Article de dossier
La culture comme levier thérapeutique en milieu carcéral néo-calédonien
Publié dans : L’autre 2018, Vol. 19, n°1
Dossier : Cliniques transculturelles 4
Orane HMANA
Orane Hmana est doctorante en psychologie interculturelle, LCPI, Université de Toulouse-II Jean Jaurès.
Zohra GUERRAOUI
Zohra Guerraoui est psychologue interculturelle et maître de conférences en psychologie interculturelle, Laboratoire Cliniques Psychopathologique, Interculturelle (LCPI, EA 4591), Université Toulouse 2 Jean Jaurès. Ses travaux portent sur les processus d’interculturation, identité interculturelle, adolescents en difficulté (délinquance), familles migrantes, transmission en situation de migration. Elle intervient également auprès d’adolescents.
Yoram MOUCHENIK
Yoram MOUCHENIK est Psychologue-clinicien. Membre du comité de rédaction de la revue "L’autre". Professeur en psychologie clinique interculturelle à l’Université Paris 13. Responsable de l’équipe de recherche en psychologie inter et transculturelle du Laboratoire URTPP.
Patrick DENOUX
Patrick Denoux est professeur de Psychologie Interculturelle, Université Jean Jaurès, allées Antonio Machado, 31058 Toulouse Cedex 9.
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Pour citer cet article :
Hmana O, Guerraoui Z, Mouchenik Y, Denoux P. La culture comme levier thérapeutique en milieu carcéral néo-calédonien. L’autre, cliniques, cultures et sociétés, 2018, volume 19, n°1, pp. 71-80
Lien vers cet article : https://revuelautre.com/articles-dossier/la-culture-comme-levier-therapeutique-en-milieu-carceral-neo-caledonien/
La culture comme levier thérapeutique en milieu carcéral néo-calédonien
Cet article se propose d’apporter un éclairage sur la situation des détenus du centre pénitentiaire du Camps-Est à Nouméa en Nouvelle-Calédonie. Ce travail de terrain questionne la place de la culture dans les prises en charge médico-psychologiques des personnes incarcérées. En Nouvelle-Calédonie, où 90 % de la population carcérale appartient à la communauté Kanak, il devient nécessaire de relativiser le recours au regard européo-centré et de mettre en place des dispositifs de soins interculturels dont le sujet-détenu serait l’acteur.
Mots clés : culture, détenu, identité, Kanak, Nouvelle-Calédonie, prison, psychologie, soin interculturel.
Culture as a therapeutic lever within the Neo-Caledonian prison environment
The goal of this article is to provide insight on the situation of detainees in the Camps-Est detention center, located in Noumea, New-Caledonia. This field research considers the status of culture with respect to medical and psychological care provided to prisoners. In New Caledonia, where 90 % of the prison population belongs to the Kanak community, it becomes necessary to avoid a Europe oriented perspective and to implement intercultural care in which the subject-detainee could be an actor.
Keywords: psychology, culture, intercultural care, prison, detainee, identity, New Caledonia, Kanak.
Keywords:
La cultura como posibilidad terapéutica en un entorno carcelario de Nueva Caledonia
Este artículo pretende estudiar la situación de los detenidos en la prisión de East Camps en Noumea, Nueva Caledonia. Este trabajo de campo cuestiona el lugar de la cultura en la atención médico-psicológica de los presos. En Nueva Caledonia, donde el 90 % de la población reclusa pertenece a la comunidad de Kanak, se hace necesario poner en perspectiva el enfoque centrado en Europa y establecer sistemas de atención intercultural en donde el sujeto-prisionero sería el actor.
Palabras claves: psicología, cultura, atención intercultural, prisión, detenido, identidad, Nueva Caledonia, Kanak.
Palabras claves:
Cet article s’appuie sur un travail de terrain d’une durée de 6 mois ; effectué en milieu carcéral, dans le cadre d’une recherche de doctorat en psychologie interculturelle portant sur les conduites à risque des jeunes calédoniens.
Durant cette expérience de terrain, l’effectif carcéral total était en moyenne d’environ 434 personnes détenues et écrouées (pour une capacité opérationnelle de 427 places) dont la majorité appartenait à la communauté Kanak et polynésienne. Face au nombre considérable d’océaniens en prison, il est apparu d’emblée très pertinent de centrer notre réflexion sur la place de la culture dans la pratique psycho thérapeutique calédonienne.
De plus, même si cet article questionne la pratique, il nous amène également à nous interroger sur la place du chercheur en milieu carcéral. La stagiaire, doctorante Kanak, également originaire de Nouvelle-Calédonie a été acceptée par l’ensemble de la détention et a dû apprendre à jongler avec les multiples discours en présence : celui de l’administration pénitentiaire, celui du pôle médical et celui des personnes détenues. Mais comment se positionner en tant que chercheur face à une diversité de points de vue pour partie complémentaires et pour partie antinomiques ?
Comment exister quand une partie de soi est gommée et remplacée par un numéro d’écrou ?
Le Centre Pénitentiaire de Nouméa dénommé « Camp Est » et surnommé localement « l’île de l’oubli », était à son origine un dépôt de bagne1. En 1927, il prend le statut de Prison Civile. Situé géographiquement sur la presqu’île de Nouville, en périphérie de la ville de Nouméa, il est implanté en bord de mer et s’étend sur un domaine de dix-neuf hectares dont six sont consacrés à l’enceinte de la détention. Unique établissement pénitentiaire de la Nouvelle-Calédonie, il accueille sous six régimes différents2 l’ensemble des personnes incarcérées3 des trois provinces du territoire4.
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- De 1843 à 1894 la France a déporté vers le bagne néo-calédonien des forçats condamnés et prisonniers politiques d’Algérie arrêtés après la révolte kabyle de 1871 (Merle, 1995).
- Le centre pénitentiaire abrite six régimes de détention différents que sont : la maison d’arrêt des femmes, la maison d’arrêt des hommes, le centre de détention fermé, le centre de détention ouvert, le quartier des mineurs et des jeunes majeurs ainsi que le quartier de semi-liberté ou de préparation à la sortie.
- Le Camp-Est a pour vocation d’accueillir tout type de population pénale : les femmes, les hommes, les mineurs, les prévenus et les condamnés quelle que soit la longueur de leur peine.
- La Nouvelle-Calédonie se compose de trois provinces : la Province Sud, la Province Nord et la Province des Iles Loyautés.