Article original
Le temps du passage : exister pour vivre
Publié dans : L’autre 2002, Vol. 3, n°1
Jean-Pierre GOULARD
EREA (Équipe de Recherche en Ethnologie Amérindienne)-UPR 324, 7 rue Guy Môquet 94201 Villejuif cedex.
Pour citer cet article :
Goulard J-P. Le temps du passage : exister pour vivre. L’entre-deux chez les Ticuna d’Amazonie. L’autre, Cliniques, cultures et sociétés, 2002, Vol. 3, n°1, pp. 109-126
Lien vers cet article : https://revuelautre.com/articles-originaux/le-temps-du-passage-exister-pour-vivre/
Le temps du passage : exister pour vivre. L’entre-deux chez les Ticuna d’Amazonie
Les rites de passage marquent le franchissement des classes d’âge. Cependant, peu d’intérêt a été porté jusqu’à présent aux périodes qui leur succèdent. L’auteur s’intéresse ici plus spécialement au temps qui suit les rites de puberté. La mise en parallèle d’observations réalisées dans le cadre de la maison plurifamiliale traditionnelle indigène et dans celui du village, qui est aujourd’hui en contact permanent avec le monde extérieur, le conduit à dégager des schèmes de la pratique similaires concernant l’initiation dans ces deux espaces. Il montre comment une société amazonienne « doit prendre en compte le fait de l’efficacité symbolique des rites d’institution » (Bourdieu 1986 : 208) pour perdurer.
Mots-clés : rites de passage, scolarité, travail, entre-deux, Ticuna.
Time of passage: existing for living. The in between of the Amazonian Ticuna
Individuals, while going through the successive age-groups, undergo, at the required time, specific rites pointing out the change of age-groupe. Up-to-now, research on the immediate periods of time following these ritual expériences, is rare. However, the researcher focuses his attention on the particular period of time coming next after the rites of puberty. Data collected within, first, the plurifamilial house, then, the village being constantly linked to the outside world, when compared, suggest, between these two places, similitudes of behaviour concerning initiation. The researcher brings to light how an amazonian society «should take into account the fact of the symbolic efficacy of initiation» (Bourdieu 1986 : 208), in order that this society may last long.
Keywords: rites of passage, scholarship, work, in-between, Ticuna.
El momento del pasaje: existir para vivir. El «entre-dos» de los Ticunas de Amazonia.
Los ritos de iniciación marcan el pasaje entre dos clases de edad. Hasta ahora, sin embargo, se ha prestado poco interés a los períodos consecutivos. El autor se interesa aquí especialmente al período consecutivo a los ritos de la pubertad. El hace un paralelo entre las observaciones recogidas por un lado en las casas plurifamiliares tradicionales indígenas y por otro lado, aquellas recogidas en la aldea – que hoy en día está en contacto permanente con el mundo exteriorlo que le permite de extraer esquemas similares de la práctica de la iniciación en estos dos espacios. Nos muestra así como una sociedad amazónica «debe tomar en cuenta la eficacidad simbólica de los ritos de iniciación» (Bourdieu, 1986 : 208) para perdurar.
Palabres claves: ritos de iniciación, escolarización, trabajo, «entre-dos», Ticuna.
Assis sur le plancher de sa maison, un vieil homme Ticuna1 s’interroge à haute voix sur le comportement des jeunes garçons et filles qui passent devant sa porte pour se rendre sur la place centrale du village. Leurs attitudes le surprennent : non seulement il n’accepte pas qu’ils fassent montre d’une telle promiscuité, mais non plus qu’ils aient publiquement des contacts physiques. Ses réflexions sont peu amènes. Il se réfère alors aux pratiques qui ont prévalu pour lui et les siens jusqu’à une époque récente.
- Groupe indigène de langue isolée dont la population est répartie sur trois pays : plus de 34 000 personnes au Brésil, près de 8 000 en Colombie et environ 5 500 au Pérou, formant ainsi un ensemble de plus de 47 000 membres. L’organisation sociale se fonde sur un système clanique divisé en deux moitiés exogames. L’échange de sœurs est privilégié pour les relations matrimoniales. La localisation actuelle du groupe sur le Moyen-Amazone est le résultat d’un processus de fluvialisation qui s’est déroulé sur plusieurs siècles (Goulard 1998).
Cet article est disponible uniquement au format pdf