Article de dossier

© Giuseppe Milo Radisson Blu - Bucharest, Romania - Travel photography, 11 mai 2017. Source (CC BY 2.0)

Approche transculturelle en CMPP

Réflexion à partir d’un cas de mutisme extrafamilial

, et


Evelyne PIVARD-BOUBAKRI

Evelyne Pivard-Boubakri est médecin au CMPP de Dreux, doctorante en sciences de l'éducation, Université Paris-Nanterre, CREF, équipe « Savoir, rapport au savoir et processus de transmission ».

Valérie BRASSELET

Valérie Brasselet est psychologue clinicienne au CMPP de Dreux.

Alice TITIA RIZZI

Alice Titia RIZZI est psychologue clinicienne, à la maison de Solenn (MDA) de l’hôpital Cochin, au Centre Babel, enseignante chercheuse à l’Université PARIS Cité et à l’INSERM. Elle fait partie du comité de rédaction de la revue L’autre et du bureau de l’AIEP. Elle a effectué une thèse à propos des dessins d’enfants, et dirige le séminaire : « Mieux écouter le dessin d’enfants » à PARIS. Elle a théorisé le génogramme transculturel en 2010, actuellement, elle coordonne une recherche autour de la théorisation du contre-transfert sur le dessin (groupe D-traces).

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Pour citer cet article :

Pivard-Boubakri E, Brasselet V, Titia Rizzi A. Approche transculturelle en CMPP. Réflexion à partir d’un cas de mutisme extrafamilial. L’autre, cliniques, cultures et sociétés, 2020, volume 21, n°3, pp. 285-296


Lien vers cet article : https://revuelautre.com/articles-dossier/approche-transculturelle-en-cmpp/

Approche transculturelle en CMPP : réflexions à partir d’un cas de mutisme extrafamilial

A partir de la situation d’un enfant de sept ans souffrant de mutisme extrafamilial reçu en consultation transculturelle au CMPP, nous proposons une réflexion sur les effets de ce dispositif sur la co-construction du rapport à l’altérité pour l’enfant, pour sa famille et pour les thérapeutes. L’article met en lumière le rôle essentiel de passeur que joue le médiateur culturel et montre comment le partage de récits traumatiques dans le dispositif permet l’émergence de scénarii, sous la forme de dessins, puis d’élaborations au sein du groupe. En conséquence, l’approche transculturelle aide l’enfant à développer ses capacités de traduction de son monde intérieur vers le monde extérieur.

Mots clés : centre médico-psycho-pédagogique, consultation, culture d’origine, dessin, électif, enfant, mutisme, traduction, traumatisme psychique.

Transcultural approach in a child care center: reflections on a clinical case of selective mutism

We report the case of a seven-year-old child presenting selective mutism, who attended a transcultural family consultation, a system recently set up in our child care center. The effect of the transcultural approach on the co-construction of the relationship with otherness for the child, the family and the therapists is analysed. This paper shows that the transcultural approach helps the child to increase his ability to “trans-late” from his inner world to the outside world. The role of the cultural mediator as a facilitator is pointed out. The sharing of narratives of trauma within this system is shown to produce emerging scenarios in the form of drawings for the child, and elaborations within the group.

Keywords: child, consultation, culture of origin, drawing, elective mutism, medical-psycho-educational center, psychic trauma, translation.

Enfoque transcultural en CMPP: reflexión a partir de un caso de mutismo extra familiar

Este artículo propone una reflexión sobre los efectos del dispositivo de consulta transcultural en CMPP en la co-construcción de la visión de la alteridad para el niño, para su familia y para los terapeutas, a partir del análisis de la situación de un paciente de siete años con mutismo extra familiar. Además se resalta el papel esencial de facilitador que juega el mediador cultural y muestra cómo el hecho de compartir narrativas traumáticas en el dispositivo permite la emergencia de escenarios en forma de dibujos y de elaboraciones dentro del grupo. Como resultado, el enfoque transcultural ayuda al niño a desarrollar sus habilidades de traducción de su mundo interior, proyectándose de esta manera hacia el mundo exterior.

