Article original
Mourir « en brousse ». Mort et migrations chez les Moose du Burkina Faso
Publié dans : L’autre 2008, Vol. 9, n°2
Alice DEGORCE
Alice Degorce est doctorante, Ecole Pratique des Hautes Études (EPHE) - Paris / CEMAF (Centre d’Étude des Mondes Africains) - Ivry.
Pour citer cet article :
Degorce A. Mourir « en brousse ». Mort et migrations chez les Moose du Burkina Faso. L’autre, Cliniques, cultures et sociétés, 2008, Vol. 9, n° 2, pp. 239-253
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Mourir « en brousse ». Mort et migrations chez les Moose du Burkina Faso
Le fait qu’une mort intervienne sur le sol du village constitue l’un des critères qui la rendent socialement « acceptable » aux yeux des Moose du Burkina Faso. Le défunt peut alors bénéficier de doubles funérailles et rejoindre les ancêtres du lignage. Les phénomènes d’émigration, importants dans la région d’enquête, mettent cependant à mal cette condition : les migrants étant « en brousse », hors du village, leur décès sur le lieu de migration est a priori contre-nature. Différents procédés, passant par la conversion religieuse et des célébrations rituelles sur un modèle proche de celui des funérailles des femmes, permettent cependant de contourner ce problème et d’assurer à ces défunts l’accès à l’ancestralité. Les esprits des morts sont ainsi ramenés au village, où des secondes funérailles sont célébrées en leur honneur : le maintien du lien social entre les migrants et ceux du village apparaît essentiel dans ces célébrations, mais devient fragile lorsque les migrations se prolongent sur plusieurs générations.
Mots-clés : Mort, funérailles, rite, migrations, Moose, Burkina Faso, Côte d’Ivoire.
Dying «in the bush». Death and migrations among the Moose of Burkina Faso
The fact that a death takes place on the village ground is one of the criteria that makes it socially acceptable to the Moose of Burkina Faso. The deceased person can then be granted a double funeral ceremony and join the lineage ancestors. Yet the migration phenomena, which are important in the region of investigation, jeopardise this condition: since migrants are «in the bush», that is out of the village, their death on the place of migration is in principle against nature. However, various procedures, achieved through religious conversion and rituals that resemble women’s funerals, enable them to get around the issue and to make sure the deceased can reach the status of ancestor. The spirits of the dead are thus brought back to the village, where second funeral ceremonies are celebrated in their honour: maintaining the social link between the migrants and those who stayed in the village seems essential in these celebrations, but becomes fragile when migrations take place over several generations.
Keywords: Death, funeral ceremony, ritual, migrations, Moose, Burkina Faso, Ivory Coast.
Morir «en la sabana». Muerte y migraciones en los Moose del Burkina Faso
El hecho de que una muerte intervenga en el suelo del pueblo constituye uno de los criterios que la hacen socialmente «aceptable» para los Moose del Burkina Faso. El difunto puede entonces beneficiar de doble funerales, y juntarse con los antepasados del linaje. Los fenómenos de emigración, importantes en la región de investigación, ponen sin embargo en peligro esta condición: los migrantes estando «en la sabana», fuera del pueblo, sus muertes sobre el sitio de migración son a priori contra-naturalezas. Diferentes medios, pasando por la conversión religiosa y rituales cuyo modelo se parece a el de los funerales de las mujeres, pueden sin embargo permitir evitar este problema y pueden garantizar el acceso al status de ancestro para estos muertos. Los espíritus de los muertos son así traídos al pueblo, donde una segunda ceremonia de funeral está celebrada en su honor: el mantenimiento del ligo social entre los emigrantes y los del pueblo aparece esencial en estas celebraciones, pero se vuelve frágil cuando las migraciones abarcan varias generaciones.
Palabras claves: Muerte, funeral, ritual, emigraciones, Moose, Burkina Faso, Costa de Marfil.
Le fait de penser les défunts selon différentes catégories, généralement regroupées par les anthropologues sous les appellations de « bons » ou de « mauvais » morts (Thomas 1975), est connu des chercheurs et se rencontre dans de nombreuses sociétés. Les Moose du Burkina Faso n’y sont pas étrangers et, bien que n’ayant pas exactement recours à cette terminologie, ils distinguent ceux qui meurent de vieillesse et de maladie, de ceux qui trépassent des suites d’une mort violente ou prématurée.
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