Article original
« Le sexe du père est un sein pour le fœtus »
Publié dans : L’autre 2001, Vol. 2, n°3
Danielle JONCKERS
Danielle Jonckers est anthropologue CNRS, Professeur à l’Université libre de Bruxelles (ULB), Membre du laboratoire d’anthropologie sociale DYRE, Université Clermont II - CNRS.
Pour citer cet article :
Jonckers D. « Le sexe du père est un sein pour le fœtus ». La place des hommes dans le désir d’enfants chez les Minyanka du Mali. L’autre, Cliniques, cultures et sociétés, 2001, Vol. 2, n°3, pp. 521-536
Lien vers cet article : https://revuelautre.com/articles-originaux/le-sexe-du-pere-est-un-sein-pour-le-foetus/
« Le sexe du père est un sein pour le fœtus » : la place des hommes dans le désir d’enfants chez les Minyanka du Mali
Les Minyanka du Mali, de culture bamana, valorisent une fécondité maximum, jumelant l’hypernatalité, de la puberté à la ménopause, et les circulations d’enfants. Ni les hommes, ni les femmes n’évoquent leur désir d’enfant de crainte de provoquer la mort du fœtus ou du bébé. C’est à partir des représentations symboliques de la procréation et de l’analyse des cultes bamana que le désir masculin d’enfants est mis en évidence. On confère au père la capacité de façonner et de nourrir le fœtus en mêlant son sperme au sang utérin. Mais le rôle fondamental dans la reproduction est attribué à des puissances supra-humaines qui récupèrent les composantes spirituelles d’un ancêtre pour les placer dans le ventre d’une femme et insuffler la vie. Les cultes à ces puissances sont interdits aux femmes et les hommes sont seuls habilités à sacrifier. Ils captent ainsi symboliquement le pouvoir génésique féminin et affirment la prépondérance masculine.
Mots clefs : conception, parenté, mortalité infantile, ancêtres, Mali
«The father’s penis is a breast for the fœtus»: the place of men in the desire for children of the Minyanka of Mali.
The Minyanka of Mali, of the Bamana culture, place a high value on maximum fertility, joining a high birth-rate, from puberty to the menopause, with fostering of children. Both men and women avoid speaking about their desire for children for fear of causing the death of the fœtus or baby. Men’s desire for children can be seen in the symbolic representations of procreation and in the analysis of Bamana sacrificial rites. The father has been given the ability to make and to nourish the fœtus by mixing his sperm with the uterine blood. However, the fundamental role in reproduction is ascribed to super-human beings who recuperate the spiritual components of an ancestor, place them in the womb, and breathe life into them. Membership of the religious brotherhoods dedicated to these supra-human Beings is forbidden to women and only men have the right to possess shrines and make sacrifices. In this way they symbolically capture the female life-giving power and affirm masculine supremacy.
Key words: conception, kinship, infant mortality, ancestors, Mali.
«El sexo del padre es un seno para el feto»: el lugar del hombre en el deseo de hijos en los Minyanka de Mali.
Los Minyanka de Mali, de cultura bamana, valoran una fecundidad máxima, sumando una hypernatalidad desde la pubertad hasta la menopausia, a la circulación de los niños. Ni los hombres ni los mujeres evocan su deseo de hijos, por temor a provocar la muerte del feto. Es a partir de las representaciones simbólicas de la procreación y del análisis de los cultos bamana que el deseo masculino de hijos puede ser puesto en evidençia. Se confiere al padre la capacidad de modelar y de nutrir al feto, al mezclar su esperma con la sangre uterina.
Pero el papel fundamental en la reproducción es atribuido a las potencias supra-humanas que recuperan los componentes espirituales de un ancestro para colocaralo en el vientre de una mujer y darle el soplo de vida. Los cultos de estas potencias están prohibidos a las mujeres y solamente los hombres están habilitados a practicar los sacrificios.
Así, los hombres pueden captar simbolicamente el poder genésico feminino y afirmar la preponderancia masculina.
Palabras claves: concepción, parentesco, mortalidad infantil, ancestros, Malí.
Les Minyanka du sud-est du Mali (Jonckers, 1987), estimés à environ 250 000, aiment s’entourer de nombreux enfants. Ils mettent tout en œuvre pour y parvenir jumelant l’hypernatalité et les circulations d’enfants. Les hommes et les femmes de tout âge ainsi que les enfants eux-mêmes s’occupent volontiers des tout petits, répondant à leurs moindres besoins. Leur culture et leur idéologie valorisent la fécondité, cependant, ils n’expriment pas leur désir d’enfants à moins qu’une nouvelle grossesse ne se fasse attendre ou en cas de stérilité.
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