Article de dossier
© MSF Hollande BARDA, AZERBAIJAN, ASIA, 30.01.94. Mourning woman at a grave. Source D.G.
Le pardon, acte spirituel, acte psychique
Publié dans : L’autre 2012, Vol. 13, n°1
Dossier : Le religieux : du sacré au social
Claire MESTRE
Claire Mestre est psychiatre, psychothérapeute, anthropologue, responsable de la consultation transculturelle du CHU de Bordeaux, Présidente d’Ethnotopies, co-rédactrice en chef de la revue L’autre.
Pour citer cet article :
Mestre C. Le pardon, acte spirituel, acte psychique. L’autre, cliniques, cultures et sociétés, 2012, volume 13, n°1, pp. 18-28
Lien vers cet article : https://revuelautre.com/articles-dossier/le-pardon-acte-spirituel-acte-psychique/
Le pardon, acte spirituel, acte psychique
Le pardon est comme l’amour, la joie, il est et ne s’explique pas ; il ne se réduit pas à un seul domaine des sciences humaines, il appartient à plusieurs. Il semble bien qu’il ait d’abord appartenu à la tradition monothéiste avant d’avoir pour destin de se mondialiser. Ce qui m’intéresse ici, c’est la place du pardon dans la psychothérapie, son effet sur le psychisme. Le pardon, comme acte volontaire, comme parole à la force illocutoire d’exécution, induit un processus psychique, mais ne s’y substitue pas totalement, il transforme une pensée et parfois s’apparente au processus du deuil. Il brise le cycle infernal de la relation vengeresse et délie l’homme de ses actes. Ainsi, il ne peut être réduit à la seule dimension psychanalytique, d’où l’impératif du complémentarisme : c’est au point de contact de cet acte spirituel et psychique que se produisent le changement et la transformation de la pensée et de la psyché. Son impact est analysé à travers deux vignettes cliniques issues de la consultation transculturelle : dans la première situation, une fille pardonne à sa mère mourante, et dans la seconde une mère morte à son fils survivant.
Mots clés : cas clinique, concept, ethnopsychiatrie, pardon, processus psychique, psychothérapie, travail de deuil.
Pardonning, spiritual act, psychological act
Forgiveness is like love or happiness : it is and cannot be explained, it cannot be referred to a single field of the social sciences, it belongs to several. It seems that it comes from a monotheist tradition then its fate was to become globalized. What interests me here, is the place of forgiveness in psychotherapy, its effect on the psyche. Forgiveness, as a voluntary act, as a word in the illocutoire strength of execution, induces a psychic process, but does not substitute itself for it totally, it transforms a thought, and sometimes is similar to the mourning process. It breaks the vicious cycle of the avenging relation, and frees the man of his acts. So, he cannot be reduced to the only psychoanalytical dimension, therefore the necessity of the « complementarism » : it is at the contact point of this spiritual and psychic act that the change and the transformation of the thought and the psyche is produced. Its impact is analyzed through two clinical stories stemming from the transcultural consultation : in the first situation, a girl forgives her dying mother, and in the second a dead mother to her surviving son.
Keywords: case study, concept, ethnopsychiatry, forgiveness, mourning, psychological process, psychotherapy.
El perdón, acto espiritual, acto psíquico
El perdón es como el amor, como la felicidad, es decir, existe pero no se puede explicar ; él no se reduce a un solo campo de las ciencias humanas sino que pertenece a varios de ellos. Parece que el perdón perteneció en un principio a la tradición monoteísta antes de mundializarse. Lo que me interesa en este trabajo es el lugar del perdón en la psicoterapia, su efecto sobre el psiquismo. El perdón como acto voluntario, como palabra con fuerza de acción, induce un proceso psíquico pero no se substituye totalmente a este proceso, él transforma un pensamiento y a veces se asemeja al proceso de duelo. El perdón rompe el círculo infernal de la relación vengativa y libera al hombre de sus actos. De esta manera el perdón no puede ser reducido a la sola dimensión psicoanalítica, de ahí el imperativo del complementarismo : es en el punto de contacto de este acto espiritual y psíquico que se produce la transformación del pensamiento y del psiquismo. El impacto del perdón es analizado a través de dos situaciones clínicas provenientes de la consulta transcultural : en la primera situación una hija perdona a su madre agonizante y en la otra una madre muerta a su hijo sobreviviente.
Palabras claves: casi clínico, concepto, ethnopsiquiatría, perdón, proceso psíquico, psicoterapia, trabajo de duelo.
Le pardon est comme l’amour, la joie, il est et ne s’explique pas ; il ne se réduit pas à un seul domaine des sciences humaines, il appartient à plusieurs. Il semble bien qu’il ait d’abord appartenu à la tradition monothéiste avant d’avoir pour destin à se mondialiser. Ce qui m’intéresse ici, c’est la place du pardon dans la psychothérapie, son effet sur le psychisme. La psychothérapie transculturelle a la particularité de rendre possible la rencontre entre un thérapeute et un patient qui n’ont pas la même culture et parfois ne parlent pas la même langue. Ceci est possible par un dispositif unissant un groupe thérapeutique pluridisciplinaire et des traducteurs. J’aborderai la question par deux situations cliniques où il a été question de pardon. À partir d’elles sont nées plusieurs questions : qu’apporte le pardon ? Peut-on pardonner à un mort ? Un mort peut-il pardonner ? Le pardon, comme acte volontaire, comme parole à la force illocutoire d’exécution, induit un processus psychique, mais ne s’y substitue pas totalement, il transforme une pensée, et parfois s’apparente au processus du deuil.
Le pardon nécessite les domaines de la philosophie, de l’anthropologie et de la religion pour être un peu compréhensible. Il ne peut être réduit à la seule dimension psychanalytique, d’où l’impératif du complémentarisme : c’est au point de contact de cet acte spirituel et psychique que se produisent le changement et la transformation de la pensée et de la psyché.
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