Article de dossier

© Brickski, The most sensational, celebrational Bunraku puppets at National Bunraku Theatre, Osaka, Japan, 22 avril 2006. Source (CC BY 2.0)

Du théâtre Nô au psychodrame

Une application du théâtre masqué japonais aux pathologies de l’agir


Xavier BLONDELOT

Xavier Blondelot est doctorant en psychopathologie, ATER, Laboratoire LCPI, Université Toulouse II Jean Jaurès.

Banu P. L’acteur qui ne revient pas, journées de théâtre au Japon. Paris: Gallimard; 1986.

Chapelier J.-B. Les psychothérapies de groupe. Paris: Dunod; 2000.

Forget J.-M. L’adolescent face à ses actes… et aux autres: une clinique de l’acte. Toulouse: Erès; 2005.

Freud S. (1913) Le Début du traitement. In: La technique psychanalytique. PUF; 2007. p. 80-104.

Freud S. (1914) Remémoration, répétition, perlaboration. In: La technique psychanalytique. Paris: PUF; 1970. p. 140-152.

Lacan J. (1963) Le Séminaire Livre X: L’angoisse. Paris: Le Seuil; 2004.

Melman C. (2002) L’homme sans gravité. Jouir à tout prix. Paris: Gallimard; 2010.

Sauret MJ. L’effet révolutionnaire du symptôme. Toulouse: Erès; 2008.

Pour citer cet article :

Blondelot X. Du théâtre Nô au psychodrame. Une application du théâtre masqué japonais aux pathologies de l’agir. L’autre, cliniques, cultures et sociétés, 2015, volume 16, n°3, pp. 306-314


Lien vers cet article : https://revuelautre.com/articles-dossier/du-theatre-no-au-psychodrame/

Du théâtre Nô au psychodrame. Une application du théâtre masqué japonais aux pathologies de l’agir

Notre pratique est souvent confrontée en institution à des enfants, des adolescents étiquetés troubles du comportement. Afin de répondre à une demande institutionnelle concernant ces sujets, nous avons mis en place l’atelier masque, un dispositif appliquant au psychodrame les principes venant d’une forme de théâtre japonais, le nô. Avec comme idée clé la mise en parole en lieu et place de la mise en acte, ou comment réarticuler la pulsion scopique à la pulsion invocante et permettre à ces jeunes une réappropriation de leur inconscient, de cesser les mises en acte et devenir acteurs de leurs dires.

Mots clés : acting, adolescent, enfant, Japon, masque, psychodrame, psychothérapie de groupe, théâtre, trouble du comportement.

From Noh theater to psychodrama. Using the masked Japanese theater for the pathology of acting out

Our practice is often confronted in institution with children and teenagers that are labeled as having behavioral disorders. Answering an institutional demand concerning these subjects, we set up the therapeutic group mask, a method that applies the principles coming from a form of Japanese theater called Noh to the psychodrama. With the key idea of wording instead of acting, or how to re-articulate the scopic drive instead of the invoking drive and to allow these young people to reappropriate their unconscious, to stop enactments and to become the actors of their statements.

Keywords: acting, adolescent, behavior disorder, child, group psychotherapy, Japan, mask, psychodrama, theatre.

Del teatro Nô al psicodrama. Una aplicación del teatro enmascarado japonés a las patologías de la acción

Nuestra práctica se confronta frecuentemente en institución a niños y a adolescentes con trastornos de conducta. Para responder a una demanda institucional a propósito de estos sujetos, hemos desarrollado un taller de máscaras, un dispositivo que aplica al psicodrama los principios procedentes de una forma de teatro japonés, el Nô. La idea es reemplazar el pasaje al acto por el pasaje por la palabra, o buscar la manera de restructurar la pulsión escópica en la pulsión invocante y así permitirle a estos jóvenes una reapropiación de su inconsciente, de terminar con sus pasajes al acto y de convertirse en actores de sus discursos.

Palabras claves: acting, adolescente, Japón, máscara, niño, psicodrama, psicoterapia de grupo, teatro, trastorno de conducta.

Le théâtre nô de par sa mise en scène présente des similitudes avec la cure psychanalytique. Son origine semble se trouver dans des rites chamaniques, mais il ne s’agit pas de catharsis, d’abréaction des émotions. Ce n’est pas l’affect qui prime, nous pourrions même dire qu’il y est réprimé. Ce qui est premier c’est la symbolisation. La décision de mettre en place ce groupe thérapeutique est issue d’une expérience accumulée dans la connaissance du Nô, au travers de recherches et de rencontres1. Nous voulions mettre en place un projet qui fait réponse à un besoin institutionnel. L’application du Nô à la thérapie suppose un appui conceptuel sur le psychodrame avec des aménagements spécifiques, en adéquation avec les pathologies concernées de l’enfance et de l’adolescence. En particulier la clinique de l’agir.

Sur plusieurs points le Nô rencontre la psychanalyse. Tout d’abord, c’est un théâtre qui se joue à deux, un Shite et un Waki. Le premier est littéralement celui qui fait, le second celui qui comprend. Soit un analysant qui dit, voire qui met en acte, et un analyste qui écoute, oriente le fil associatif. Le Shite est là pour raconter son histoire. C’est un fantôme qui, pour quitter ce monde, pour résoudre ses conflits, en passe par un autre, le Waki. Ce dernier fait émerger en lui son passé, l’origine de sa souffrance, son pourquoi il est là. Le Waki ne dialogue pas avec le Shite. C’est principalement le Shite qui parle. Le Waki est là pour le relancer, lui poser des questions, l’aiguiller. Ce qui fait que c’est à une sorte de monologue auquel on assiste (Banu 1986).

En lien aux règles fondamentales, le Shite doit dire, ne met pas en acte, ne s’offre pas à une décharge pulsionnelle directe. Chaque geste est contenu, porteur d’une symbolisation. Il n’est en aucun cas l’expression subjective de l’acteur. Le Waki se doit d’être le plus neutre possible. Sur scène il arrive avant le Shite, et va s’asseoir à côté d’un pilier, le Waki bashira. Comme un analyste est en attente de son analysant, et s’assoit toujours au même endroit. Sa façon de parler est dominé par l’impassibilité, il doit être le plus inexpressif possible, sans laisser transparaître d’émotion. De même il ne se déplace pas pendant tout l’acte, reste adossé à son pilier tel l’analyste engouffré dans son fauteuil.

 L'accès à cet article est réservé aux abonnés.


Connectez-vous pour accéder au contenu

ou abonnez-vous en cliquant ici !

  1. Nos remerciements vont notamment à Hirota Yukitoshi, maître de nô, qui nous a accordé une entrevue le 3 septembre 2007 à Kyoto.

Articles de dossier


Discrimination et double appartenance culturelle
La négociation identitaire des adolescents adoptés à l’international

Du culturel au thérapeutique
Prise en compte du Vaudou haïtien dans une perspective clinique

Lorsque le migrant devient patient
La performance narrative dans le rituel thérapeutique

La rencontre avec l’Autre
Les visites domiciliaires, un outil de connaissance et un espace pour construire des liens