Palabras claves: centro médico-psicopedagógico, consulta, cultura de orígen, dibujo, mutismo electivo, niño, traducción, trauma psíquico.

Le travail avec les familles est primordial pour les enfants suivis en Centre médico-psycho-pédagogique (CMPP)1, mais il n’est pas toujours facile d’établir une bonne alliance thérapeutique lors des entretiens classiquement proposés : les parents peuvent se sentir stigmatisés ou incompris, en particulier s’ils sont migrants. Suite à ce constat, nous avons mis en place depuis deux ans une consultation transculturelle2 au sein de notre établissement3. Nous proposons une réflexion sur les perspectives thérapeutiques offertes par la consultation transculturelle, dispositif d’accompagnement encore peu répandu en CMPP et dont peu de publications ont rendu compte jusqu’à présent (Delanoë & Hamlat, 2012). Nous chercherons à évaluer les effets de la participation familiale à ce dispositif, à partir d’une situation clinique d’enfant souffrant de mutisme sélectif extrafamilial.

Le mutisme sélectif extra-familial : un excès d’intériorité ?

Le mutisme sélectif est défini dans le DSM V comme une « incapacité régulière à parler dans des situations sociales spécifiques, […] par exemple à l’école, alors que l’enfant parle dans d’autres situations » (American Psychiatric Association, 2013). Il s’agit d’un empêchement durable, non lié à un trouble psychotique, ou à un défaut de connaissance de la langue, qui interfère avec la réussite scolaire ou avec la communication sociale. C’est un trouble peu fréquent, représentant moins de 1 % des sujets reçus dans les structures de soin mental selon les chiffres rapportés par certains auteurs (Gellman-Garçon, 2007). Il génère beaucoup d’interrogations chez les professionnels, les obligeant à questionner leurs modèles théoriques et thérapeutiques. De nombreux auteurs ont établi un lien entre le mutisme sélectif des enfants de migrants et leur difficulté à passer du monde du dedans, celui de la famille et de l’affectivité, au monde du dehors, celui de l’école et de la rationalité (Moro, 2002 ; Lhomme-Rigaud & Désir, 2005 ; Di & al., 2009 ; Di Meo & al., 2015 ; Rizzi & al., 2016). La question de l’intériorité/extériorité semble centrale chez ces enfants.

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  1. Notre établissement, situé à Dreux, est agréé pour accueillir des enfants de 3 à 18 ans présentant des troubles neuropsychiques ou du comportement. « Le diagnostic et le traitement sont effectués en consultations ambulatoires sans hospitalisation du malade. Ils sont toujours mis en œuvre par une équipe composée de médecins, d’auxiliaires médicaux, de psychologues, d’assistantes sociales et autant que de besoin, de pédagogues et de rééducateurs ». « Le traitement comprend une action sur la famille qui peut recevoir au centre toutes les indications nécessaires à la réadaptation de l’enfant et éventuellement toutes les thérapeutiques lorsque, dans l’intérêt de l’enfant, elles ne peuvent être dispensées ailleurs » (Extraits d’un des textes réglementaires, l’article 1 de l’annexe XXXII, ajoutée par le décret n° 63-146 du 18 février 1963 au décret n° 56-284 du 9 mars 1956).
  2. Il s’agit d’un dispositif de soin reposant sur une approche transculturelle, telle que théorisée par le Pr Marie Rose Moro, c’est-à-dire prenant en compte les modalités culturelles d’expression de la pensée, grâce à la présence d’un traducteur ou médiateur culturel.
  3. Ce projet a pu voir le jour grâce au soutien des PEP 28 (Pupilles de l’Enseignement Publique, antenne du département de l’Eure-et-Loir), l’association gestionnaire, et des membres de notre équipe, que nous tenons à remercier chaleureusement.