Article de dossier
Bibliothèque Méjanes, carte à jouer révolutionnaire, 10 mars 2015. Source (CC BY-SA 2.0)
« Je vais te tuer et les femmes vont pleurer »
Publié dans : L’autre 2017, Vol. 18, n°2
Dossier : Radicalités
Michèle FIÉLOUX
Michèle Fiéloux est anthropologue et réalisatrice au Laboratoire d’Anthropologie sociale (CNRS), Collège de France, 52 rue du Cardinal Lemoine, 75005 Paris.
Antongini G, Spini T. Les gens de l’hippopotame. In: Fiéloux M, Lombard J, Kambou JM, éditeurs. Images d’Afrique et sciences sociales. Les pays lobi, birifor et dagara. Paris: khartala-Orstom; 1993. p. 346-360.
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Bonnafé P, Fiéloux M. Le dédain de la mort et la force du cadavre. Souillure et purification d’un meurtrier lobi. Etudes Rurales 1984; 95-96: 63-87.
Bonnet G. Psychanalyse d’un meurtrier. Le Remords. Désir-Payot; 2014.
Cartry M, Detienne M. Introduction. Destins de meurtriers. Systèmes de Pensée en Afrique noire 1996.
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Detienne M. Le doigt d’Oreste. Systèmes de Pensée en Afrique noire 1996; 14 : 23-39.
D’Onofrio S, Taylor A.C. éditeurs La guerre en tête. Cahiers 02 d’Anthropologie sociale. Paris: l’Herne; 2006.
Fiéloux M. Biwanté. Récit autobiographique d’un lobi du Burkina Faso. Paris: Karthala; 1993.
Fiéloux, M, Lombard, J. Les Mémoires de Binduté Da, 1990, film 52’, https://vimeo.com/28190568
Freud, S. L’inquiétante étrangeté et autres essais. Gallimard, Coll. La connaissance de l’inconscient; 1985.
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Héritier, F. Les deux sœurs et leur mère. Paris: Odile Jacob; 1982.
Héritier, F. Cyrulnik, B, Naouri, A. De l’inceste. Paris: Odile Jacob; 1982.
Kadaré, I, Avril brisé. Paris: Le Livre de poche; 1983.
Kambou-Ferrand J-M. Peuples voltaïques et conquête coloniale (1985-1914). Paris: L’Harmattan; 1993.
Mc Kurley Mark, Hunter Killer, la guerre des drones par ceux qui la font. Paris: Seuil; 2015.
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Pour citer cet article :
Fiéloux M. « Je vais te tuer et les femmes vont pleurer ». Guerriers et meurtriers. Violence et ordre social. L’autre, cliniques, cultures et sociétés, 2017, volume 18, n°2, pp. 142-152
Lien vers cet article : https://revuelautre.com/articles-dossier/vais-te-tuer-femmes-pleurer/
«Je vais te tuer et les femmes vont pleurer». Guerriers et meurtriers. Violence et ordre social
Toute société a par définition quelque chose à dire de la violence, ne serait-ce qu’en l’organisant dans son mode de fonctionnement. Dans ce sens, nous présentons ici un exemple emprunté à une société de l’Afrique de l’Ouest, la société lobi du Burkina Faso, qui devrait permettre de mieux comprendre comment la violence et les différentes conceptions du rapport à la mort font l’objet d’une codification précise. Cet exemple nous permet-il d’approcher avec un autre regard les formes nouvelles de violence liées à la radicalisation djihadiste?
Mots clés : Afrique, Burkina Faso, culture, homicide, hommes, Lobi, mort, rite, société traditionnelle, vengeance, violence, virilité.
«I’ll kill you and women will cry». Warriors and murderers. Violence and social order
Every society has by definition something to say about violence, if only by organizing it within its operating method. Along these lines, we present an example from a West African society, the Lobi society of Burkina Faso, which should allow us to better understand how violence and different conceptions of the relationship with death are the subject of precise codification. This example allows us to approach new forms of violence linked to jihadist radicalization from another perspective.
Keywords: Africa, Burkina Faso, culture, death, homicide, Lobi, man, revenge, ritual, traditional society, violence, virility.
«Te voy a matar y las mujeres van a llorar». Guerreros y asesinos. Violencia y orden social
Toda sociedad tiene por definición algo que decir sobre la violencia, aun cuando sólo sea para organizarla en su modo de funcionamiento. En este sentido, presentamos aquí un ejemplo proveniente de una sociedad de África occidental, la sociedad lobi de Burkina Faso, que puede permitirnos una mejor comprensión de cómo la violencia y las diferentes concepciones de la relación con la muerte están codificadas de manera precisa. Este ejemplo nos permite un acercamiento, bajo una óptica distinta, a las nuevas formas de violencia ligadas a la radicalización djihadista.
Palabras claves: Africa, Burkina Faso, cultura, hombres, homicidio, Lobi, muerte, ritual, sociedad tradicional, venganza, violencia, virilidad.
« Tous les parfums d’Arabie n’adouciraient pas cette petite main ».
Shakespeare Macbeth (acte V, scène I)
« Nous la revoyons somnambule,
fixée aux impressions de cette nuit de meurtre (…),
elle s’efforce “de défaire ce qui ne peut être défait”.
Elle lave ses mains qui ont des taches et une odeur de sang et
elle prend conscience de la vanité de ses efforts… »
S. Freud. L’inquiétante étrangeté et autres essais
Tuer sans prendre le risque de mourir, « avec une arme sans corps »1 qui a déjà tué un grand nombre de « cibles » djihadistes parmi lesquelles le commanditaire, depuis le Yémen, de l’attaque de Charlie Hebdo, le 7 janvier 2015.
L’utilisation du drone-chasseur-tueur, présenté aujourd’hui comme l’arme de prédilection des États-Unis pour éviter les affrontements directs sur le terrain dans la lutte contre les organisations terroristes, soulève toutes sortes d’interrogations concernant notamment les effets induits par « cette façon de tuer » purement technologique, « peu humanisée », grâce à laquelle on évite tout risque de mort réelle en retour. Est-ce là « l’arme du lâche qui s’émancipe de toute bravoure et esprit de sacrifice » ? Que signifie cette guerre fortement asymétrique ? Comment expliquer le « burn-out » affectant de nombreux pilotes ? Qu’éprouve le pilote quand il déclenche le tir, avec la possibilité de revoir les images en boucle ? Et ainsi de suite…
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