Article de dossier
Myriam Harleaux, Belgique 2012. Source D.G.
Que nous dit l’adoption sur notre parenté, que nous dit notre parenté sur l’adoption ?
Publié dans : L’autre 2012, Vol. 13, n°2
Dossier : Adoptions internationales
Anne CADORET
Anne Cadoret est anthropologue. Elle travaille depuis des années sur les nouvelles configurations de la famille française, et s’est intéressée dernièrement aux familles adoptives après s’être penchée sur les familles d’accueil puis les familles homoparentales, se demandant ce que ces différentes configurations nous révèlent du système de parenté occidental.
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Pour citer cet article :
Cadoret A. Que nous dit l’adoption sur notre parenté, que nous dit notre parenté sur l’adoption ? L’autre, cliniques, cultures et sociétés, 2012, volume 13, n°2, pp.160-169
Lien vers cet article : https://revuelautre.com/articles-dossier/que-nous-dit-ladoption-sur-notre-parente-que-nous-dit-notre-parente-sur-ladoption/
Que nous dit l’adoption sur notre parenté, que nous dit notre parenté sur l’adoption ?
Les configurations familiales d’aujourd’hui ne sont plus celles d’hier et l’enfant peut se retrouver avec plusieurs figures de père, plusieurs figures de mère. L’adoption, lorsqu’elle a été instituée, il y a une cinquantaine d’années, se glissait dans le seul modèle familial alors existant – un seul père, une seule mère, qui étaient les parents adoptants. Nous avions affaire à une logique de substitution. Puis, peu à peu, parallèlement à l’évolution générale de la parenté, d’autres logiques de construction de la filiation adoptive sont apparues, telles les logiques de succession, de continuité et de relation. Nous parlons toujours d’adoption plénière, mais avec en plus la possibilité d’une adoption ouverte, laquelle, tout en laissant les parents adoptifs être les seuls parents légaux de l’enfant, n’efface pas la présence des parents de naissance ; nous pensons aussi à l’adoption simple qui introduit réellement une double parenté, dont l’adopté serait la cause et le centre.
Mots clés : adoption, adoption plénière, adoption simple, évolution, filiation, parenté, structure familiale.
What is adoption for our kinship, what is our kinship for adoption?
Nowadays, children can have several fathers and mothers (birth parents, adopted parents, stepparents…). When adoption was instituted, about fifty years ago, there was only one pattern of family with one father and one mother ; and adoption had to square with that : parents were only adopting parents. We applied an idea of substitution of families. But, in parallel with the evolution of parenthood, other logics to construct adoption appear, with ideas of succession, continuity or link. In open adoption, birth parents are not more ignored. In France exists the specificity of “simple adoption” which links two families ; and in which the child is at the intersection of each family.
Keywords: adoption, evolution, family structure, filiation, kinship, plain adoption, simple adoption.
Qué nos revela la adopción sobre nuestro paternidad, qué nos dice nuestra paternidad sobre la adopción?
Las configuraciones de la familia de hoy en día no son las mismas de ayer ; un niño de la actualidad puede tener más de un padre, más de una madre. Cuando la adopción fue instituida, hace unos cincuenta años, se adecuaba con el único modelo de la familia : un solo padre, una sola madre, que eran los adoptantes. Era esta una lógica de substitución. Poco a poco, con la evolución general de la paternidad, otras lógicas fueron posibles : lógicas de sucesión, de continuidad, de relación. Hoy en día, si seguimos hablando de adopción plenaria, lo hacemos también de una adopción abierta : los padres adoptivos siguen siendo los únicos padres del niño, pero siguen existiendo los padres biológicos. Podemos también pensar en la adopción simple, la cual hace existir una paternidad plural ; en este caso, el niño adoptado está en el punto de encuentro de las dos familias.
Palabras claves: adopción, adopción plenaria, adopción simple, estructura familial, evolución, filiación, parentesco.
Au début des années 1960, la France suit le drame de l’affaire Novak : un enfant, né sous X, a été confié à des parents adoptifs. Toutefois, le père (biologique) de l’enfant retrouve les traces de la naissance et, lui qui n’a pas accouché sous X, demande que ses droits de paternité soient reconnus… Après plusieurs années de conflit, d’allers-retours de l’enfant entre sa famille biologique et sa famille adoptive, cette dernière est déclarée la seule et unique famille de l’enfant.
Pour que ce conflit de « double parenté » ne se répète plus, l’adoption est redéfinie par la loi de 1966 qui synthétise en deux grandes catégories – adoption plénière et adoption simple – les trois grands modes d’adoption existants jusqu’alors. Le premier, l’adoption sans rupture des liens d’origine, autorisée pour un couple ou une personne seule, devient l’adoption simple. Les deux autres, l’adoption avec rupture des liens d’origine et la légitimation adoptive1 se fondent dans l’adoption plénière. La reprise de certains principes de l’une et l’autre formule dans l’adoption plénière a trois conséquences : l’autorisation de l’adoption plénière à une seule entité – un couple marié ou une personne seule ; l’intégration complète de l’enfant adopté dans la parenté générale des adoptants ; et l’effacement complet de la parenté d’origine de cet enfant.
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- L’adoption avec rupture des liens d’origines pouvait être le fait d’un couple ou d’une personne seule, mais ne consacrait que des liens personnels entre l’adoptant et l’adopté, sans donner à ce dernier une inscription généalogique ; la légitimation adoptive, quant à elle, était autorisée seulement pour des couples non séparés de corps au bénéfice d’enfants de moins de sept ans ; elle intégrait complètement l’enfant dans les lignées des adoptants.