lengua fueron evocados.
Palabras claves: Esther Bick, mal de ojo, mala lengua, Observación de bebés, psicoanálisis, representaciones culturales, Senegal.
En 1948 Esther Bick, psychanalyste polonaise, vivant en Angleterre, a introduit dans la formation à la psychothérapie d’enfants, dans le cadre de la Tavistock Clinic, l’observation régulière d’un nourrisson dans sa famille, de la naissance à deux ans. L’observateur se rend une fois par semaine pendant une heure dans la famille où il observe le bébé dans son environnement. Tout en essayant de ne pas influencer l’interaction, il prend des notes détaillées, notes qui seront partagées et discutées dans un groupe de supervision hebdomadaire animé par un analyste formé à la méthode. Cette méthode, exposée par Bick dans une publication (1964) est depuis largement utilisée dans la formation de thérapeute d’enfants, et fait l’objet de nombreux travaux1.
La formation à l’observation des bébés a débuté au Sénégal (Ba, 2009-2010) avec beaucoup d’appréhensions liées aux croyances culturelles. En effet, au Sénégal, « le mauvais œil » et la « mauvaise langue » sont souvent évoqués pour expliquer des difficultés ou des maladies. Très rapidement, le sujet malade est désigné comme ayant été l’objet du mauvais regard, du regard qui tue et de la méchante langue, celle qui nuit.
L’on peut comprendre alors certaines appréhensions à mettre en place une formation basée sur l’observation, quand on sait que la croissance d’un bébé est jalonnée de petites affections, en allant des poussées de fièvre à celles dentaires, jusqu’aux maladies qui peuvent mettre en danger la vie du bébé.
Tout au début de la formation, certains participants avaient signalé leur inquiétude en disant : « Comment observer un bébé en Afrique où la notion de persécution, de mauvais œil est très présente ou quand on nous prend pour un sorcier ? ».
L’œil, le regard, est l’un des plus puissants moyens de communication humaine. C’est un moyen majeur d’expression des émotions, des sentiments « bons » et « mauvais ». Il comporte un langage parfois caché qu’il faut déchiffrer. C’est en ce sens qu’il faut pointer toute l’ambivalence du regard.
Nous allons tenter d’explorer l’œil, le regard dans ses significations et sa portée dans notre culture sénégalaise et son impact sur la formation à l’observation des bébés que nous avons mis en place au Sénégal.
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